Publié le 11 Oct 2022 - 23:48
TROISIÈME CANDIDATURE

La polémique reprend de plus belle

 

Le débat sur une éventuelle candidature pour le Président Macky Sall a refait surface. Le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall, a déclaré à Iradio qu'il ''n'est pas en mission commandée pour un troisième mandat et n'est pas habilité à en parler''. Ce qui est considéré comme un changement de discours par rapport à ce qu'il disait sur le même sujet, il y a quelques temps. On a pu noter des réactions de la part de juristes, d'une partie de la population, mais aussi, de proches du Chef de l'État.

 

Le troisième mandat, une équation à mille inconnues ! C'est l'un des sujets phares qui défraient la chronique. Une question plus que préoccupante. A un moment donné, il semblait se fondre dans le silence, mais, la récente intervention du ministre de la Justice, Garde des Sceaux a encore déclenché le débat et réactivé les prises de positions qui, le plus souvent, se heurtent les unes autres autres. Sur les ondes d’Iradio, Ismaïla Madior Fall a fait savoir qu'il ''n'est pas en mission commandée pour un troisième mandat'', ajoutant aussi qu'il n'est pas une instance habilitée pour se prononcer sur la question. Certains croient noter une contradiction dans ses propos, soulignant que son discours d'avant n'est pas le même que celui d'aujourd'hui.

Si beaucoup de citoyens rejettent catégoriquement une probable candidature du Président Macky Sall, certains de ses proches pensent autrement. C'est le cas de Mbaye Ndiaye. Face à la question, le ministre d'État joue la carte de la prudence. Il pense ainsi que le Chef de l'État n'a pas besoin de toucher à la Constitution. Toutefois, cet avis suggère quelque chose. Pour lui, en se référant aux textes, le Président Macky Sall peut bel et bien faire un troisième mandat. "Il n'est pas dans le cœur et dans l'esprit du Président Macky Sall de faire une modification constitutionnelle pour avoir une troisième candidature. De ce fait, ce que la Constitution a dit est clair. En réalité, le texte a été écrit, quand le mandat de Macky Sall était de sept ans. Donc, ça ne concernait que le mandat de cinq ans'', dit-il.

Si certains évoquent même la question de la morale dans cette affaire, soutenant que M. Sall doit respecter sa parole, Mbaye Ndiaye, lui, voit cela comme insensé par rapport à la Constitution. Le ministre d'État pense que la parole du chef de l'État ne peut pas primer sur la réalité constitutionnelle. Il soutient à ce propos :"Faire valoir la parole du président Macky Sall par rapport à la Constitution, c'est vraiment faire des mélanges de mauvais alois. Même s'il a dit s'arrêter à deux mandats, sa parole ne peut pas être au-dessus de la Constitution, or, cette dernière s'adressait à la durée de cinq ans et, donc, ne prenant pas en compte les sept ans de Macky Sall''.

Jeu de dupes

Au regard des dires de M. Ndiaye, il ne fait donc l'ombre d'aucun doute que l'ancien ministre d’Etat est un pro-troisième mandat. A y regarder de près, sa position ressemble à un jeu de dupes. En vérité, cela peut attirer l'attention des Sénégalais, quand il soutient que le Président Macky Sall ne touchera pas à la Constitution. C'est une sorte de prise de position courageuse. Mais, la suite de son raisonnement montre à suffisance que son seul point de chute, c'est qu'une troisième candidature de son mentor est bien valable et légale.

Cette sortie ne laisse pas indifférents des juristes. En effet, répliquant aux propos de M. Ndiaye, Abdoulaye Tine s'est dit attristé par les ''discours d'équivoque et d'interprétation'' du Président Sall et de ses proches. Pour l'avocat, ces derniers sont en train de se contredire par rapport à leurs positions, d'il y a dix ans. Autrement, ceux qui dénonçaient, sans interprétation, le troisième mandat, sont, aujourd'hui, ceux qui le cautionnent. ‘’Le Président Macky Sall et ses collaborateurs ne doivent pas entretenir l'équivoque ou une quelconque interprétation de ce qu'on combattait, il y a quelques années en arrière. C'est vraiment triste d'entendre les mêmes qui appelaient à manifester contre un troisième mandat tenir ce genre de discours. Il n'y a même pas d'équivoque, du point de vue juridique, car, s'il y a deux éléments qui ne peuvent pas faire l'objet de révision, c'est la forme républicaine de l'État qui est intangible, mais aussi, la question de la troisième candidature, c'est-à-dire le troisième mandat'', explique-t-il.

''Ce changement de discours'' des proches du Chef de l'État pousse l'avocat à prendre avec des pincettes la déclaration d'Ismaïla Madior qui dit ''ne pas être en mission commandée pour un troisième mandat''. Ainsi, M. Tine, par ailleurs leader de l'Union Sociale libérale, ne veut pas de mauvaise surprise. Par conséquent, dit-il, "cette sortie du ministre de la Justice est loin de changer notre attitude vis-à-vis de la question du troisième mandat. Au contraire, ça renforce notre détermination à faire respecter les lois, comme on l'avait fait, tous ensemble en 2012''.

Pour lui, le fait que Macky Sall et ses proches entretiennent l'équivoque est même ''un deuxième assassinat de Mamadou Diop'', citoyen tué, lors des manifestations contre la troisième candidature du Président Abdoulaye Wade.

Les Sénégalais disent niet

Si le débat sur la question du troisième mandat fait rage entre acteurs politiques et même entre juristes, les Sénégalais, eux, sont très catégoriques. Il est hors de question d'en parler. La réaction des uns et des autres montre l'ampleur et la délicatesse de la question. Dans la rue, des citoyens croisés ne nous laissent même pas terminer notre phrase. Ils répliquent sans hésiter : "Le troisième mandat est interdit au Sénégal. On n'a pas besoin de faire de longs discours''. Parmi les plus déterminés, Alpha Diallo, vendeur de chaussures à Colobane. Il conseille même au Président Macky Sall de comprendre le message des Sénégalais. ''Quand ils disent non, c'est non. Que Macky Sall n'essaie de forcer. Sa paix en dépend'', dit-il.

Même son de cloche chez les autres ''businessmen'' qui ont tenu à rappeler au chef de l'État son engagement vis-à-vis du troisième mandat. Ils sont revenus sur les manifestations de 2012 qui ont conduit à la mort de dignes sénégalais. Certains, pour soutenir leur intention de voir le Président Macky Sall s'en aller en 2024, évoquent des difficultés et des problèmes que le pays a connu sous son magistère. C'est l'exemple d'El hadji Guèye, un autre vendeur, qui souhaite que le président de la République s'en aille. Un peu plus doux que ses amis, il avance : "Nous voulons qu'il parte pour ne pas créer des dégâts dans ce pays. Nous voulons un changement. À vrai dire, il y a beaucoup de problèmes dans la gestion du pays''.

Un de ses amis assis à côté de lui embouche la même trompette que M. Guèye. Jacques Saliou, il s’appelle. Mais, celui-ci va plus loin et dénonce une trahison de la part du Chef de l'État. ''Macky Sall nous a trahis. Aujourd'hui, on souffre davantage, surtout avec la flambée des prix des denrées. S'il force pour une troisième candidature, nous ferons face. La jeunesse est maintenant très éveillée. Nous sommes prêts à nous opposer contre cela. D'ailleurs, c'est lui qui nous avait montré la voie en 2012. Donc, nous ne tarderont pas à descendre dans la rue''. Ce sentiment est partagé par presque tous les jeunes rencontrés. Et à chaque fois, une grande détermination se fait sentir dans leurs propos.

''On peut lui accorder un troisième mandat…''

Sur cette épineuse question, un homme sort du lot, prenant le contre-pied de ses camarades. Ndiadé Sarr soutient sans trembler qu’une troisième candidature, un troisième mandat pour le président Macky Sall, est bien possible. Toutefois, il a ses raisons à lui. Le vendeur d'un âge relativement moyen dit n’avoir pas confiance en l’opposition. "Pour dire vrai, les gens de l'opposition sont pires que le Président actuel. Je ne le soutenais pas, mais, vu les personnes qu'on a dans l'opposition, je pense qu'il est mieux de le garder à la tête du pays. Je suis très déçu par le comportement de certains leaders politiques. Et on peut citer, parmi tant d'actes d'irresponsabilité : les récents événements survenus à l'Assemblée nationale. Des gens qui arrachent des micros, cassent des tables… C'est ça le mauvais exemple''.

En tant qu'habitant de Colobane, son sentiment d'inquiétude est aussi provoqué par les différentes manifestations préjudiciables organisées par les leaders de l'opposition. Selon M. Sarr, ils ont toujours causé du tort aux habitants de cette localité, à travers leurs nombreux appels à manifester. On serait donc tenté de constater que c'est un règlement de comptes avec les organisateurs de manifestations, car, d'après lui, il y a toujours des dégâts. Et pour railler ses amis qui rejettent le troisième mandat et soutiennent l'opposition, M. Sarr déclare : "Le président Macky Sall travaille sans tambours ni trompette, c'est ce qui me plaît en lui. C'est logique qu'on lui accorde un troisième mandat''.

EL HADJI FODÉ SARR

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