La précampagne bat déjà son plein
Le décret de fixation de la date des élections n’est toujours pas publié par le ministère de l’Intérieur. Qu’importe, entre meetings et tournées politiques, la campagne est déjà lancée en vue de 2024.
Pour le moment, rien n’est officiel. À part une promesse du ministère de l’Intérieur de l’ouverture prochaine d’une période de révision exceptionnelle des listes électorales en vue de la Présidentielle de 2024. Le 31 janvier dernier, un communiqué de l’instance habilité à organiser les élections a soutenu que ‘’cette révision se substituera à la révision ordinaire qui devrait démarrer le 1er février 2023’’.
Malgré ce retard du calendrier républicain, chez les politiques, la campagne électorale a déjà commencé. Si les déclarations de candidature tous azimuts ont donné le ton depuis longtemps, le méga meeting de Pastef à Keur Massar trace, à coup sûr, la route vers la Présidentielle 2024.
Le monde fou réuni par Ousmane Sonko et ses alliés, les images faisant le tour des réseaux sociaux ont montré que pour battre de candidat de Pastef/Les patriotes en 2024, il faudra se lever tôt. L’opposant, qui continue son ‘’Nemeeku Tour’’, a réussi un vrai coup politique, aussi bien dans la mobilisation de militants que dans le contenu de son message politique. L’appel à la résistance, au lendemain de son renvoi en chambre criminelle, dans le cadre des accusations de viol qui le visent ne laisse personne indifférent. Et les records de Pastef ne se limitent pas à l’audience que le parti parvient à réaliser.
Pour la première fois, une levée de fonds lancée par un parti politique au Sénégal a pu réunir, en quelques jours, plus de 300 millions F CFA, selon les organisateurs.
Après Keur Massar, Pastef prépare Mbacké
Un deuxième meeting national est annoncé pour le vendredi 10 février à Mbacké. Le maire de Ziguinchor entend réaliser un nouveau coup dans l’un des bastions électoraux du pays où le président Macky Sall ne s’est jamais réellement imposé.
Hier, le leader des ‘’pastéfiens’’ a rendu visite à Aboubacar Djamil Sané, un membre fondateur de Pastef, qui a mis fin à 14 ans de règne du maire des Parcelles-Assainies Moussa Sy. Ousmane Sonko en a profité pour promettre aux habitants qui ont fait confiance au nouvel édile qu’ils ont fait le bon choix, tout en déplorant qu’une commune de 450 000 habitants ne dispose pas d’un budget de 3 milliards. Ce qui dénote du peu de moyens dont disposent les collectivités locales, malgré les sollicitations des populations.
Le maire de Ziguinchor entend mettre en place un comité mixte entre sa collectivité et celle des Parcelles-Assainies, en collaboration avec la mairie de Dakar.
Si beaucoup de leaders de la coalition Yewwi Askan Wi s’entassent autour du président de Pastef, d’autres ont choisi d’occuper le terrain. C’est le cas de Khalifa Sall.
Khalifa Sall tisse sa toile ; Le PDS ne change pas de formule
Malgré son inéligibilité, l’ancien maire de Dakar, à la tête de Taxawu Sénégal, effectue une tournée nationale et dans la diaspora afin de convaincre les électeurs sur son programme dénommé ‘’Motalli Yeene’’ (pérennisation d’un engagement politique). A l’image du ‘’Nemeeku Tour’’, les opérations de charme à travers les visites de proximité sont à la mode, après avoir permis, selon plusieurs observateurs, à Macky Sall de gagner la Présidentielle de 2012.
Toujours au sein de l’opposition, d’autres ont choisi des moyens plus classiques. Le Parti démocratique sénégalais (PDS) a lancé, depuis septembre 2022, une opération de vente de cartes. Le secrétaire général national a montré la voie aux militants en achetant la sienne à un million de francs CFA. Le parti partage avec Taxawu Sénégal l’inéligibilité de leurs premiers choix : Karim Wade et Khalifa Sall. L’amnistie qui se prépare viendra les remettre dans le jeu de la compétition électorale.
Si tous les deux se détachent de l’amnistie demandée par le président de la République en Conseil des ministres, les deux leaders politiques s’investissent tout de même dans la perspective de participer à l’élection présidentielle.
Ce n’est tout de même pas qu’au sein de l’opposition seulement que la campagne avant l’heure bat son plein. Au sein de Benno Bokk Yaakaar, les espoirs ne font plus l’objet d’un consensus. L’incertitude se dissipe peu à peu sur la volonté du président de la République Macky Sall de briguer un troisième mandat. Si le principal concerné s’en tient toujours à son fameux ‘’ni oui ni non’’, ses camarades de parti ne cachent plus leur volonté de faire de lui leur candidat pour 2024.
Macky Sall tâte toujours le pouls
‘’Le moment est venu de ne plus attendre que le président Macky Sall dise qu’il est candidat. L’APR a décidé, à travers ma voix […] de présenter le président Macky Sall candidat de l’APR-Yaakaar et de la mouvance présidentielle. On ne s’en cache pas’’, lançait Mbaye Ndiaye à la veille de la cérémonie de lancement des ventes de cartes du l’APR. Le directeur des structures du parti, ministre d’État sans portefeuille, est l’un des premiers à avoir invité le président sénégalais à briser le silence et à déclarer sa candidature.
Le plus récent à l’imiter fut le Premier ministre, dimanche dernier, lors du meeting organisé par le parti au pouvoir. Selon Amadou Bâ, il n’y a ni plan A ni plan B au sein de l’APR et Benno, le seul candidat est Macky Sall : ‘’Ce qu’on veut du président Macky Sall, c’est qu’il continue de nous guider. Qu’il continue de mettre en œuvre le PSE, de lutter contre la pauvreté, contre les injustices, contre la mal gouvernance dans ce pays et un peu plus en Afrique, et il peut compter sur l’ensemble des militants APR, de Benno Bokk Yaakaar, sous la direction du parti.’’
Le Parti socialiste en séminaire d’évaluation du compagnonnage avec BBY
L’optimisme du Premier ministre risque de se heurter à la réalité du terrain. Du moins, en ce qui concerne la coalition Benno Bokk Yaakaar. Le silence de son leader pousse certains à se poser des questions. Ancré dans la mouvance présidentielle depuis plusieurs années, le Parti socialiste (PS) va tenir un séminaire ce weekend (samedi 11 et dimanche 12 février) ‘’exclusivement les membres du Bureau politique élargi aux secrétaires généraux de coordination qui n’en sont pas membres’’, sur le thème général ‘’Le Parti socialiste à la croisée des chemins : enjeux et défis’’.
L’idée principale annoncée dans une lettre circulaire signée Aminata Mbengue Ndiaye, Secrétaire générale, est d’engager un ‘’débat introspectif’’ dans le but de ‘’repositionner le parti, tant au sein de la coalition BBY que dans l’espace politique national’’.
Il y a quelques jours, le porte-parole du PS s’était prononcé contre un troisième mandat de Macky Sall, avant de se raviser, en soutenant le contraire, selon d’autres interprétations de la Constitution. Malgré tout, le PS ne donne pas les signaux de vouloir être un problème majeur pour la mouvance présidentielle.
Même si, la tentation est grande, au moment où l’idée de la réunification de la famille socialiste est agitée, de se repositionner définitivement sur l’échiquier politique, en présentant un candidat de consensus d’obédience socialiste. Cela signifierait de mettre un terme au compagnonnage record avec Macky Sall. Les Verts vont-ils oser s’affranchir et franchir le Rubicon ?
Au tout cas, cela ferait chorus avec les voix qui s’élèvent pour réclamer la candidature d’autres ténors au sein de Benno.
Idrissa Seck et ses ambitions présidentielles
Dans un communiqué publié la semaine dernière, la section France de Rewmi invite son leader Idrissa Seck à se présenter en 2024. Mieux, suggère-t-elle, le président du Conseil économique, social et environnemental devrait être le candidat de Benno Bokk Yaakaar à la place du président de la République et l’incite même à quitter le navire Benno, s’il n’est pas choisi.
‘’Puisque l’analyse objective de l’évolution du paysage politique sénégalais, ces dernières années, nécessite de l’objectivité, elle invite, ordonne et nécessite de remettre la clé des institutions à un homme d’Etat consensuel et expérimenté : Idrissa Seck. Puisque sa compétence prend sa source dans son intelligence, son pragmatisme, sa sagesse, son savoir- devoir-faire être-faire et qu’il en est expérimentalement et richement doté. Puisque les perspectives dictées par la prochaine exploitation des ressources naturelles vont commander toutes ces qualités qui allient patriotisme, souveraineté et mondialisation(…) A l’évaluation de tous ces crédibles arguments qui font forte et indéniable raison, nous, de Rewmi France, à l’issue de la rencontre du 21 Janvier 2023, souhaitons, appelons et proposons le président Idrissa Seck comme candidat de Benno Bokk Yaakaar (BBY) à la prochaine élection présidentielle de 2024’’, déclarent les Rewmistes de France dans une note signée par le secrétaire général de cette coordination, Moustapha Dramé.
Il peut s’agir là d’une simple tactique pour repositionner leur leader qui a perdu de sa superbe et montrer que Rewmi est bien toujours là. Mais, également, cette sortie peut être annonciatrice d’un futur divorce, entre Rewmi et BBY. Puisqu’il s’agit là, clairement, d’une dissonance avec le ‘’tout pour Macky’’ qui est en vigueur au sein de la majorité présidentielle.
Dans tous les cas, les jours à venir édifieront sur les intentions réelles d’Idrissa Seck qui, comme tout le monde le sait, n’est intéressé que par la magistrature suprême. Dans ce sens, être à la tête d’une machine électorale comme BBY va considérablement augmenter ses chances de réaliser son rêve.
Lamine Diouf