"Nous nous sommes appauvris sous Wade"
Neuf tours d’horloge, c’est le temps que Madické Niang et Samuel Sarr ont passé dans les locaux de la section de recherche de la gendarmerie de Colobane.
''Jërë jëf Serigne Touba !'' (Merci à Serigne Touba). Ce sont les premiers mots que Madické Niang, ancien ministre des Affaires étrangères, a prononcés, hier, à la sortie de son audition au niveau de la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane à 17h 40mn. Entendu durant 9 tours d’horloge dans le cadre de l’enquête sur l’enrichissement illicite, en compagnie de Samuel Sarr, ancien ministre de l’Energie, Me Madické Niang est apparu serein.
Debout sur leur véhicule de type Mercedes, ces deux dignitaires de l’ex-régime, vêtus de grand boubou bleu, se sont offert un bain de foule, obstruant la circulation pendant un bref moment. Des militants et responsables libéraux étaient présents pour apporter leur soutien.
L’attente aura été tout de même longue. A 8 heures déjà, l’heure de la convocation de Madické Niang et Samuel Sarr, des libéraux étaient présents devant la gendarmerie de Colobane. Mais il n’y avait pas que des militants. Cette audition sera marquée par la présence de groupes religieux qui entonnaient des chants liturgiques (Khassaïdes). Une fois les deux dignitaires à l’intérieur, les militants se sont réfugiés sous un ''arbre à palabres'' à quelques mètres de là.
Pour parer à toute éventualité, deux camions remplis de policiers veillaient au grain. La psychose d’une attaque de la part de jeunes de l’Alliance pour la République (APR) planait sur les lieux. ''Après ce qu’ils ont subi l’autre jour, ils ne reviendront pas'', a rassuré Woré Sarr, député-maire. Des responsables libéraux arrivaient sur les lieux au fur et à mesure.
Vers midi, Oumar Sarr, coordonnateur du Parti démocratique sénégalais (PDS), Modou Diagne Fada, Farba Senghor, Babacar Gaye, etc, sont arrivés. Suivis peu après par Karim Wade. Vêtu d’une demi-saison noir, foulard blanc autour du cou, bonnet rouge vissé sur la tête, le fils de l’ex-président de la République est allé s’installer au milieu des militants sans s’adresser à la presse, mais a suscité la curiosité du public et de passants qui l’assaillaient.
A 14 h 00, heure de la prière du vendredi. Tous les responsables sont allés à la mosquée située en face de la gendarmerie. A la fin de ce rituel, ils ont regagné leur place. Mais la faim a commencé à gagner les militants. La popote sera servie dans la rue. Mais il n'y en avait pas suffisamment pour tout le monde. Les autres devront se contenter de quelques raviolis (pastel en wolof) vendus à côté. Les responsables, eux, ont préféré attendre de rentrer chez eux pour se restaurer.
C’est le cas de Karim Wade qui a pris congé de ses ''frères'' pendant un moment avant de revenir. Me Ousmane Ngom débarquera mais pour quelques minutes. L’ancien ministre de l’Intérieur, selon des indiscrétions, devait se rendre à la ''Cour suprême pour porter plainte contre l’État'' à propos de la Cour de répression sur l'enrichissement illicite (Crei) qu’il juge ''illégale''.
Pickpockets
Quelques minutes plus tard, Pape Samba Mboup déboula. A bord d’un ''8x8'', l’ancien chef de cabinet de Me Wade a changé de look avec une longue moustache. Il a serré la main à certains et embrassé d’autres. C’est apparemment les grandes retrouvailles. C’est au moment où l’inquiétude commençait à gagner les militants que l’on annonça la sortie de Madické Niang et Samuel Sarr.
Tout le monde a accouru. Les pickpockets se mêlèrent à la foule et profitèrent de ce tohu-bohu pour faire les poches. Babacar Mbaye Ngaraf, un proche de Karim Wade, en est une des victimes car il se fera chiper ses deux téléphones portables et ses 18 000 F Cfa.
Malgré tout, les libéraux n’ont pu retenir leur joie de retrouver les leurs. Le griot Mbaye Pekh sest illustré par des diatribes à l’endroit du régime de Macky Sall. ''Ñii tekki wuñu dara'' (ces gens sont des moins que rien). Le cortège de Madické Niang et Samuel Sarr s’est ébranlé pour les Almadies, au domicile du premier. Colobane se libèrera petit à petit de ses hôtes bien particuliers. En attendant l’audition annoncée d'Oumar Sarr.
Me Madické et Samuel Sarr aux gendarmes : ''Nous étions riches avant 2000''
Au moment où les militants libéraux, taalibé mourides et autres souteneurs des deux anciens ministres faisaient l'ambiance devant les locaux de la brigade d'nvestigation, Me Madické Niang et Samuel Sarr répondaient aux questions des enquêteurs relatives à leur patrimoine. Si le patrimoine foncier du dernier ministre des Affaires étrangères, les avoirs banquiers de l'ex-ministre de l'Energie ont intrigué les enquêteurs.
Samuel Sarr a déclaré aux enquêteurs que Me Abdoulaye Wade l'a appauvri. ''J'avais 15 millions d'Euros en 2003 lorsqu'on me nommait dans le gouvernement, j'en ai maintenant trois. J'ai été appauvri, si on me demande de justifier 3 millions d'euros''. On devrait parler me concernant d'appauvrissement illicite'', aurait-il confié aux gendarmes.
Les enquêteurs ont effectivement fouiné dans les comptes de Samuel Sarr et lui ont demandé s'ils n'en avaient pas d'autres. Selon nos sources, c'est le même modus operandi qu'a utilisé Me Madické Niang qui a confié aux gendarmes : ''Tout le monde sait que je disposais d'un patrimoine immobilier avant même que Wade n'arrive au pouvoir''. Me Madické Niang de les pointer, en citant l'immeuble de 5 étages situé sur l'Avenue Peytavin et qui abritait une agence de la Société générale des Banques du Sénégal (Sgbs). Un immeuble évalué à près de deux milliards de francs Cfa, le positionnement du terrain, compris.
Les enquêteurs qui leur ont demandé de rester à la disposition de la Gendarmerie, vont confronter leurs déclarations aux fruits d'investigations diverses.
DAOUDA GBAYA