La berezina des libéraux
Seuls 14 députés ont voté la motion de censure déposée par le groupe des Libéraux et démocrates du Parti démocratique sénégalais. Visé par l'initiative, le Premier ministre Abdoul Mbaye s'est plutôt bien défendu dans un exercice qu'il affrontait pour la première fois.
«Je n’abdique pas l’honneur d’être une cible ». En paraphrasant Edmond Rostand, prête à Cyrano de Bergerac, le Premier ministre a semblé lancer un message fort à l’opposition des Libéraux et démocrates dont la motion de censure contre le gouvernement a été rejetée par l’Assemblée nationale. Seuls 14 députés ont voté pour. De quoi requinquer un chef du gouvernement dont la réaction s'est hissée à la hauteur de l’accusation. «L’instrument ne vaut que par son usage et je ne peux manquer de nourrir quelques regrets - là aussi c’est le citoyen qui s’exprime - lorsque je vois la motion de censure ainsi dévoyée», a d’emblée fait remarquer un Abdoul Mbaye très combatif. «Si, dans l’esprit de ses auteurs, cette motion de censure est destinée à jouer le rôle de pare-feu ou de paratonnerre, alors autant ne pas les laisser persister dans l’illusion : c’est peine perdue ! Rien n’atténuera la force du vent de la transparence qui s’est levé dans notre pays».
Cela dit, Abdoul Mbaye a réfuté les «opérations de blanchiment» dont on l’accuse dans l’affaire Hissène Habré alors qu’il occupait les fonctions de Directeur Général de la CBAO au début des années 1990. C’est une «contre vérité au plan du droit, une contre vérité au niveau des faits», martèle le Premier ministre. Il a indiqué d’abord qu’il n'y a pas eu de «conclusions d’un rapport d’audit qui aurait été commandité par la banque Attijariwafa Bank contrairement aux allégations faites par les députés de l’opposition.
Par ailleurs, le Premier ministre s'est dit «à l’aise» dans cette affaire, «d’autant qu’aucune faute professionnelle, encore moins pénale n’a été commise» lorsqu’il dirigeait à l’époque la CBAO. «J’ai pris toutes les précautions d’usage en la matière.» Pour preuve : «J’en ai informé les autorités (dont le ministre de l'Economie à l'époque, Moussa Touré). J’ai interrogé une banque correspondante de la CBAO au Tchad pour en connaître davantage sur l’origine des fonds à placer en dépôt. J’ai ensuite autorisé l’opération sans aucune réserve». Puis cette précision : «Qu’ils (les députés du Pds) apprennent qu’un directeur général de banque n’est pas un caissier. Et le caissier qui reçoit les sommes du client de la banque ne fait point de recel» mais «les loge dans le compte du client, dont ils restent la propriété». Par contre, «la qualité du client peut justifier que le directeur général de l’établissement porte un intérêt particulier à l’opération. Ce fut pour moi le cas de l’ex-président du Tchad, Monsieur Hissène Habré» accueilli par le Sénégal qui lui avait accordé l’asile avec le statut d’ancien Président de la République. «Je les assume totalement et entièrement», affirme m. Mbaye.
Il sera conforté dans son argumentaire par Me Eh Hadji Diouf qui précise qu’à aucun moment dans le dossier de Habré dont il est un avocat, il n’a été question de «blanchiment d’argent», de «vol ou de «recel». «La vérité est que des gens lui en veulent (car) il y a des dignitaires de l’ancien régime qui ont voulu ouvrir un compte à la CBAO pour blanchir de l’argent, il a refusé», révèle le tonitruant député. Sentant les choses se jouer en défaveur des siens, Me Ousmane Ngom ouvre un autre…dossier relatif à la téléphonie mobile. Comment l’Etat a pu céder à Tigo la deuxième licence de téléphone à 50 milliards contre 175 milliards de francs initialement recherchés ? «Les Sénégalais veulent savoir où sont passé les 125 autres milliards», indique l'ex-ministre de l'Intérieur.
Le député Cheikh Oumar Sy, lui, se dit indigné du «comportement» des libéraux qui, «après avoir pillé le pays, se permettent de déposer une motion censure» pour faire tomber le gouvernement. «Le ridicule ne tue pas», dit ce membre du groupe de la majorité. A sa suite, Me Aïssata Tall Sall suggère au Premier ministre de porter plainte contre le groupe de l’opposition. Mais Abdoul Mbaye a choisi la voie politique pour répondre à ses détracteurs. «Parce qu’ils ne savent pas se défendre, ils choisissent de ne pas être seuls. Ils cherchent des complicités, parmi eux d’abord, puisqu’ils se plaignent du caractère des enquêtes qui ont démarré et qui seraient sélectives». Ensuite, «ils cherchent ensuite à entacher un directeur général de banque qui, il y a 20 ans, aurait simplement permis une ouverture de compte dans une banque qu’il dirigeait. Je ne serai jamais des vôtres», martèle-t-il.
DAOUDA GBAYA
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