''Le poste de Premier ministre doit être supprimé''
Malgré son jeune âge, il fait partie des responsables politiques les plus influents de l'Alliance pour la République (APR). Mame Mbaye Niang, par ailleurs président du Conseil de surveillance de la Haute autorité de l'aéroport Léopold Sédar Senghor de Dakar (qui dépend de la Primature) évoque avec EnQuête les questions d'actualité. Mais sa casquette de politique brillant mieux que toutes les autres facettes de sa personnalité, Mame Mbaye Niang revient ici sur les relations entre le Président et le Premier ministre. Il décèle des pièges et met en garde l'actuel chef du gouvernement, Aminata Touré...
Une question d'actualité, comment appréciez-vous la dernière sortie de Sidy Lamine Niass qui estime que le pouvoir a atteint ses limites deux ans seulement après l'accession de Macky Sall au pouvoir ?
C’est une affirmation gratuite, mais surtout dangereuse. Parce que Macky Sall est le président de la République le mieux élu de l’histoire du Sénégal. Appeler donc à ce que des tiers mettent fin à son mandat est grave et peut être lourd de conséquences. Les institutions sont sacrées et il y a des débats dangereux à ce stade de consolidation de notre Nation, où différentes composantes s’agrègent. Nous avons choisi une forme d’organisation qui permette à chacun de s’exprimer librement, soit par le vote, soit par d’autres moyens d’expression.
Mais il faut, avec la plus grande rigueur, décourager ce genre de discours de gens qui se prennent pour des illuminés et qui s’érigent en donneurs de leçons, alors que tout le monde connaît leurs pratiques. Mais Sidy Lamine s’attaque à tout le monde, même les morts. Et c’est pourquoi il faudrait peut-être le traiter comme un malade.
Mais j’en viens là à ma seconde inférence. C’est que si effectivement il est un malade mental - ce que je crois -, il est dangereux de le laisser avec des outils aussi puissants que la radio et la télévision, pour qu’ils s’en servent à des fin personnelles de propagande, de déstabilisation de notre pays. L’Église est une institution et s’attaquer à l’Église, c’est s’attaquer à une institution, à la croyance de millions de personnes au Sénégal.
Une formule d'ailleurs reprise par Sidy Lamine Niass dans sa sortie controversée laisse croire que la situation économique est difficile. Selon vous, où se trouve le problème ?
En arrivant, nous avons hérité d'un lourd fardeau auquel on s'est vite attaqué avec efficacité. L'agriculture et l'élevage (Réhabilitation Ranch de Dolly, etc, l'Energie; l'Education, la Dette, le rehaussement des salaires par le biais de la diminution des impôts sur le revenu, la santé etc. Grâce au Président, la Diplomatie sénégalaise retrouve ses lettres de noblesse (Visites de Obama, Hollande, etc. Organisation du sommet de la Francophonie...).
Autant de secteurs dont nous nous sommes occupés avec attention. Quand vous prenez le pouvoir dans les conditions que vous savez, dans le premier tiers du mandat, c'est la prudence qui est de mise. Car il y a beaucoup à faire : assainir les dépenses en supprimant celles qui sont superflues, procéder à des audits etc. Ce qui est un travail fastidieux qui doit être mené avec sérieux et toute l'attention requise.
Et c'est durant cette période que les gens s'impatientent un peu; ce qui est tout de même compréhensible car les difficultés sont là et elles doivent être solutionnées. Dans le second tiers, vous verrez que les choses s'accéléreront naturellement parce que soutenues et crédibilisées par ce qui a été fait dans la première phase.
C'est pourquoi dans son adresse à la nation, le Président a annoncé beaucoup de mesures salutaires qui redonnent espoir et confiance aux populations (gratuité de la césarienne, d'énormes montants injectés dans la création d'activités génératrices de revenus pour les jeunes et les femmes, les mesures de protection sociales etc.).
C'est dans le dernier tiers que vous assisterez à l'inauguration de toutes les réalisations. Un Sidy Lamine tel que décrit par son frère ne peut pas voir cela. Il n'a pas les capacités intellectuelles pour comprendre ce cheminement. Allez demander aux paysans, qui sont plus de la moitié de la population sénégalaise, s’ils ne vivent pas mieux qu’avant, s’ils n’ont pas plus d’argent qu’avant.
Allez demander aux millions de ménages s’ils n’ont pas noté une baisse des prix des denrées qui s’est traduite par une meilleure qualité de vie. Allez demander aux milliers de travailleurs, qui ont eu une baisse d’impôt, si cela ne s’est pas traduit par une augmentation de leur pouvoir d’achat. Prenez exemple sur vous-même.
Et maintenant, demandez à ces milliers de familles qui ne recevaient rien, aucun centime, s’ils ne sont pas mieux grâce à la Bourse familiale, demandez à tous ceux qui ne pouvaient pas se soigner par manque d’argent, si la Couverture médicale universelle n’est pas une bonne chose. Enfin, demandez à tous ceux qui vont voir leurs loyers baisser très prochainement. Celui qui veut rester aveugle devant ces évolutions le restera.
En tant que président du Conseil de surveillance de la Haute autorité de l'aéroport, pouvez-vous nous faire l'économie de ce qui se passe dans votre secteur ? Il fut en effet un temps où le secteur aéroportuaire était l'épicentre de plusieurs dysfonctionnements...
Ceux qui avaient pour dessein le contrôle du pays et la monarchisation ont pris le contrôle de ces deux entrées principales, le Port et l’Aéroport, qui sont aussi, comme vous pouvez le deviner, de grands leviers financiers de l’Etat, puisque tout ce que la Douane génère par année, en plus des taxes que nous apportent les services que nous offrons à l’aéroport, notamment les taxes, constitue une manne de plusieurs centaines de milliards de francs.
Ils sont passés, soit directement, soit indirectement, aux mains de Monsieur Karim Wade, fait ministre du ciel et de la terre justement et il en avait le contrôle. Ce n’est pas une simple vue de l’esprit, c’est une réalité qu’il avait le contrôle des entrées et sorties, soit directement, par lui-même, soit par ses amis qu’il a installés dans des sociétés créées de toutes pièces pour pomper les ressources ainsi générées.
L’Etat tente de défaire cet échafaud, dangereux même pour notre pays, mais ça prend du temps, parce que ce sont des montages complexes. Ceux qui étaient crédités d’un grand génie financier se sont arrangés au mieux pour n’apparaître qu’au moyen de sociétés écrans basées dans des sanctuaires infranchissables. C’est ce que ceux qui s’attendent à un dénouement rapide doivent comprendre.
Beaucoup de structures ont été mises en délégation judiciaire dont AHS. Peut-on continuer à gérer l'aéroport de la sorte si on veut en faire une plate-forme compétitive au niveau africain et mondial ?
Nous devions déjà nous arranger pour que l’argent qui partait du pays soit vite bloqué, et c’est le sens de toutes ces administrations provisoires. C’était une des réponses que nous devions vite donner par rapport à ces préoccupations, en attendant les réponses judiciaires, pénales. Nous sommes, par notre positionnement, un des points les plus importants de la planète, en terme de transit.
Nous sommes au milieu du monde de par notre position géographique. Vous voyez que même le Président des Etats-Unis d’Amérique, quand il se déplace dans le monde, prend Dakar comme point d’escale, de transit. C’est un avantage énorme, sans compter nos plages, notre soleil, notre stabilité. Il faut un plan stratégique qui puisse transformer ces avantages comparatifs en ressources générées pour le pays.
Maintenant, il y a d’autres réformes à engager, notamment au niveau de la réglementation et de la formation, pour faire de Dakar un hub, mais aussi un lieu d’assistance et de maintenance technique des avions. Pour de petites maintenances, les avions sont envoyés dans des bateaux cargos, ou obligés de se déplacer dans d’autres continents. Il faut aussi travailler dans cette expertise, pour que par exemple nous puissions, nous Sénégalais, entretenir notre flotte.
Cela nous rendra plus compétitifs. Nous avons un nouvel aéroport, c’est bien, mais il faut une politique stratégique d’accompagnement pour repositionner notre pays, au moment où le président de la République lance le Plan Sénégal émergent. En les exploitant de façon plus efficiente, nos Ports et Aéroports peuvent à eux seuls nous permettre d’atteindre des taux de croissance à deux chiffres, booster notre PIB à l’image de Singapour.
Tout cela, accompagné de la création de véritables zones franches, comme Dubaï a fait, devrait permettre à des Chinois de venir s’installer à Dakar, monter leurs PME, avec pour but le marché américain, qui est plus proche. Nous devons décomplexer ; le développement, c’est d’abord le développement des idées, avant celui des moyens. Le Président Sall est en train de faire un excellent travail, il faut l’accompagner par une vision nouvelle, rafraîchie et décomplexée.
Sur un autre registre, vous êtes un responsable politique de l'Alliance pour la République (APR). On a comme l'impression que vous êtes frappés par l'usure, deux ans seulement après votre arrivée au pouvoir...
Heureusement que c’est juste une impression. Quand vous voyez tous les Magistères, depuis 1962, ils sont inaugurés par des crises, souvent au sommet de l’Etat. Même Diouf a connu cette phase, d’une certaine manière, qui a abouti au congrès dit sans débat et au règlement de la question du leadership par le départ de Niasse du Ps. Le Pds l’a connu aussi. Mais ce qui arrive est exceptionnel, pour nous.
A ce stade, Wade s’était déjà débarrassé de Dansokho, de Niasse, de tous ses alliés pratiquement. Le Président Sall, grâce à son leadership tranquille et réparti, est en train de nous éviter ces écueils, en rappelant toujours que la patrie vient avant le parti. Il faut saluer cet esprit de dépassement, qui est la preuve de sa sagesse. Maintenant, pour répondre directement à votre question, un parti au pouvoir fait face à des crises, à des ambitions qui s’expriment, à leur choc.
L’essentiel est de ne jamais oublier que le président de la République est le seul élu au suffrage, la seule incarnation de la volonté suprême des Sénégalais. Ceux qui l’oublient l’apprennent à leurs dépens.
Vous voulez parler d’Abdoul Mbaye ?
De personne, ce n’est pas une question de personnes. Ce que je constate, c’est que la fonction fait naître des ambitions, notamment celle primatoriale. Cette position est comme par elle-même, génératrice d’ambitions et donc de conflits. Je pense qu'il faut simplement la supprimer de nos institutions.
Aucun président de la République ne va accepter, après avoir été élu par les Sénégalais, de laisser prendre son pouvoir ou ruiner ses prérogatives par quelqu’un qui a été nommé par lui. Mais les gens, dès que vous les nommez, ils commencent à développer des esprits de groupe, des tendances sectaires, à avoir des ambitions, au point d’en oublier ceux qui les ont choisis. Ils développent des stratégies d’implantation, de maillage, de noyautage, en se disant : ce pourrait être moi.
Ce n’est pas acceptable, et il faut que ceux qui nourrissent ces ambitions fassent attention. Un président de la République, ce n’est pas rien, c’est l’incarnation du Premier, du décideur qui tient la décision. Ceux qui pensent qu’ils peuvent le tromper, l’avoir par la tromperie, l’usure, doivent déchanter. Macky Sall a battu Abdoulaye Wade, qui était un monstre. Ce serait dangereux de le sous-estimer ou de le prendre pour un naïf
Monsieur Niang, vous êtes là en train de parler du Premier ministre Aminata Touré ?
Encore une fois, les personnes importent peu. Mais quand on se met dans la tête qu’on est influent, parmi les plus influents de la planète, y croire, c'est qu'il y a un problème. Quelle influence un Premier ministre peut-il avoir, alors qu’il est simplement le premier des exécutants ? Comment un premier ministre peut avoir de l’ambition au détriment de celui qui l'a nommé ? Dès qu’on se met dans cette dynamique, on cesse de penser au pays, au travail, pour se mettre dans une sorte de lissage de son image et de sa personnalité.
On ne défend plus le président de la République, on se défend et on pense déjà à un mouvement, une association, en se disant qu’on a déjà un destin créé. On sait qui est qui au Sénégal. Qui connaissait tous ces gens avant qu’ils ne soient nommés ? La plupart de ceux qui réclament aujourd’hui une légitimité étaient des salariés payés par Macky Sall.
Très peu de personnes se sont engagés quand il fallait du cœur, du courage ou la force et la foi. Personne parmi eux ne s’est engagé simplement parce qu’il y croyait. Certains sont mal placés pour faire ce genre de remarques. Macky Sall leur donnait un salaire, ils étaient tous rémunérés au prix de leurs efforts.
D’autres se réclament aujourd’hui de l’Apr, alors qu’ils avaient clamé sur les plateaux de télévision qu’ils n’étaient pas de l’Apr. D’autres avaient boudé, parfois en proférant des injures. Nous les connaissons tous. Donc la seule valeur qui nous distingue, c’est notre loyauté, celle que nous devons à notre pays, et au président de la République.
J’ai appris du président qu'en politique, la devise : c’est la loyauté. C’est lui qui nous a nommés là où nous sommes. Ceux que l’on insulte, pour leurs positions passées, ont au moins le courage de leurs idées. Le Président Macky Sall connaît tout le monde, il sait qui vaut quoi. Et voilà, il faut que les gens arrêtent de se mettre dans des positions de revendication d’une certaine légitimité. C’est trop. Il faut se retrouver autour de Macky Sall, il est le seul à pouvoir revendiquer une légitimité. Travaillons avec lui, il est à la fois la constante et la variable, il n’y en a pas d’autres.
Vous voulez dire que Mimi Touré aussi avait un salaire ?
Oui. Quand le moment viendra, je vous en dirai plus. Mais il faut faire attention à ne pas rompre certains équilibres. La clé de voûte de nos institutions, c’est le président de la République, il est le Chef de l’Etat.
Des reproches sont émis de façon récurrente contre le président de la République qui ne choisirait pas bien ses hommes. Problèmes de casting, absences d'investigations avant nomination, les griefs sont nombreux. Réaction.
De casting non ! Nous avons quand même le gouvernement le plus stable de l’histoire du Sénégal, avec seulement deux remaniements, le second concernant surtout un changement à la tête du gouvernement. Mais il faut voir la stabilité, non pas par les hommes, mais par la constance dans la politique mise en œuvre.
Il nous fallait une accélération, et nous y sommes. Maintenant, il ne faut pas faire de confusion entre accélérer la cadence et accélérer le rythme. Le président de la République a une politique libérale de création des richesses, par l’amélioration de l’environnement des affaires, tout en permettant une répartition des richesses équitables. Ceux qui ne produisent pas de résultats seront relevés de leurs fonction naturellement. Il n’y a pas l’ombre d’un doute, mais le président a son rythme aussi qui lui est propre, que nous devons respecter.
Après Alioune Badara Cissé, on a comme l'impression qu'il n'y a pas de numéro deux à l'APR. Aminata Touré ?
Encore une fois, ce débat n’existe pas, le président de la République l’a tranché, nous ne sommes pas organisés sous une forme verticale. Nous avons une forme d’organisation transversale, qui permet à chacun, selon la situation, de jouer un rôle, sans que quelqu’un se prévale d’une position donnée pour dominer tous les autres.
Dans notre parti, la seule légitimité est celle acquise au combat, par son engagement, et je pense que Mimi gagnerait à faire la différence entre responsabilité étatique et responsabilité politique.
Parlons des élections locales, n'avez-vous pas peur de les perdre au point de devoir les repousser ?
Oh non ! Vous pensez que l’opposition est mieux préparée que nous ? Non, c’est pour mettre en œuvre des réformes nécessaires. D’ailleurs, c’est la première fois dans l’histoire que nous allons organiser des élections à l’année échue. Il faut arrêter ces mouvements de mâchoire sans aucun intérêt.