"L'équation européenne de plus en plus insoluble"
Didier Saint-Georges, membre du comité d'investissement de la société Carmignac Gestion, qui gère 48 milliards d'euros, donne son point de vue sur la situation de la Grèce dans l'euro. Edouard Carmignac a dit dans la presse allemande : "Dans dix ans, la zone euro n'existera plus dans sa formule actuelle." Vous pariez sur la sortie de la Grèce ? On ne prend pas ce genre de pari. Mais on ne peut que constater qu'il existe un énorme défi pour réaliser la convergence des économies de la zone, qui était l'idée même de la monnaie commune. A moyen terme, la zone se réorganisera autour de pôles de convergence, et il semble certain que la Grèce et l'Allemagne n'appartiendront pas au même... Pour les autres pays, tout est encore possible. Les économistes anglo-saxons mettent à plus de 50% la probabilité de sortie de la Grèce. Ils ont inventé le mot "Grexit"... Ce n'est pas parce que les économistes de la City ou de Wall Street disent que cette sortie aurait du sens sur le papier, que les dirigeants politiques prendront cette responsabilité historique. Les enjeux sont considérables ! Cela reviendrait à ouvrir une boîte de Pandore, avec des risques inquantifiables : retraits des dépôts dans les banques des pays fragiles, augmentation brutale des taux d'intérêt sur leurs dettes souveraines...
"L'équation européenne est de plus en plus insoluble", dit Carmignac Gestion dans sa dernière présentation. Pourquoi ?
A cause des différences de compétitivité des pays de la zone euro et de leurs situations respectives dans le cycle économique. Comment la BCE peut-elle inventer une politique monétaire, qui puisse à la fois convenir à l'Allemagne - qui crée des emplois et connaît une inflation croissante - et aux pays du Sud en récession, qui doivent se désendetter avec un risque de déflation ? L'exemple espagnol a, de plus, montré le risque de collision entre l'exigence de discipline budgétaire pour redresser les comptes publics et ses conséquences économiques, c'est-à-dire un ralentissement de la croissance... qui rend justement intenable la trajectoire de rigueur.
Peut-on encore sortir de cette impasse par le haut ?
Oui, mais c'est un chemin de crête. Même dans le scénario le plus optimiste, où l'on exclut les diktats et les clashs, les négociations pour trouver le mix optimal de rigueur et de croissance susceptible d'infléchir, à cinq ans, la montée actuelle des taux d'endettement, seront longues et dures. Ce qui laisse augurer d'une longue période de turbulences, avec tensions et crises à répétition. A tout moment, les marchés peuvent faire éclater l'euro, en jouant à la hausse des taux sur les dettes les plus fragiles... Si les investisseurs ne sont pas assez patients pour donner du temps aux leaders qui, comme l'Italien Mario Monti, font tout ce que l'Allemagne exige d'eux, alors il est indispensable que la Banque centrale européenne joue le prêteur en dernier ressort, pour ramener les taux à des niveaux raisonnables.
(NouvelObs)