Vers un comportement de frein face au téléphone au volant
Décrocher son portable au volant, un geste naturel pour certains. Et pourtant, quand le cellulaire s'invite, la sécurité routière s'étiole. Il faut s'attendre à 50% des risques d'accident de la circulation.
Mardi 22 mai. Place de l'indépendance. 13 h. Le soleil est éclatant. Les bouchons notés à cette heure de la journée, marquent le décor. La cérémonie de lancement de la 10e édition de la prévention routière, à la chambre de commerce de Dakar, a drainé la foule des grand jours. Elle capte l'attention des passants, mais aussi des automobilistes. A bord de leurs rutilantes voitures, beaucoup ne s'imaginent guère qu'ils contreviennent régulièrement à l'ordre, en téléphonant tranquillement au volant.
Pour autant, d'autres ont jugé plus prudent de mettre un kit-mains libres. Ils discutent librement gardant les deux mains sur le volant. Ils sont loin de se faire à l'idée qu'ils commettent ainsi une infraction routière. Selon le directeur de la prévention routière, Makhtar Faye, '' il ne s'agit pas de s'entourer d'accessoires du téléphone. Le port du kit mains libres , de même que l'usage du cellulaire, est interdit par la nouvelle prévention routière, car il ne s'agit pas de libération des mains. Le conducteur a aussi besoin de son esprit. Il est prouvé que le téléphone distrait, c'est dans cette optique que nous avons décidé de mettre l'accent sur le binôme sanction contrôle''.
L'adjudant Mafoudji Badji, responsable du centre d'instruction élémentaire et de conduite de l'armée sénégalaise de confirmer ces propos. Il estime à 30%, les risques d'accidents par le simple fait de décrocher son téléphone au volant. Composer un numéro de téléphone au volant ou discuter ont été à l'origine de 16% des accidents de la circulation.
Interpellés sur la question, des automobilistes servent des réponses évasives et refusent d'admettre qu'il leur arrive de discuter le téléphone à l'oreille. Ils esquissent un sourire arguant qu'ils contrôlent la situation.
Des témoignages....
Oumar Seck, nom d'emprunt, est bien connu dans l'univers médiatique pour être au service des journalistes. Sa singularité : il a toujours le téléphone à l'oreille. La sonnerie de son portable retentit toutes les 5 minutes. Le chauffeur ne peut résister à l'impérieuse nécessité de répondre aux nombreux appels. ''Je sais que c'est dangereux mais je n'y peux rien. Je suis très sollicité par mon service. J'ai été victime d'un terrible choc, il y a deux ans, mais le devoir me commande''.
Pape Diouf, un chauffeur de taxi, par ailleurs partisan de l'Apr, le parti du chef de l'État sénégalais, se distingue aussi pour son attachement au cellulaire. Il n'arrive pas à résoudre son dilemme : être en contact permanent avec sa base politique et conduire dans les règles de l'art. C'est avec désinvolture qu'il se permet de parcourir des kilomètres en papotant au téléphone. ''C'est vrai que c'est risqué, mais je tâcherai de changer'', promet-il, suite à notre interpellation.
Pour sa part, Amadou Bâ, un chauffeur de transport en commun se veut plus rationnel. Il assure la desserte, au bord de son véhicule, dans les pays de la sous-région dont le Mali, le Burkina Faso ou la Guinée Bissau. Malgré ses longs périples, l'idée de répondre à un appel, fut-il une urgence, ne lui aurait jamais trituré les méninges, comme il l'explique. Rencontré lors du lancement de la semaine de la prévention routière à la chambre de commerce, il jure, qu'il n'enfreint jamais les normes du code de la route. Et pour cause, nous fait-il croire, ''cela dénote de l'irresponsabilité et de l'indiscipline. Un automobiliste a besoin d'un maximum de concentration''.
Une convention en gestation
Le directeur de la circulation et de la sécurité routière, Pape Diouf, annonce la promulgation d'une convention dans un proche avenir, en vue de venir à bout des défaillances humaines à l'origine de 92% des accidents de la route. Des concertations se tiennent entre le ministère des Transports terrestres, celui des Forces armées et celui de la Justice pour dégager une feuille de route qui permettra de réduire la gravité des accidents de 35%, d'ici 10 ans. Ou encore de baisser le nombre de morts sur les routes, d'ici 2020. ''On a construit des routes qui sont bonnes. Maintenant, il s'agit d'inciter les chauffeurs à faire preuve de rigueur, de vigilance et de responsabilité. Qu'ils aient le réflexe de se garer quand le téléphone sonne''. Des études ont montré que le téléphone au volant constitue avec la vitesse, la distraction, la fatigue, l'alcool, le stress, la drogue, les facteurs à risque des accidents de la route.
Matel BOCOUM