Publié le 11 Mar 2017 - 17:31
DÉMET

Ou l’autre bout du… Sénégal

 

À Démet, les populations se sentent plus mauritaniens que sénégalais. Cette commune du département de Podor est très enclavée. Les populations qui ont du mal à rejoindre certaines villes du Sénégal se rabattent sur la République islamique de Mauritanie. Reportage

 

La route goudronnée s’arrête juste après le pont qui traverse le fleuve Doué, à  la sortie de Ndioum (Podor). Pour se rendre à Démet, il faut s’armer de courage mais aussi de force. Aucun mètre de goudron sur cette route, hormis les quelques du pont de Halwar. Halwar, un village mythique. Il a été rendu célèbre par une des figures de l’Islam au Sénégal : El Hadj Oumar Foutiyou Tall. Il est né dans cette contrée. 

Le pont de Halwar vient d’être construit. Quelques drapelets aux couleurs vert jaune rouge sont attachés de part et d’autre. Le président de la République Macky Sall, en se rendant à Démet, doit effectuer un arrêt pour inaugurer ce pont qui surplombe le fleuve. Sur une dizaine de mètres qui constitue la longueur de l’ouvrage, on ne sent plus les secousses dans ce grand bus qui doit nous amener loin, très loin, à Démet. Là où il est plus facile de rejoindre la Mauritanie et faire des achats et revenir que d’aller à Ndioum, Podor ou autres lieux du Sénégal.

Même si la route, parfois sablonneuse, parfois couverte de latérite, a été remblayée pour faciliter le passage des centaines de véhicules qui doivent rejoindre Démet pour le lancement des travaux de l’Ile à Morphil, le bus slalome. Parfois, il passe sur une pente ascendante. Le chauffeur, très concentré sur le volant, ne peut même plus participer au débat pourtant très animé à l’intérieur. Il lutte de toutes ses forces pour maîtriser le véhicule qui, des fois, penche dangereusement d’un côté de la route, occasionnant des moments de panique chez certains passagers. Les filles surtout. Sur la route, on aperçoit quelques arbres perdus dans une savane d’arbustes. Mais aussi des troupeaux de vaches, de moutons avec à leurs têtes de petits bergers.

Le réseau mauritanien dicte sa loi

Le bus continue toujours sa course effrénée à l’intérieur de cette savane. Le soleil n’est même pas encore au zénith qu’une forte chaleur se fait déjà sentir. Après près de 2 heures de trajet éprouvant, le chauffeur se perd dans un village. Deux femmes sortent d’une maison pour lui indiquer le chemin, le bon chemin. Le bus doit alors faire demi-tour. Parce que, selon les dames, on a laissé, à des centaines de mètres, la route qui mène à Démet. En plus des indications, trois jeunes, certainement leurs enfants, viennent avec nous pour le reste du trajet. Ils doivent se rendre dans ce village pour assister à l’accueil du chef de l’Etat. L’événement est même historique pour les habitants de cette localité. C’est la première fois qu’un président de la République vient à Démet, chef lieu de la commune du même nom.

Une trentaine de minutes plus tard, nous voilà à Démet. Les premiers signent qui indiquent que nous ne sommes plus très loin de la Mauritanie viennent des téléphones portables. Ils font déjà le roaming et captent Mauritel et MR Expresso. Ici, si on ne fait pas de recherches manuelles pour capter le réseau Orange, Expresso ou Tigo, on risque de payer, même si on reçoit des appels.

‘’Nous sommes plus mauritaniens que sénégalais’’

Enfin ! Le chauffeur s’arrête. Voilà Démet. Démet et ses populations qui sont 100% Hal Pulaar, selon ses habitants. D’après Ibrahima Kalil Sakho, un natif de la localité, leur commune est partagée entre la Mauritanie et le Sénégal. ‘’On est beaucoup plus mauritaniens que sénégalais. Toutes les personnes qui sont là (il indique sa maison) sont mes oncles, mes tantes qui viennent tous de la Mauritanie. Je n’ai pas d’oncle ou de tante côté paternel ou maternel qui soit sénégalais. Toutes mes sœurs sont mariées en Mauritanie, sauf une qui est à Ourossogui’’, explique-t-il. Un brin nostalgique, M. Sakho se rappelle la vie à Démet, dans les années 1980. C’était avant le conflit qui avait opposé le Sénégal à la Mauritanie, en 1989. Avant cette date, se remémore-t-il,  la frontière était ouverte 24h/24. Mais après les évènements, la frontière s’ouvre tous les jours à 8h pour se fermer à 18h. Ce qui fait que, dit-il, partir en Mauritanie acheter quelque chose et revenir à n’importe quelle heure à Démet n’est plus possible. ‘’On est complétement isolé du reste du Sénégal, mais on ne le sent pas, parce qu’on n’est pas isolé de la Mauritanie. Jusqu’en 1989, on n’avait pas de marché ici à Démet. Il n’y avait qu’une seule boutique dans le village et le propriétaire avait sa grande boutique en Mauritanie ; et comme il rentrait tous les soirs, il avait une petite boutique chez lui’’, raconte M. Sakho.

Ici, évacuer un malade pendant l’hivernage, c’est la croix et la bannière. En août et septembre de chaque année, le fleuve est en crue. Démet est alors coupé du reste du Sénégal. Pour évacuer un malade vers Dakar, il faut prendre une pirogue pour passer le fleuve. Elle constitue le seul moyen de locomotion possible en période d’hivernage. Quelle pirogue ! s’exclame même Ibrahima Khalil Sakho. Les pirogues ne sont même pas motorisées. Ce qui constitue un réel danger. ‘’Les gens ont l’habitude de dire ici que quand tu as un malade pendant l’hivernage, le malade, lui, n’arrive pas à l’hôpital parce qu’il décède avant. Mais c’est son accompagnateur qui, finalement, va être hospitalisé du fait de l’épuisement’’, raille-t-il.

Pourtant, les villes mauritaniennes telles que Boghé et Thiénel sont proches de Démet. Mais les habitants préfèrent aller à Dakar pour se faire soigner. ‘’La Mauritanie est plus proche, mais les Mauritaniens se soignent au Sénégal, parce qu’ils n’ont pas les plateaux techniques qu’il faut. Certains Mauritaniens préfèrent être consultés par un infirmier de Démet que par un médecin de Boghé. C’est dans le subconscient de toutes les populations. Elles n’ont pas confiance en leurs médecins’’,  ajoute M. Sakho.

Avec le lancement des travaux de désenclavement de l’Ile à Morphil par le président de la République Macky Sall, ce mardi, se rendre à Démet, ne sera plus, bientôt, un parcours du combattant.

ALIOU NGAMBY NDIAYE (ENVOYÉ SPÉCIAL À DÉMET)

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