‘’Le festival ‘’Salam’’ doit figurer dans l’agenda culturel national’’
La 3e édition du festival ‘’Salam’’ initiée par le chanteur Youssou Ndour s’est ouvert, lundi 5 juin. Dans cet entretien, le coordonnateur de cette manifestation, Abdou Aziz Mbaye, revient sa vocation, son importance dans l’agenda culturelle du Sénégal et les ambitions du festival sur la scène locale.
Comment est né le festival ‘’Salam’’ ?
Il est né suite à la participation du promoteur de cet évènement Youssou Ndour à une rencontre au Maroc, à Fez précisément, qu’il a pensé le mettre sur pied. Il y était invité à un festival de zikr. A son retour, il a pensé qu’on pouvait organiser la même chose au Sénégal car il y a une relation assez étroite entre les différentes confréries. C’était également pour magnifier le dialogue islamo-chrétien qui est une réalité au Sénégal. Mais avant cela, la Télévision futurs médias organisait, chaque année pendant le mois de ramadan qui est un moment fort de ferveur religieuse, des nuits dédiées au Prophète Mouhamad (PSL). Après son voyage au Maroc, M. Youssou Ndour s’est dit qu’il pouvait organiser un festival similaire à Dakar pendant le mois de ramadan. Il fallait penser à l’organisation d’abord et aux parrains ensuite. Il était de bon aloi de dire que les parrains de cette première devaient être son excellence le Roi du Maroc Mouhamed 6 et le Président du Sénégal Macky Sall. C’est ainsi qu’est né le festival ‘’Salam’’. La première édition, M. Youssou Ndour l’a entièrement financée sur fonds propres. Ce fut pareil l’année suivante.
Vous n’êtes pas dans l’optique de chercher des sponsors ?
Vous savez, il y a des gens qui viennent soutenir spontanément, parce que c’est Youssou Ndour qui pilote le projet. Youssou Ndour a pu collecter 40 millions en une soirée pour l’hôpital Albert Royer. Si quelqu’un peut faire ça, on doit pouvoir le soutenir dans de pareils cas.
Quel est l’apport du ministère de la Culture ?
Tout ce qu’on veut, c’est montrer au ministère de la Culture que le festival ‘’Salam’’ doit figurer dans l’agenda culturel national. Pour cela, il faut poser des actes et c’est ce que nous faisons actuellement sur le terrain.
‘’Salam’’ signifie paix en langue arabe. Le choix de ce nom a-t-il un rapport quelconque avec le contexte actuel mondial ?
On ne peut pas parler de développement sans parler de paix. On a constaté dans le monde entier que le jihadisme, l’extrémisme, ont des effets néfastes et ne reflètent pas réellement les fondements de la religion musulmane. Cette rencontre est une occasion pour nous de montrer le contraire. L’islam est une religion de paix, de concorde et de paix. Les chanteurs religieux pourront faire découvrir au public les poèmes écrits par nos chefs religieux. Ils vont sensibiliser la jeunesse. Le choix du mois de ramadan pour tenir ce festival n’est pas fortuit. C’est un moment d’abstinence, d’entraide et c’est le mois au cours duquel la ‘’zakaat’’ est donnée.
Avez-vous le bilan des deux premières sessions ?
On a pu faire un bilan sur le plan de la participation, de la logistique et sur le plan financier. Après cela, on s’est rendu compte qu’on peut mieux outiller ces chanteurs. On pense à mieux les organiser. Cela a commencé. Ceux qui animent le festival ‘’Salam’’ animaient des conférences de quartiers ou des ‘’thiant’’ entre amis. Aujourd’hui, ils organisent des spectacles dans des salles. Ceux qui viennent les voir paient un ticket d’entrée. Donc, il y a eu une avancée qui est notée. Il y en a parmi eux qui ont des contrats à l’étranger comme Cheikh Bouh Diop. Il y a Mame Mbaye Laye qui fait une tournée en Italie. Cheikh Saad Bou Samb est full pendant tout le mois de juillet. C’est un impact positif qui est ainsi noté sur la carrière de ces jeunes chanteurs religieux. Sur le plan financier, on ne gagne pas avec un festival. On veut montrer, une fois encore, à travers cet évènement que le Sénégal est un havre de paix.
On a l’impression que chaque année, ce sont presque les mêmes qui reviennent. Vous ne pensez pas mieux diversifier le plateau ?
Quand il y a un festival, pour attirer du monde, il faut des ténors. On ne peut pas aller prendre quelqu’un qu’on n’a jamais vu à la télévision. Donc, il faut des têtes d’affiche avant d’impliquer les jeunes qui viennent d’entamer une carrière dans le chant religieux. Je vais vous donner un exemple, le ‘’Kurël Gaydel’’ n’a jamais participé à un festival. C’est l’année dernière qu’une chance lui a été donnée. Il y en a bien d’autres groupes qui sont dans le même cas et que je pourrais vous citer ici. Il y a 88 chanteurs et leurs groupes qui prennent part à cette manifestation. Vous trouverez ainsi de grands noms de la musique religieuse dans la programmation et des chanteurs encore anonymes auprès du grand public. Cette année, il y aura encore des artistes venant de l’étranger. Les Marocains seront certainement là.
Quelles sont les innovations apportées cette année ?
Il y a eu une conférence internationale qui s’est tenue le lundi 5 mai à l’Ucad 2 (ndlr université Cheikh Anta Diop de Dakar). Elle a regroupé des sommités de l’université de Caroline du Nord et celle de Cheikh Anta Diop. M. Youssou Ndour a été invité en Caroline du Nord par des Professeurs d’université. Quand il y est allé, il leur a proposé de réfléchir sur la thématique du festival ‘’Salam’’ pour organiser une conférence. En ce moment, ces hôtes avaient en tête d’organiser une rencontre du genre à Istanbul, en Turquie.
Lors de la deuxième édition, le promoteur avait invité ses amis américains afin qu’ils viennent voir ce qui se fait ici. Ils ont été séduits. Ils ont fait le tour des foyers religieux et ont constaté qu’il y a une cohabitation pacifique entre les différentes familles. Ils se sont dit que la conférence peut se passer à Dakar et cela aurait plus d’impact. Car le Sénégal donne plus de garantie sur le plan de la stabilité et sur le plan religieux. Ils ont remarqué que les différentes familles ont des liens de parenté. Ce qui facilite la cohabitation en leur sein. Cette dernière traduit les principes de l’islam qui sont édictés que sont la solidarité, le partage et le pardon. Pour offrir le Sénégal en exemple au reste du monde, ils ont décidé de tenir leur conférence à l’Ucad 2. Ils sont partis convaincre leurs partenaires turcs afin de délocaliser la conférence à Dakar.
L’année dernière, il y a eu un plateau décentralisé à Thiès ; cette année quelle est la région choisie ?
On un plateau au Grand-théâtre, à Yoff, à Sorano, à Guédiawaye, à Thiès. Ce festival n’a que trois ans, donc il est très jeune. On ne peut pas se permettre de dépenser beaucoup d’argent en allant dans les régions profondes, lointaines sans être supportés par les collectivités locales. Si ces gens-là acceptent de prendre en charge une partie des dépenses, on est partant. Quant à y mettre nos moyens, on risque de faire disparaître le festival. On sait que si on le fait dans les régions, les populations vont venir. Seulement, cela demande énormément de moyens. Décentraliser la manifestation fait partie de nos objectifs à long terme.
Certains trouvent que ce qui se passe au cours des concerts du festival ‘’Salam’’ n’a rien de musulman. Les gens dansent à outrance souvent. Vous leur répondez quoi ?
Ce sont des réactions épidermiques. Ce n’est pas cela l’objectif du festival. Il faut aussi comprendre le vocable festival. Aussi, même pendant les fêtes religieuses, devant le marabout, il y a des gens qui tombent en transe et qui crient. Cela se passe au cours des ‘’gamou’’ et ‘’magal’’ également. Peut-on les qualifier de non religieux dans ces cas-là ? Ce n’est pas ça. On est en festival, donc je ne sais pas pourquoi on dit que c’est folklorique. Pour faire découvrir aux jeunes les poèmes de nos marabouts, il faut les chanter.
Maintenant quand les chants emballent l’individu jusqu’à un certain niveau d’embrasement, cela le pousse à crier et à réagir d’une certaine manière. A chaque fois qu’il y a une manifestation, il y a des extrémismes qui la caractérisent. D’aucuns tiennent certains discours et critiquent la manifestation avec pour seul argument : ‘’le promoteur est un musicien’’. Ils perdent de vue que c’est une bonne occasion de plonger la jeunesse dans la ferveur religieuse. Quand on mobilise plus de 3000 personnes à la place publique de Thiès, c’est parce qu’il y a un intérêt social, populaire. Il ne faut pas critiquer pour critiquer. Que nous proposent d’ailleurs ceux qui le font à la place ? Rien.
BIGUE BOB