‘’Khalifa Sall ne peut pas être entendu à Rebeuss’’
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Le directeur de cabinet du maire de Dakar, Babacar Thioye, écarte toute possibilité d’audition de Khalifa Sall à Rebeuss par la commission ad-hoc qui doit être mise en place à cet effet.
Le parquet a saisi l’Assemblée nationale d’une demande de levée de l’immunité parlementaire de Khalifa Sall. Quelle appréciation faites-vous de cela ?
Nous constatons, avec l’opinion, que la démarche du parquet est totalement incohérente. Rappelez-vous, dès le lendemain de la proclamation des résultats des élections législatives par le Conseil constitutionnel, les avocats de Khalifa Sall avaient saisi le doyen des juges pour demander sa libération d’office au motif qu’il était devenu député et qu’il bénéficiait, à ce titre, de l’immunité parlementaire. Cette demande avait été rejetée sous prétexte que l’immunité du maire de Dakar ne couvrait pas cette affaire. Aujourd’hui, c’est le même parquet qui étale ses contradictions en saisissant l’Assemblée nationale pour demander la levée de l’immunité parlementaire de Khalifa. Pour nous, c’est une démarche totalement incohérente qui, à coup sûr, pose problème dans la procédure judiciaire qui a été enclenchée contre le maire de Dakar.
Dès lors qu’il n’a pas jusqu’ici été installé comme député, peut-on dire que Khalifa Sall bénéficie réellement d’une immunité parlementaire ?
Oui ! C’est pourquoi la demande qui a été faite à l’époque n’était pas une demande de liberté provisoire. Mais plutôt une demande de liberté d’office. Parce que les avocats étaient partis sur le constat que Khalifa Sall est élu député et que l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, en son alinéa 2, disposait que le député est couvert par une immunité à compter du jour de la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel. Mais comme l’Assemblée n’avait pas été installée, Khalifa Sall devait être libéré d’office par le juge. Parce que son maintien en détention devenait alors totalement illégal et arbitraire.
Certains juristes soutiennent qu’un député qui n’est pas officiellement installé ne peut pas bénéficier d’une immunité parlementaire. Que répondez-vous à cela ?
Je renvoie ces juristes à l’alinéa 2 de l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale que je viens de citer. Il faut savoir que dans le système politique sénégalais, on est député dès après la proclamation des résultats. La séance d’installation de l’Assemblée n’a rien à voir avec l’immunité parlementaire qui s’acquiert au jour de la proclamation des résultats.
Est-ce que le ministère public n’est pas en train, aujourd’hui, de mettre les conditions pour aller vers le jugement de Khalifa Sall à travers un procès ?
D’abord, laissez-moi vous faire observer qu’à titre personnel, la requête du ministère public me pose problème. Parce qu’au stade de la procédure qui, je le rappelle, est encore en instruction, celui qui doit, à mon sens, saisir l’Assemblée nationale, c’est le doyen des juges d’instruction et pas le procureur. Ça, c’est une précision. L’autre élément, pour répondre à votre question, le parquet peut être dans son rôle. Mais nous sommes dans un système judiciaire qui offre à Khalifa Sall des garanties que ses avocats utiliseront pour faire en sorte que ce que le parquet fait, se conforme au code pénal et au code de procédure pénale.
Après la demande formulée par le procureur, la Commission des lois de l’Assemblée nationale s’est réunie hier pour statuer sur le processus de mise en place de la commission ad-hoc. Comment celle-ci peut entendre Khalifa Sall ?
Effectivement, la commission des lois s’est réunie aujourd’hui (NDLR : ce vendredi) pour procéder à la mise en place de la commission ad-hoc. Là également, pour répondre à votre question, je vous renvoie à l’article 52 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale qui dispose que la commission ad-hoc, constituée, doit entendre le député. Il est clair, aujourd’hui, que Khalifa Sall ne peut pas être entendu à Rebeuss. Parce que dans ce cas, on n’entendra pas un député, mais un détenu. Il n’est pas acceptable que les députés puissent se déplacer jusqu’à Rebeuss pour entendre un de leur collègue qui est en détention. Pour moi, c’est une hypothèse qu’il ne faut pas envisager. Il faut totalement l’écarter et considérer que Khalifa devra être entendu en comparaissant libre de tout mouvement.
Donc, selon vous, sa libération s’impose pour qu’il puisse être entendu ?
Elle s’impose. Non seulement depuis le 14 août dernier, sa détention est arbitraire, mais surtout depuis l’aveu du parquet concernant son immunité parlementaire, cette libération devient une exigence au regard de la loi et de la procédure.
Est-ce qu’une levée de son immunité parlementaire par l’Assemblée nationale ne rendrait pas Khalifa Sall plus vulnérable ?
Non ! Parce qu’avant cela, Khalifa devra se défendre devant ses collègues. L’article 52 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale lui donne le droit de se défendre lui-même devant la plénière. Il le fera avec des arguments qui, je l’espère, emporteront la conviction des membres de l’Assemblée nationale et qui, à ce titre, refuseront au procureur sa demande.
Au moment où son dossier prend une nouvelle tournure, au sein du PS, on agite l’exclusion des rangs du parti. Comment appréciez-vous cela ?
Ça, c’est une autre chose. La procédure d’exclusion au sein du Parti socialiste, en ce qui nous concerne, nous pensons qu’elle n’est pas enclenchée. Lorsqu’elle le sera, elle le sera suivant les textes du parti. Là également, il y aura un combat à mener et nous le livrerons. Tous ceux qui sont concernés par cette procédure s’engageront dans ce combat pour montrer qu’ils sont du parti et qu’ils entendent demeurer dans ce parti.
Il est reproché à Khalifa Sall de ramer à contre-courant des décisions du parti et d’avoir présenté des listes parallèles aux dernières élections. Cela n’est-il pas un motif valable pour l’exclure ?
Nous sommes encore du PS. Ça, personne ne peut nous le dénier. Ce qui aurait pu justifier une sanction, c’est qu’on soit dans des activités fractionnistes. Ce qui n’est pas le cas.
PAR ASSANE MBAYE