Fin de partie pour le MNLA ?
La rébellion du Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA) ne contrôle plus aucune place forte au Mali. Chassés de Tombouctou, écrasés à Gao, les rebelles touaregs voient les islamistes d’Ansar Eddine et leurs alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) prendre la direction des opérations dans le Nord.
Le MNLA, piégeur piégé ? D’abord triomphante dans la région du Nord-Mali, le Mouvement national de Libération de l’Azawad (MNLA), est désormais chassée par ses alliés des premières heures de l’offensive rebelle en janvier dernier. Les groupes armés comme Ansar Eddine et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) - ce dernier étant considéré comme dissident d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) -, ont décidé de se débarrasser de ces frères d’armes trop laïques à leurs yeux.
De Gao à Kidal (Nord-Est, déjà contrôlé par les islamistes) en passant par Tombouctou (Nord-Ouest), la chasse aux éléments du MNLA est ouverte. Aussitôt libéré, l’Azawad est « kidnappé ».
« Aujourd'hui, il faut prendre une loupe pour trouver trace des combattants du MNLA », ironise Tiégoum Boubèye Maïga, journaliste malien, spécialiste de la crise dans le Nord. Dans cette région longtemps revendiquée par les groupes touaregs qui s’assemblèrent fin 2011 sous le nom de MNLA, la charia s’impose peu à peu, parfois au grand dam des populations civiles.
Le mouvement s’était rendu plutôt fréquentable aux yeux de l’Occident, voire de certains pays voisins comme l'Algérie, pour sa laïcité politique revendiquée. Menant le combat devant les caméras parisiennes, la rébellion en a peut-être oublié le travail de fond, essentiel : la présence sur le terrain.
Les islamistes, eux, n’ont pas manqué de fomenter leur prise de pouvoir en affaiblissant peu à peu les rebelles touaregs. Selon des experts, ils les ont progressivement empêché de disposer d'une partie de leurs armes lourdes issues du conflit libyen et cachées dans des montagnes du nord-est du Mali. Et se sont ainsi assuré la supériorité militaire.
Deuxième étape du travail de sape : ils se sont attiré la sympathie des populations des différentes tribus présentes dans le Nord, où les Touaregs sont du reste minoritaires. Distribution de vivres, discours d’unité nationale et d’intégrité territoriale ont séduit. Lorsqu’ils prennent Gao, faisant 20 morts et délogeant le MNLA de son QG, dans le palais du gouverneur, les « moudjahidines » brandissent le drapeau malien au nez des habitants. « Nous avons aimé ça », commente Saly Touré, du Musée du Sahel de Gao, fermé depuis le début de la crise.
Affaiblir, séduire, corrompre
Mais pour gagner, « les islamistes ont également joué à fond la carte de la corruption », affirme un diplomate africain en poste à Bamako. « Le très influent responsable d'une association des ressortissants de Gao a été "acheté". Depuis, il a tourné le dos aux rebelles touaregs pour soutenir les islamistes », assure-t-il.
Le MNLA hors-jeu, c’est aussi « une nouvelle configuration pour les négociations » avec les autorités de transition à Bamako, mises en place après le retrait des militaires qui avaient pris le pouvoir le 22 mars, précipitant la chute du Nord aux mains des groupes armés.
À court d'argent, lâchés par leurs soutiens supposés ou réels, empêtrés dans des conflits internes entre une aile militaire et une aile politique de cadres vivant à l'étranger, les rebelles touaregs sont profondément divisés et fragilisés.
À partir de petites localités où ils sont encore présents - Gossi, Ménaka, Anderamboukane -, le MNLA pourrait cependant tenter de regrouper ses forces et de lancer une contre-offensive sur Gao, selon des experts, qui précisent aussi que les chances de réussite de cette manoeuvre sont minces. De tout cela, les rebelles touaregs auront peut-être tiré une leçon instructive : on ne pactise impunément pas avec les djihadistes.