Jules Diop ou la mort d’un homme supérieurement affranchi !
« Il y a deux choses pires que la mort : mourir sans raison et vivre sans Honneur », aimait dire un grand penseur. Cette approche philosophique du passage inévitable de ce bas-monde des futilités à l’antre éternel, Jules l’avait fait sienne durant sa courte et riche vie. Il a toujours porté son regard sur l’évolution humaine et l’enchaînement des événements qui caractérisent la marche du monde, avec une distanciation critique propre à l’esprit hautement preste et ingénieux qu’il était. Jules Diop, je l’ai connu sur les bancs du Centre d’Etudes des Sciences et Techniques de l’Information (CESTI) à l’Université Cheikh Anta Diop, il y a vingt ans, quand nous suivions ensemble les cours de journalisme. En plus de partager notre « Thiessité » puisqu’étant originaires de la même région, nous entretenions toujours des relations empreintes de cordialité, de respect et d’une affection absolument sincère que la distance physique que nous ont imposée nos différentes carrières professionnelles, n’a jamais altérées.
Nous avons été exclus à la même année du CESTI pour avoir refusé de nous soumettre docilement au diktat de la direction de l’établissement de l’époque, et par la grâce de Dieu, nous avons été réintégrés des années plus tard, pour obtenir ensemble le même parchemin ayant consacré notre parcours académique dans cet institut universitaire de référence en Afrique. Jules Diop a été de tous les combats durant ces années pour le triomphe des valeurs de justice. A sa sortie d’école, il intégra « Sud-Quotidien » où il a eu à se distinguer aux côtés des Sidy Gaye, Abdoulaye Ndiaga Sylla, du regretté Mame Olla Faye, Bocar Niang, Vieux Savané, Abdou Latif Coulibaly, Demba Ndiaye et bien d’autres éminents confrères. Journaliste, Jules l’a été, charriant sa réputation d’analyste averti un peu partout dans les rédactions jusqu’à sa nomination à la direction de la publication de « L’Observateur ». Philosophe, mon ami Jules l’a toujours été.
Jusqu’à la veille de la dernière présidentielle, il m’encourageait encore à maintenir le cap dans mon compagnonnage alors risqué avec un certain Macky Sall – à cette époque difficilement fréquentable - devenu Président de la République. On se régalait des heures durant à l’écouter décortiquer l’actualité nationale et à déceler les secrets de la météorologie politique. C’était un homme bien, extrêmement courtois et très attaché à ses relations. Un homme de refus qui aura compris que rien ne vaut dans cette vie éphémère d’être troqué contre la dignité. Tous les confrères et anciens camarades de classe le portaient en estime.
Il lui arrivait de déserter pendant longtemps les rédactions, échappant ainsi aux affres des bouclages, mais même dans les abysses de la solitude, il scrutait son avenir professionnel avec philosophie, en refusant de céder à la passion démesurée et à la pression du regard d’autrui souvent guidé par les questionnements d’ordre social et existentiel. Comme il est venu dans le monde. Comme il a vécu son métier et sa passion du journalisme, Jules Diop est parti sans crier gare. Sur la pointe des pieds, loin du tourbillon des stridulations et bruissements médiatiques, Jules brise sa plume. A raison. Cette vie-là de toutes les contradictions funestes, il n’en voulait point. Il y a tout de même pris une part honorable. Et c’est l’essentiel. Repose en paix, cher Jules ! Que la terre de ton Thiès natal soit légère !
Confraternellement !
Ibrahima NDOYE
Conseiller spécial du
Président de la République