Le Pds tout droit vers le boycott
Engagé dans une voie sans issue et inopérante depuis l’emprisonnement puis l’exil de Karim Meïssa Wade, le Parti démocratique sénégalais file tout droit vers un boycott du scrutin présidentiel du 24 février 2019. Ce qui ouvrirait un grand boulevard au président Macky Sall.
Le Parti démocratique sénégalais travaille-t-il à faciliter au président Macky Sall une réélection dès le premier tour du scrutin présidentiel du 24 février 2019 ? En tout cas, les actes posés au quotidien par l’ancien président de la République, Me Abdoulaye Wade et ses militants portent à le croire. A un mois du prochain scrutin présidentiel, aucune lisibilité n’est en effet notée dans le jeu plus ou moins risqué du Pds. Au-delà des discours va-t-en-guerre et autres appels à l’occupation permanente du terrain politique émis par les libéraux et leurs alliés de l’opposition, aucun acte allant dans le sens de proposer une alternative à la candidature de Karim Wade n’est jusque-là envisagée. Au contraire, l’on continue toujours à s’arcbouter sur une stratégie qui s’est révélée jusque-là inopérante et sans issue.
En effet, dans un contexte préélectoral sénégalais assez particulier où chacun des différents états-majors engagés dans la course à la présidentielle du 24 février 2019, fourbit ses armes et peaufine sa stratégie pour sortir vainqueur de ce scrutin, aucune ligne ne bouge dans les rangs du Pds. Malgré les appels de certains libéraux avisés de reconsidérer sa position, le commandement du parti reste toujours sourd et s’entête à maintenir coute que coute la candidature du fils de l’ancien président de la République, Karim Meïssa Wade, pourtant rejetée par le Conseil constitutionnel sénégalais à l’issue de la publication, le 20 janvier dernier, de la liste définitive des candidats déclarés à la présidentielle de février 2019. Non seulement le Pds refuse d’accorder un quelconque soutien aux autres candidats de l’opposition dont les candidatures ont été validées par le Conseil constitutionnel mais il menace d’empêcher la tenue du prochain scrutin présidentiel si jamais son candidat n’y participe pas.
‘’Pour l’instant, la décision issue de nos instances et réaffirmée par ses responsables, est que sans notre candidat, les élections ne se tiendront pas’’, a déclaré sur les ondes de la Rfm, le porte-parole du Pds, Babacar Gaye. 24h plus tard, il est adoubé par Me El Hadji Amadou Sall. ‘’Toute tentative de tenir une élection sans notre candidat ne passera pas. Les Sénégalais feront en sorte que l’élection ne se tienne pas’’, renchérit le responsable libéral, membre du Comité directeur.
Cette situation assez confuse et incertaine pour l’avenir du parti commence à produire ses effets. De plus en plus, des voix discordantes se font entendre pour inviter le parti à revoir sa stratégie et se conformer à la réalité du moment. Certains comme Mouhamed Lamine Massaly allant même jusqu’à demander au Parti d’accorder son soutien à Me Madické Niang, candidat dissident du Pds. Selon le Secrétaire général de la Fédération départementale du Parti démocratique sénégalais de Thiès, si le Pds est conséquent avec lui-même, il doit accorder son soutien à Me Madické Niang. ‘’On doit cesser les attaques contre lui (Madické) et le soutenir. Il n’est pas notre ennemi. L’heure de la vérité a sonné. J’ai un devoir des responsabilités, j’ai l’obligation de parler. En tant que ses frères de parti, nous devons soutenir Me Madické Niang et non l’attaquer au quotidien’’, déclare-t-il.
Ainsi pour le jeune responsable libéral, la personne de Madické Niang ne doit pas être une cible. Selon lui, la seule cible du Pds et de l’opposition en général, c’est le président sortant. ‘’Macky Sall déroule tranquillement son plan au moment où nous nous tirons dessus. Il nous faut unir nos efforts et nouer des alliances fortes pour faire face à ce régime dictatorial. Chacun d’entre nous défend ses intérêts crypto personnels sans se soucier de l’intérêt collectif. Mais si nous n’y prenons pas garde, ce qui nous est arrivé lors des élections législatives de 2017 va encore nous arriver et Macky Sall passera sans grande difficulté’’, fulmine-t-il. Non sans reconnaitre que Me Madické Niang a eu raison d’eux en se positionnant comme un candidat alternatif à Karim Wade. ‘’Le président Madické Niang et tous ceux qui sont avec lui ont eu raison de nous tous.
Il y a trop de mensonges, de calomnie et d’inepties sur sa candidature’’. D’ailleurs, à propos de cette candidature, Mouhamed Massaly de soutenir qu’elle a été parrainée par de hauts responsables du Pds tapis dans l’ombre. ‘’Madické Niang a été parrainé par de hauts responsables du Pds en commençant par ma propre personne en tant que président de la Fédération départementale du Pds à Thiès. Quand j’ai fini de parrainer Karim Wade, je lui ai remis plus de 10.000 parrainages. Je n’écarte pas de le soutenir parce que c’est une personne qui travaille pour l’intérêt du Pds’’, soutient-il. Dans la même veine, il rappelle que Me Madické Niang est un homme qui a toujours été loyal à Me Abdoulaye Wade et au Pds. ‘’ Il s’est sacrifié pour Wade et pour le parti. Il est toujours du Pds et personne ne peut l’en exclure’’, croit savoir Massaly.
Pape Saer Gueye : ‘’On ne soutient pas un autre candidat’’
Cette proposition semble inaudible au sein du Pds. Selon Pape Saër Guéye, Secrétaire national en charge de la diaspora et membre du Comité directeur, ‘’soutenir un autre candidat serait synonyme d’abdication dans le combat qu’ils sont en train de mener pour le retour d’exil de Karim Wade’’. Il rappelle : ‘’On n’a pas de plan B ni de plan C. On ne soutient pas un autre candidat. On ne va pas aider Macky Sall à satisfaire sa commande. Nous n’allons pas montrer à l’opinion nationale et internationale qu’on est aussi faibles pour nous agenouiller devant les désirs de Macky Sall. On ne le fera pas’’, fulmine-t-il.
Principal parti de l’opposition sénégalaise, s’il n’est pas d’ailleurs la locomotive, le Pds s’engouffre davantage dans une voie sans issue. En refusant systématiquement de soutenir un autre candidat, il file tout droit vers le boycott du scrutin présidentiel du 24 février. Son électorat non négligeable pourrait en effet plus profiter au régime sortant qu’aux autres candidats déclarés, si on en croit au Pr Ibou Sané.
‘’Si le Pds boycott l’élection présidentielle, il va inéluctablement baliser le chemin au président Macky Sall’’, analyse le Pr en Sociologie politique à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Selon lui, en maintenant sa stratégie, le Pape du Sopi expose son parti à des risques d’implosion. ‘’Depuis très longtemps, Abdoulaye Wade n’a qu’une seule ligne directrice, celle de faire placer son fils à la tête du parti et du pays. Une stratégie sans issue jusque-là. Le Sg du Pds est aujourd’hui en train de faire imploser son parti de l’intérieur. Ce qui pourrait compromettre son avenir et ses chances de revenir aux affaires’’, déclare l’Enseignant en sociologie politique.
ASSANE MBAYE