Publié le 12 Mar 2021 - 02:02
TRANSPLANTATION RENALE

Les candidatures des établissements publics en attente

 

Après le vote de la loi sur la greffe, son effectivité tarde. Le président du Conseil national du don et de la transplantation (CNDT), Professeur El Hadj Fary Ka, renseigne qu’ils sont en attente de dépôts de candidature des établissements publics de santé pour leur accréditation.

 

Etre diagnostiqué d'une maladie rénale peut représenter une lourde charge, tant pour le patient que pour son entourage. Le diagnostic et la prise en charge de cette maladie, en particulier à un stade avancé, ont de graves répercussions sur leur vie. Ce, en réduisant leur capacité ainsi que celle de leur famille et de leurs amis à participer aux activités quotidiennes comme le travail, les voyages et la vie sociale. Tout en entraînant de nombreux effets secondaires problématiques tels que la fatigue, la douleur, la dépression, les troubles cognitifs, les problèmes gastro-intestinaux et les troubles du sommeil.

 Au Sénégal, pour mettre fin à la souffrance des malades, la loi sur la greffe est votée en 2015.  Les décrets d’application sont publiés en 2019, portant sur le fonctionnement et la composition du Conseil national du don et de la transplantation (CNDT). Depuis, la greffe n’a pas encore démarré.

Selon le président du CNDT, Professeur El Hadj Fary Ka, par ailleurs Chef du Service néphrologie de l’hôpital Aristide Le Dantec, joint par ‘’EnQuête’’, depuis sa mise en place, le conseil a élaboré le référentiel pour l’octroi, la suspension et le retrait d’agrément destiné aux établissements publics de santé. Ce référentiel, renseigne-t-il, est publié depuis le mois d’avril 2020, sous forme d’arrêté ministériel. ‘’Nous sommes en attente de dépôts de candidature des établissements publics de santé pour leur accréditation. D’autres documents ont été élaborés. Il s’agit du Plan stratégique 2020-2025, du Plan de communication, du Règlement intérieur et de la Charte éthique du CNDT. Le décret et l’arrêté portant sur la greffe de cornée sont en cours’’, renseigne le Pr. Ka.

En effet, le CNDT est un organe de régulation dont les missions sont d’assurer la transparence, la coordination du don et du prélèvement, la gestion des registres et la coordination des échanges internationaux. Il veiller aussi à la sécurité sanitaire et au respect de l’éthique médicale, au développement des stratégies de communication pour la promotion du don et du prélèvement.

Pour le Pr. Ka, la transplantation d’organes n’est autorisée que dans les établissements publics de santé. ‘’La greffe de cornée peut être autorisée dans le privé, mais les prélèvements de cornées ne peuvent s’effectuer que dans les établissements publics de santé’’, précise le néphrologue. S’agissant de la lutte contre le trafic d’organes, le néphrologue souligne que cette préoccupation est bien prise en charge par la loi sur la transplantation. En outre, fait-il savoir, le CNDT a un rôle de veille active sur les procédures de don, de transplantation d’organes et de la greffe de tissus.

Par ailleurs, il souligne qu’il existe deux types d’insuffisance rénale. Il s’agit de l’insuffisance rénale aigüe caractérisée par une perte brutale et potentiellement réversible des fonctions du rein. ‘’La première fonction la plus connue est la régulation de la composition du sang en eau et en électrolytes. Il existe également d’autres fonctions dites endocriniennes consistant à la sécrétion d’érythropoïétine, la synthèse de la vit D et d’autres substances qui entrent dans la régulation de la pression artérielle. Au cours de l’insuffisance rénale aigüe, les fonctions de régulation de l’eau et des électrolytes sont les premières à être perturbées’’, explique le Pr. El Hadj Fary Ka. Le deuxième type est l’insuffisance rénale chronique. Elle est, dit-il, une perte définitive et irréversible de l’ensemble des fonctions rénales citées précédemment.

Selon le Pr. Ka, les signes des maladies du rein sont tardifs, surtout en cas d’insuffisance rénale chronique. Ils n’apparaissent en général que lorsque 3/4 des reins sont détruits, d’où l’importance du dépistage, surtout chez les personnes à risque (sujets âgés, diabétiques, obèses, hypertendus, drépanocytaires, porteurs de VIH ou de toute autre maladie chronique). Les signes, soutient-il, sont polymorphes, allant des signes cardio-vasculaires aux signes neurologiques, hématologiques et cutanés, entre autres.

C’est pourquoi il conseille la vérification du bon fonctionnement des reins.

DOCTEUR MALICK HANN, DIRECTEUR DE LA DIVISION DE LA LUTTE CONTRE LES MALADIES NON-TRANSMISSIBLES

‘’On est en train de mettre en perspective la dialyse péritonéale’’

La Journée mondiale du rein est célébrée aujourd’hui. Au Sénégal, malgré les nombreux efforts faits dans la prise en charge, des malades n’ont pas accès à la dialyse, faute de place. Une occasion pour le chef de la Division de la lutte contre les maladies non-transmissibles de revenir sur les nouvelles mesures prises. Avant d’annoncer la mise en œuvre de la dialyse péritonéale, qui permet de prendre en charge beaucoup plus de patients.

 

Qu’est-ce qui est fait, au niveau du ministère de la Santé et de l’Action sociale, pour lutter contre la maladie rénale ?

La Journée  mondiale du  rein est  célébrée  le  11  mars dans  le monde, et  le Sénégal  ne  sort  pas  du  lot.  Au  niveau  du  ministère  de  la  Santé  et  de l’Action sociale, nous avons  une Direction de la maladie  avec une Division de la lutte  contre les  maladies non-transmissibles.  Cette dernière s’occupe des maladies comme celles rénales.  Nous  insistons  plus  sur  la  prévention  avant  de  parler  de  prise  en  charge. Nous avons misé sur la communication.  Au niveau de l’enseignement scolaire, nous avons introduit des modules.  Ceci  permet  aux  élèves,  très  tôt,  d’avoir  de  bons  comportements  et,  au-delà,  de jouer  un  rôle  dans  la sensibilisation. Il y a un adage qui dit ‘’Mieux vaut prévenir que guérir’’.

Il  faut  noter qu’il y a des  facteurs  de risque que sont l’hypertension artérielle,  le  diabète  dont les  complications  peuvent aboutir à  des  maladies rénales.   La  prise  en  charge étant  plus  compliquée,  on a misé  sur  la  prévention  et  utilisé les  jeunes  qui  sont  les  plus  susceptibles  de  prendre  les  débuts. Il  y a beaucoup de  facteurs  de  risque  et  la pharmacopée  est  très  présente  au  Sénégal  avec son lot de  conséquences.

Qu’en est-il de la prise en charge. Est-ce que l’Etat fait des efforts, parce qu’il y a beaucoup de manquements notés ?

Du  point  de  vue  curatif, on a mis  en  place  des  centres  de  dialyse  au  niveau  du pays.  Pratiquement, toutes les régions en disposent.  On  a 23  centres de  dialyse  présentement,  pour  permettre  aux  malades d’avoir  accès  aux  soins.  Ainsi, dans  toutes  les  régions  du  Sénégal,  aujourd’hui, on  a  des  centres  de  dialyse. Il  n’y a  que  la  région de  Kédougou, avec  son  nouvel  hôpital,  qui  n’en  dispose pas  pour  le moment, mais  qui   va  en avoir  bientôt. Il y a aussi d’importants moyens qui ont été déployés. Des techniciens supérieurs et des   néphrologues ont été accompagnés.   Des bourses leur ont été octroyées. Ce qui nous permettra d’avoir beaucoup plus de spécialistes sur la question. L’idée  est  surtout  d’avoir  des  spécialistes  partout  pour  une  meilleure prise en  charge.  Si  on  a  beaucoup  de  centres  et  qu’il  n’y a pas  de médecins  pour  prendre  en  charge  les  malades, ils ne serviront  à rien.  C’est  pourquoi  l’Etat  n’a pas  hésité  à miser  sur  des  médecins et  des  techniciens  depuis la  formation.

Malgré tout, les difficultés que vivent les malades sont nombreuses…

C’est vrai qu’il y a des problèmes.  Il faut le reconnaitre. Mais il faut aussi revenir à l’historique pour comprendre cela. Aussi, vous verrez que le système de santé a connu beaucoup de progrès dans ce domaine. Il faut remonter la chose, comprendre comment l’Etat se débrouille chaque fois pour permettre aux malades de se faire soigner.  Cette maladie est très pénible et les malades ont besoin de prise en charge.   Aujourd’hui, la dialyse est gratuite. Le kit est supporté par l’Etat.  C’est d’ailleurs cette gratuité qui a permis l’accès aux soins.  C’est  la  demande  qui  est  forte  et  qui  fait  que  la  prise  en  charge  est  difficile  dans  les  différents  centres.  Beaucoup de malades demandent à être dialysés, mais ont des difficultés à avoir de la place. Cette situation est en train d’être étudiée. On est en train de mettre en perspective la dialyse péritonéale.  C’est une autre opportunité de dialyse. Elle va permettre de prendre beaucoup plus de personnes et certaines d’entre elles pourront même être suivies à domicile. Nous pensons que cela va permettre de diminuer un peu cette tension qui existe dans les centres de dialyse. Il est aussi prévu d’installer des centres à Ndioum, à Agnam, à Sédhiou et à Kolda.  Cela va permettre de réduire la liste d’attente, voire de l’éliminer.

C’est quoi la dialyse péritonéale ?

Il y a l’hémodialyse, que nous faisons dans tous les centres. Mais la dialyse péritonéale est effective à l’hôpital Le Dantec. Mais on a vu qu’on gagnerait à l’étendre à l’échelle nationale.  Les centres de dialyse qu’on a construits dans les régions peinent à prendre cette dimension de la dialyse. Ce sont des centres de dialyse qui nous ont coûté 300 millions.   On a pris en compte cette dimension pour pouvoir prendre en compte cette forme de dialyse. Pour l’hémodialyse, on utilise des machines, mais pour la péritonéale, c’est des cyclers qu’on utilise. Le patient est formé.  Le résultat est le même ; le sang sera épuré. Il y a une éducation thérapeutique qu’on pourra faire aux patients et une fois chez eux, ils parviendront à le faire eux-mêmes. Cela  va lui  éviter  de prendre  rendez-vous, de se  déplacer  et  surtout  de  manquer  de  séances.

Mais n’est-il pas risqué de laisser les patients faire ce genre de choses ?

Non, il  n’est  pas  dit  qu’on  va  laisser  les  malades   à  eux-mêmes.  C’est encadré.  Quand  les  équipements   sont disponibles, on  regarde  si les  conditions   sont  réunies  au  niveau  de  la  maison.  Il  revient  au  médecin  de  déterminer  l’aptitude  du  patient  à  le  faire  chez lui.  On tient compte de l’insalubrité, des conditions de vie et de l’état de santé du patient. Il  y a  certes  des  manquements  comme  vous  dites,  mais  pas  un  manque  d’efforts. Actuellement, avec le système des bourses de spécialisation, 49 néphrologues sont formés. Ainsi, en plus de  cette nouvelle  forme  de  dialyse,  on  va  optimiser  et  réduire  la  liste.  C’est  toujours  très  difficile, pour  un malade,  de  devoir  faire  une  dialyse et de devoir attendre  après, parce qu’il n’y a pas  de  place.  Pour régler la   situation, l’Etat a signé des conventions avec les privés.  C’est  le  gouvernement  qui  donne  les  kits  et finance  la  prise en  charge. Il mise aussi sur la maintenance, pour préserver son matériel. Aujourd’hui, il faut également souligner que la prise en charge de la maladie a évolué.  On parle même d’auto-dialyse. Dans ce cas,  la  personne est  éduquée  et  peut  bien  venir  et  brancher  la  machine  elle-même. On reconnaît qu’il y a des problèmes qui subsistent, mais l’Etat fait l’effort de corriger les anomalies.

 Comment menez-vous la lutte dans ce contexte de pandémie ?

Aujourd’hui, 4 % des   décès communautaires sont dus à la maladie rénale.  La  Covid-19  a démontré  qu’il  faut  prendre  en  compte  et en  charge  les  maladies  chroniques. Si  n’on avait  pas  ces  maladies  rénales,  ont  aurait  eu  beaucoup  moins de  décès, parce que   97 %  des  décès  de  Covid  sont  liés à  la  comorbidité. Si on avait anticipé, on aurait pu avoir moins de morts.  Donc, c’est un travail en amont qu’il faut. Il faut également éviter l’alcool, le tabac, le sucre et le sel.

Beaucoup d’enfants souffrent aujourd’hui d’une insuffisance rénale. Qu’est-ce qui peut en être la cause ?

 Il  y a les  néphropathies,  qui  atteignent  les  reins  surtout  chez  les  enfants. Donc, pour une meilleure prévention, il faut une hygiène de vie, faire du sport, éviter de manger très gras, parce que la maladie n’épargne personne. Elle ne connait pas d’âge. Elle atteint les femmes enceintes qui peuvent la présenter pendant l’accouchement. C’est pour cette raison que nous conseillons toujours des accouchements sécurisés aux femmes et des consultations prénatales bien suivies.

VIVIANE DIATTA

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