Les FDS ont une partition primordiale à jouer, selon le DG du CHEDS
Dans le cadre de la prévention de l’extrémisme violent (PEV), les forces de défense et de sécurité (FDS) ont un rôle important à jouer, d’après le directeur général du Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS) du Sénégal, le général de brigade Mbaye Cissé.
Le Sénégal abrite, depuis hier, et pour trois jours, la 4e édition du séminaire régional sur le thème ‘’Le rôle des forces de défense et de sécurité dans la prévention de l’extrémisme violent en Afrique : les cadres d’engagement’’. Il est organisé conjointement par le Centre des hautes études de défense et de sécurité (CHEDS) du Sénégal et le département fédéral des Affaires étrangères (DFAE) de la Suisse. L’objectif de cette nouvelle édition du séminaire est de favoriser la capitalisation des résultats antérieurs et ceux de l’étude comparative menée en 2020-21 dans sept pays d’Afrique de l’Ouest par le DFAE suisse, en collaboration avec le CHEDS. Celle-ci a examiné de manière systématique les cadres d’engagement permettant aux forces de défenses et de sécurité (FDS) de jouer un rôle en faveur de la prévention de la violence.
Le directeur général du CHEDS a indiqué que cette rencontre se tient au moment où l’épicentre de la violence dans le Sahel se déplace progressivement vers des pays jusque-là épargnés. La brutalité et la récurrence des attaques, renseigne le général de brigade Mbaye Cissé, viennent leur rappeler, à chaque instant, l’urgence de s’attaquer aux causes profondes de leur déferlement, mais aussi le rôle et la place des acteurs chargés d’y mettre un terme.
Pour le général, la lutte contre l’extrémisme violent doit être menée de façon inclusive et les FDS ont une partition primordiale à jouer. ‘’En effet, chargées d’assurer la sécurité sur l’ensemble du territoire national, elles sont présentes dans des zones les plus reculées et symbolisent souvent, à elles seules, la présence de l’État. Sans remettre en cause leurs missions traditionnelles d’exercice de la violence légitime, de maintien de l’ordre et de protection des populations et de leurs biens, il est question, aujourd’hui, dans un environnement sous-régional fortement dégradé par tant de violence, de réfléchir sur l’aptitude des FDS à devenir des acteurs dynamiques de la prévention de l’extrémisme par leur posture républicaine et leur engagement citoyen multiforme auprès des communautés qu’elles servent. Un vaste chantier que le CHEDS et le Département fédéral des Affaires étrangères de Suisse ont engagé depuis 2017, pour explorer les voies et moyens d’affiner la réponse des forces de défense et de sécurité de nos différents pays’’, a confié le général Cissé.
Selon toujours le DG du CHEDS, les trois séminaires de 2017, 2018 et 2019 ont mobilisé des représentants d’organismes internationaux et régionaux, parlementaires, hauts cadres des FDS, chercheurs, médias, membres de la société civile, femmes et jeunes venus d’horizons divers. Ces rencontres, poursuit-il, ont permis d’évaluer les obstacles, les atouts, ainsi que les interactions entre différents acteurs de terrain, pour concrétiser l’implication des FDS dans la prévention.
Ce quatrième séminaire vient donc à son heure. Car, outre la capitalisation du parcours déjà entamé, il permettra d’approfondir les éléments intrinsèques aux FDS et déterminants dans le cadre de leur intervention, à savoir leurs doctrines et missions, leur culture institutionnelle, leurs capacités opérationnelles, ainsi que leurs interférences avec les autres acteurs de la prévention. ‘’En somme, il s’agira d’identifier les mesures d’adaptation nécessaires des cadres politiques, doctrinaux et opérationnels pour permettre une implication effective des FDS dans la prévention de l’extrémisme violent. Cette articulation entre les finalités et les ressources semble indispensable pour atteindre l’unité de pensée et d’action, et agir concrètement sur les multiples foyers de l’extrémisme violent’’, a soutenu le général Cissé.
‘’Le dernier forum de Dakar a été l’occasion pour les hautes autorités présentes de poser un diagnostic sans complaisance sur la situation sécuritaire du continent’’
Pour la directrice de cabinet du ministre des Forces armées, qui coprésidait la rencontre au nom de Me Sidiki Kaba, des experts et participants qui prennent part à ce séminaire sont venus de divers pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre pour poursuivre la réflexion amorcée, il y a cinq ans, sur l’implication des FDS dans la prévention de l’extrémisme violent. D’après Aminata Fall Cissé, le thème de cette 4e édition en dit long sur la progression des débats des experts et participants, puisque partis d’interrogations sur la réalité de cet engagement des FDS en 2017, ils sont maintenant au stade de capitalisation des résultats des séminaires antérieurs et d’intégration des produits de la recherche menée en Afrique de l’Ouest sur les cadres d’engagement permettant aux FDS de jouer un rôle dans la prévention de l’extrémisme violent (PEV).
‘’Votre engagement à traiter des cadres institutionnels qui régissent la vie des FDS, notamment les doctrines d’emploi, les cadres juridiques et législatifs, et autres curricula de formation, pour ne citer que ceux-là, constitue une étape importante qui signe une nouvelle phase dans cette volonté d’adapter leur posture dans la prise en charge inclusive de l’extrémisme violent. Au demeurant, le dernier forum de Dakar a été l’occasion pour les hautes autorités présentes de poser un diagnostic sans complaisance sur la situation sécuritaire du continent et l’urgence de trouver des solutions. Parmi ces dernières, la prévention de l’extrémisme, plus qu’une option parmi tant d’autres, est une nécessité vitale pour nos États, pour le bien-être de nos communautés, pour l’avenir de l’Afrique. Je suis heureuse de constater que cette préoccupation sera au centre de vos travaux pour rappeler à tous les acteurs, FDS, autorités publiques, organisations de la société civile, organisations internationales et régionales, qu’ils doivent s’y engager résolument’’, a expliqué le Dircab de Me Sidiki Kaba.
‘’La réponse répressive confiée aux forces de défense et de sécurité peut-elle, seule, faire face à la violence extrême ?’’
De son côté, l’ambassadeur de Suisse au Sénégal a informé que la prévention de l’extrémisme violent est un voyage au long cours qui a été entrepris en 2016, lorsque la Suisse a lancé un nouveau programme pour la prévention de la violence, fort d’une vision partagée avec le secrétaire général des Nations Unies. La prévention est la priorité des priorités, d’après lui. Celle-ci passe, d’après Andrea Semadeni, passe par des capacités à identifier les diverses causes, politiques, économiques, sociales et culturelles qui génèrent la violence armée et entretiennent des spirales de terreur. C’est sur ce chemin, renseigne-t-il, qu’il a rencontré le CHEDS, qui est venu rejoindre une communauté d’une trentaine de partenaires avec lesquels ce programme travaille depuis.
À travers cette initiative, ce sont plusieurs milliers de personnes qui ont fait de la prévention de la violence une voie à consolider notamment à travers le dialogue. ‘’Alors que les peurs, et parfois, hélas, les horreurs suscitées par le terrorisme et l’extrémisme violent un peu partout dans le monde sont si présentes dans nos actualités, les États de l'Afrique de l'Ouest et Centrale s'inquiètent de la situation sécuritaire qui prévaut dans leurs espaces et cherchent des réponses face à la violence, il nous a semblé utile de prendre le temps d’approfondir la question que de plus en plus de personnes se posent : a-t-on suffisamment élargi l'éventail des réponses possibles face à cette violence ? La réponse répressive confiée aux FDS peut-elle seule faire face à la violence extrême ? Si la sécurité est l'affaire de tous, alors le citoyen doit-il se charger des tâches sécuritaires ? Mais où en est-on avec la réponse de prévention ? En quoi la cohésion sociale, affaire purement politique, est-elle nécessaire à la sécurité ? Les FDS ont-elles un rôle de prévention de la violence ? Voilà autant d’interrogations qui furent déjà au cœur des trois séminaires régionaux précédents consacrés à ce dialogue avec les FDS sur leur rôle dans la prévention de la violence’’, s’est interrogé l’ambassadeur.
Selon qui, depuis 2017, ces travaux ont déjà permis de faire émerger une prise de conscience fondamentale : le fait que les FDS, par leur présence sur le territoire, incarnent bien souvent le représentant de l’État le plus concret pour les populations. Et que la façon dont leur mandat est compris et exécuté est déterminante pour le bien-être de la population et la paix de la nation.
En outre, poursuit-il, en créant et en animant cet espace de dialogue pour la quatrième fois, dans la diversité des fonctions et des expériences, il a souhaité qu’il se passe pour cette étape du mois de mai 2022, principalement, deux choses. D’abord, il est convaincu que la clé de la prévention de la violence réside dans le dialogue, la capacité d’aborder collectivement les problèmes qui peuvent opposer au sein d’une société, tout comme la capacité de chercher ensemble des solutions où chacun trouve sa place dans le respect de celle de l’autre. En deuxième lieu, si comme signalé plus haut, le rôle des FDS dans la prévention de la violence, en temps de paix surtout, commence à être mieux ‘’profilé’’, il n’en demeure pas moins qu’elles agissent sur la base de mandats spécifiques et des outils qui leur sont donnés.
Il est donc fondamental de prendre le temps, et c’est le cœur de ce quatrième atelier, d’examiner plus systématiquement, précisément, quels sont les cadres d’engagements des FDS sur le plan des politiques publiques, des législations, des structures, des mandats opérationnels et, enfin, ou peut-être, surtout, des formations. Et de regarder en détail s’ils donnent les ressorts nécessaires aux FDS pour s’engager activement dans la PEV.
CHEIKH THIAM