L'opposition met en garde contre un basculement
La Conférence des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi a tenu, hier, un point de presse. Ousmane Sonko, Khalifa Sall et compagnie se sont, une fois de plus, exprimés sur l'actualité politique du pays. Les opposants ont ainsi fustigé les détentions arbitraires, le budget alloué au gouvernement et ont évoqué tant d'autres sujets.
La Coupe du monde n'a pas endormi les leaders de Yewwi Askan Wi. Alors que les Sénégalais ont encore le cœur meurtri, à cause de la défaite des Lions, Ousmane Sonko et compagnie ont tenu un point de presse pour s'adresser aux concitoyens. Le président de la conférence de cette coalition a souligné que les urgences du moment ont motivé leur rencontre. Khalifa Sall d’expliquer : "Le pays bascule. Il y a beaucoup de problèmes. La cherté de la vie, l'injustice, les délestages, les détentions arbitraires… Voilà pourquoi nous avons décidé de parler aux Sénégalais.''
L'ancien maire de Dakar a profité de l'occasion pour féliciter et encourager l'équipe nationale de football. Confiant, il croit en la victoire des coéquipiers de Kalidou Koulibaly, lors de leurs prochaines sorties. Mieux, il est convaincu que le Sénégal peut atteindre les demi-finales.
Après cette parenthèse, le socialiste a évoqué l'emprisonnement du journaliste Pape Alé Niang à qui il apporte son soutien. "Macky Sall n'a pas le droit d'emprisonner Pape Alé Niang. Sa libération est une obligation'', dit-il.
''Macky Sall ne connaît pas la prison…''
L'affaire Pape Alé Niang, soulevée par Khalifa Sall, a été le prétexte pour parler de la situation judiciaire du pays, de façon générale. À l'instar de ses camarades de Yewwi qui ont fustigé les ''détentions arbitraires'', Ousmane Sonko a accusé le chef de l'État d'être le recordman dans ce domaine. ''Macky Sall a battu le record de la détention pour crime d'opinion. C'est une perte de temps de parler de l'indépendance de la justice. Elle n'est pas libre. Pire, on joue avec elle. Nous n'avons aucun intérêt à monter des foules contre elle, mais nous devons alerter'', laisse-t-il entendre.
D'après ses dires, le journaliste Pape Alé Niang n'aurait jamais passé une seule nuit en prison, si son dossier avait atterri entre d'autres mains. "Des avocats m'ont parlé à propos de l'affaire Pape Alé Niang. Ils m'ont dit que pour amener ceux qui ne sont pas du côté du pouvoir en instruction, il y a deux à trois juges à qui on donne les dossiers. Et donc, si l'affaire Pape Alé Niang avait été traitée par un autre juge que ceux-là, il allait être libéré le jour même de son arrestation. C'est pourquoi je vous dis que la magistrature est tout sauf indépendante''.
Loin de s'en arrêter là, le candidat à l'élection présidentielle de 2024 a ajouté : "Ce que Pape Alé Niang a dit pour être arrêté, je l'ai dit avant en conférence de presse. Alors pourquoi ne sont-ils pas venus me prendre ?''
Sur cette affaire Pape Alé Niang, le coordonnateur de la coalition Yaw, Déthié Fall, y est aussi allé de ses piques : "Macky Sall n'a jamais fait la prison. Il ne la connaît pas. C'est pourquoi il emprisonne les gens comme il veut. Et pourtant, c'est quelqu'un qui a peur de la prison. On se souvient en 2008, quand il a été convoqué par la Dic. Ce jour-là, il avait alerté tout le monde, parce qu'il avait peur. Finalement, le président Wade a été clément.''
La détention des gardes du corps d’Ousmane Sonko n'a pas laissé indifférent M. Fall. Pour lui, ces derniers doivent impérativement être libérés. ''Macky Sall n'a d'autre choix que de libérer les hommes de sécurité d’Ousmane Sonko. Sous le régime de cet homme, il y a énormément de détenus politiques'', dit-il.
Ainsi, selon Déthié Fall, le chef de l'État veut, soit intimider les Sénégalais ou les priver de leur liberté. Mais, pense-t-il, c'est peine perdue. ''S'il pense qu'il peut empêcher les Sénégalais de dire ce qu'ils pensent, il se trompe. Ils sont naturellement fiers et tiennent beaucoup à leur liberté'', ajoute-t-il, fustigeant tout autre emprisonnement.
Ces nombreuses détentions, aux yeux de Cheikh Tidiane Youm, n’honorent pas le chef de l’État. Le responsable politique du Pur de marteler : "Il est le président le plus impopulaire de l'histoire du Sénégal. C'est lui qui a le plus violé la Constitution, le plus grand manipulateur en tant que chef d'État. Il risque de sortir par la petite porte. Il oublie que rien n'est plus avec lui. Ni le ciel ni la terre, encore moins le peuple sénégalais.''
‘’C’est un budget de répression’’
Depuis quelques jours, le gouvernement passe à l'Assemblée nationale pour le vote du budget des différents départements. Cependant, les leaders de l'opposition sont loin d'être enchantés par ces budgets dont les votes se succèdent. Ousmane Sonko est de ceux qui les ont jetés en pâture. "Félicitations à nos députés qui, dans l'hémicycle, tiennent tête à ceux de l'autre camp. Ils n'ont voté aucun des budgets qui leur sont présentés. Globalement, c'est un budget qui n'est pas sincère. C'est un budget de répression''.
Cheikh Tidiane Youm est du même avis que Sonko. Il va plus loin et déclare : ‘'Ce n'est pas un budget d'investissement, mais un budget de précampagne pour 2024. C'est pourquoi nos députés ont refusé de le voter. Nous sommes fiers d'eux.'' Il ne manque pas de souligner que les Sénégalais ne mangent presque plus à leur faim. D'après lui, des ménages n'arrivent à assurer qu’un seul repas par jour.
Ainsi, d’après le leader du Pastef, certains ministres ont esquivé des questions posées par les députés de l'opposition, lors de leur passage à l'Assemblée nationale. Ce qui ne sera pas sans conséquence. "Nos députés ont posé un certain nombre de questions sur la gestion des affaires du pays. Et ils n'ont pas de réponse. Il y aura des suites judiciaires'', prévient-il.
Sonko exige donc une transparence dans la gouvernance. Selon lui, le président Macky Sall a liquidé le pays, parce que, tout simplement, il y a le pétrole et le gaz tant convoités par les Occidentaux. Il invite, par la même occasion, le ministre des Mines et celui de l'Économie et des Finances à un débat public. L'occasion pour lui de démontrer que le régime a vendu le pays.
Sonko dénonce ce qui s'est passé à Fann
Hier, des vidéos montrant des forces de l'ordre et de sécurité lancer des grenades lacrymogènes au sein de l'hôpital Fann ont circulé sur la toile. Ousmane Sonko est revenu sur ces incidents : "Ce sont des internes qui ne font même pas cinquante personnes. Ils réclament leur statut et on les maltraite comme ça. Pourquoi cet acte, alors qu'au Sénégal nous manquons de médecins ? Par rapport aux normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le Sénégal est très en deçà, que ce soient le nombre de postes de santé, de cases de santé, d'hôpitaux, de médecins, de spécialistes, de sages-femmes, d'infirmiers… Et malgré tout, on malmène des internes très bien formés, parce que tout simplement, ils veulent travailler et servir leur pays''.
Apportant son soutien à ces médecins, le maire de Ziguinchor déclare : "C'est normal, ce qu'ils demandent. On a même augmenté le salaire des brancardiers, dans les hôpitaux, des ambulanciers, bref de tous. Mais pas pour les internes. C'est injuste !" Pour lui, c'est de cette façon que gouverne le président Macky Sall.
Sur la même lancée, il a multiplié par zéro les décisions du gouvernement sur la réduction du coût des denrées alimentaires. Pour lui, les mesures prises ne peuvent absolument pas régler le problème. Il est convaincu que le président Macky Sall n'est pas en mesure de proposer des mesures structurelles, parce que, croit-il, ce dernier a échoué dès le départ. Pour arriver à réduire les prix et aider les Sénégalais, M. Sonko a trouvé la solution dans l'autonomie, notamment dans l'autosuffisance alimentaire. Bref, le pays doit importer peu et exporter beaucoup. Et pour ce faire, il pense qu'il faut revaloriser le secteur agricole et tous les secteurs de développement.
EL HADJI FODÉ SARR