L’eau au centre des préoccupations
Le ministre de l’Eau et de l’Assainissement a fait face aux députés pour défendre le projet de budget de son ministère. La question de la disponibilité de l’eau, de sa potabilité et de son coût aussi bien à Dakar que dans les régions a été au centre des discussions.
‘’La dure réalité est que les populations sont confrontées à la cherté de l’eau’’, a vivement dénoncé le Guy Marius Sagna, hier, lors du vote du budget du ministère de l’Eau et de l’Assainissement. Par la même occasion, le député a déploré le fait que la gestion de l’eau soit confiée à des sociétés étrangères. Beaucoup de ses collègues ont aussi décrié la cherté des factures d'eau et ont ainsi plaidé la baisse des prix par le fermier Sen'Eau. En outre, ils ont demandé des éléments d'information relatifs à la structuration du prix de l'eau.
A ce propos, le ministre Serigne Mbaye Thiam a d’abord tenu à préciser que la Sen’Eau est liée avec l'État du Sénégal par un contrat d'affermage avec une signature tripartite entre l'Etat du Sénégal, la Sen’Eau et la Sones. II a indiqué que la première citée est une société de droit sénégalais dans laquelle la part nationale est majoritaire, avec 55% du capital dont 20% détenus par l'Etat. Et selon lui, ‘’l'opérateur SUEZ en détient 45% à la différence de la SDE qui bien qu'étant elle aussi une société de droit sénégalais est majoritairement détenue par des capitaux étrangers et l'État du Sénégal n'y détient que 5%’’.
Evoquant l'augmentation substantielle des factures de Sen Eau, le ministre a précisé que le tarif unitaire de l'eau n'a pas connu de hausse, depuis 2015, et est fixé par arrêté conjoint du ministre des Finances et du Budget et celui de l'Eau et de l'Assainissement. ‘’Il peut cependant advenir des hausses jugées trop importantes dues aux volumes d'eau facturés et, dans ces cas, il appartient à l'usager de faire des réclamations auprès de la Sen’Eau, invitée à les traiter avec attention et diligence’’, a indiqué Serigne Mbaye Thiam.
Par rapport à la tarification applicable aux clients domestiques de la Sen Eau, il a fait noter qu'il existe trois tranches. Il s'agit de la tranche sociale qui est de 202 FCFA le mètre cube pour un volume compris entre 0 à 20 m3 pour 60 jours de consommation, la tranche intermédiaire qui est de 631 F CFA pour un volume compris entre de 21 et 40 m3. Et la tranche pleine qui est de 655 FCFA pour 41 m3 et plus. Aussi, a-t-il informé d'une réflexion en cours sur la révision de la structure tarifaire. Mais pas pour la diminution des prix. Il a par ailleurs indiqué que la tranche sociale est subventionnée à concurrence de 17 milliards F CFA environ par an, à travers un tarif plus élevé de 1 100 FCFA le mètre cube appliqué à l'administration, en plus du renoncement de la TVA sur les deux premières tranches.
Serigne Mbaye Thiam a indiqué qu'un bureau d'études indépendant a été choisi par voie d'appel d'offres et a déposé ses conclusions, après une démarche participative et inclusive qui a permis de consulter toutes les parties prenantes. Cette étude atteste que la réforme est pertinente, mais qu'il fallait prendre des mesures d'accompagnement, notamment, une meilleure communication avec populations, l'implication des collectivités territoriales et des Asufor.
Manque d’eau
Les députés ont aussi insisté sur la nécessité d'assurer une bonne distribution de l’eau dont l'accès garantit la vie et le bien-être des populations. Ils ont également rappelé que l'eau constitue une ressource indispensable pour un développement économique.
Bara Gaye et Cie ont aussi déploré les coupures dans l'alimentation en eau dans certains services publics, notamment scolaires et municipaux, au niveau de certaines collectivités territoriales, ainsi que les manques d'eau fréquents dans certaines localités. ‘’Dans plusieurs localités, les populations sont toujours confrontées aux problèmes de manque d’eau. Le liquide précieux n’y coule que vers 2h du matin’’, a dénoncé Rokhaya Diouf. Dans la même veine, Pape Djibril Fall a parlé des localités où le manque d’eau a même créé de l’emploi. ‘’Dans certaines zones, les femmes trouvent de l’eau pour la vendre aux maçons’’, a-t-il renseigné.
Ainsi, des députés ont demandé la multiplication des campagnes de branchements sociaux dans les zones périurbaines et rurales, pour un accès massif des populations démunies à l'eau potable.
Par contre, des mandataires comme Demba Ka et Farba Ngom se sont penchés sur les innombrables réalisations en matière d’accessibilité de l’eau, soulignant la multiplication des forages. Toutefois, il subsiste des pannes récurrentes de forages, un défaut d'entretien correct et régulier, tout en soulignant que ces concessionnaires n'accordent pas les mêmes facilités que les Asufor. Cette situation est rencontrée dans les localités de Thiès, Diourbel, Kaolack, Kaffrine.
En outre, il a été vivement sollicité une attention particulière envers les localités de Bounkiling. Sédhiou, Kolda, Bignona, Nioro, Mbodiène, Ndiafatte, Rongonthie. Koumpentoum, Kédougou, Touba, Tivaouane, Thiès, Aéré Lao, Ranérou Ferlo, Pout, entre autres localités, où il a été signalé les difficultés d'accès à l'eau potable, rencontrées par les populations. Aussi, a-t-il été déploré le manque d'eau pour certains villages autour du lac de Guiers, alors que ce sont ces localités qui abritent les usines de Ngnith, de KMS 1, 2 et 3 qui alimentent d'autres zones comme Dakar.
Répondant aux interpellations par rapport aux manques d'eau en milieu rural, le ministre Serigne Mbaye Thiam a dit que ces zones sont particulièrement vulnérables, du fait de l'absence d'un réseau interconnecté, car les forages sont dédiés à des villages. Ainsi, ‘’lorsqu'un forage tombe en panne, tous les villages polarisés n'ont plus d'eau, à la différence de Dakar où en cas de baisse de pression ou d'incident localisé. Plusieurs sources comme les usines de Ngnith, KMS1, KMS2 et KMS 3 peuvent prendre le relai des forages tombés en panne ou vice-versa’’, a-t-souligné
En ce qui concerne les manques d'eau à Dakar, il dira que les raisons sont liées aux accidents occasionnés par certains travaux publics et la vétusté du réseau, provoquant, ainsi, des fuites et pertes d'eau, et rendant impératif, eu égard au caractère sensible de l'eau, l’arrêt momentané de la distribution pour les besoins des travaux de réparation. Aussi, il a indiqué que l'unité de dessalement de l'eau de mer des Mamelles et le renouvellement de 316 km du réseau de distribution permettront d'améliorer la distribution de l'eau dans certaines zones de la capitale qui se trouvent en hauteur ou en bout de réseau.
En outre, le ministre a, souligné la mise en service de l'usine KMS 3 qui a permis d'apporter une grande amélioration dans la distribution de l'eau dans certaines localités de Dakar et de sa banlieue.
‘’L’eau est la denrée la plus contrôlée au Sénégal’’
Au-delà de la question de disponibilité de l’eau, celle de la qualité a été évoquée. En effet, constatant la mauvaise qualité de l'eau avec le risque sur la santé publique lié au développement des maladies hydriques induites, certains députés ont préconisé la recherche de solutions de potabilisation de l'eau, notamment dans les localités de Guinaw-Rails. Thiaroye, Sébikotane, Pout, Diourbel, Touba, Mbacké, Darou Mousty, Fatick, Kaolack, Nioro, Koungheul, Foundiougne, ainsi que dans les zones insulaires du Sine-Saloum et de la Basse- Casamance.
Dans le cadre du projet de l'usine de dessalement des Mamelles, ils ont demandé si des études d'impact environnemental ont été menées. Ils ont plaidé la protection de l'environnement marin et côtier et ont demandé des informations sur les volumes d'eau prévus pour l'usine de dessalement de la Grande Côte.
Reprenant la parole, le ministre Serigne Mbaye Thiam a, sur la qualité de l'eau, rassuré la représentation nationale en démontrant que ‘’l'eau est la denrée la plus contrôlée au Sénégal’’. En effet, il a fait relever que la qualité de l'eau se mesure, selon les standards internationaux, à des critères relatifs à la conformité bactériologique et à la conformité physico-chimique. Dans ce sens, il a précisé que ‘’plusieurs contrôles sont effectués annuellement par la Sen’ Eau, dédoublés de contrôles de la SONES ; toutes les deux disposant de laboratoires, tout en faisant appel à d'autres laboratoires indépendants comme l'Institut Pasteur, Bio Ndar, Caritas, etc’’.
A cet égard, il a indiqué que les tests ont montré, au niveau du périmètre urbain. ‘’Un taux de conformité de 98.8% au plan bactériologique et de 99.6% au plan physico-chimique’’. Il a, toutefois, indiqué la présence de certaines substances tels les chlorures, le fluor et le fer altérant la qualité de l'eau dans certaines zones. Par exemple le bassin arachidier, Sébikotane, certaines zones de Dakar comme le forage de Lymodak, etc.
N’étant pas convaincu de cette réponse, le député Sanou Dione a rétorqué : ‘’Il y a une contradiction avec les analyses que nous avons fait au niveau de la France. Il faut faire une contre-analyse’’.
Tout compte fait, le département de Serigne Mbaye Thiam a pris l'option, d'une part, d'installer des stations de traitement de l'eau dans les localités de Fatick, Sébikotane, Koungheul, Foundiougne et à Dakar au niveau du Lymodak ; et d'autre part de procéder au transfert d'eau douce à partir d'un système de forages installé dans une zone où la nappe produit une eau de bonne qualité vers une zone où la nappe est de qualité moindre (de Ndiayene Mousseu, de Malem Hoddar, de Sadio vers respectivement Foundiougne, Kaolack et Mbacké avec une extension plus tard vers Diourbel).
Le ministre a indiqué que le Projet intégré Sécurité de l'Eau et de l'Assainissement (PISEA) en cours d'instruction vise, entre autres, la préservation du lac de Guiers et l'amélioration de la disponibilité et la qualité de l'eau. Dans ce cadre, une des options est de transférer l'eau brute à partir de Keur Momar SARR jusqu'à Thiès, où des stations seront installées pour traitement, avant la distribution. Ce projet permettra également d'utiliser l'eau brute pour l'agriculture dans les zones traversées, notamment celle des Niayes.
Ce projet, dira-t-il, est une réponse au stress hydrique qui menace le triangle Dakar-Thiès-Mbour, particulièrement à Dakar, au regard de l'importance de la population et des activités économiques. Par ailleurs, il est prévu l'option de valoriser les eaux de pluie par stockage pour recharger les nappes ou valoriser l'eau pour un usage agricole, afin de mieux assurer la disponibilité de l'eau pour tous les usages, a-t-il annoncé.
BABACAR SY SEYE