Publié le 22 Dec 2022 - 17:22
VAGUE D’ARRESTATIONS

Quand l’État bande les muscles

 

Entre les anarchistes qui passent leur temps à insulter, à diffamer les institutions (Police, Gendarmerie et Magistrature) et les partisans du roi qui n’ont de cesse d’attiser le feu, c’est le mensonge qui gagne et c’est la vérité qui trinque.

 

Comme une bête blessée, l’État, depuis quelque temps, multiplie les arrestations et poursuites contre certains opposants politiques et leurs soutiens. L’une des dernières en date qui montre à suffisance combien l’État compte se déployer dans sa croisade contre certains actes de défiance, c’est l’arrestation de Pape Alé Niang, moins d’une semaine seulement après lui avoir accordé la liberté provisoire.

Dans un communiqué, le procureur de la République lui reproche une violation des conditions de sa libération, suivie d’un placement sous contrôle judiciaire. Sur sa page Facebook, l’avocat, Me Khoureichi Ba, n’y va pas du dos de la cuillère pour dénoncer cette deuxième arrestation. ‘’Ce retour en captivité, dénonce-t-il, après seulement six jours de liberté, est un séisme d'amplitude 8 degrés sur l'échelle de la forfaiture qui en compte 9. Nul communiqué ne réussira à faire avaler la pilule amère de ce crime d'État’’.

En fait, tout est passé si vite entre la commission des faits incriminés et la réaction de l’autorité judiciaire. Après une intervention en direct sur un live de l’activiste Mollah Morgan, Pape fera un post sur ses plateformes pour accuser publiquement le directeur général de la Police nationale, coupable, selon lui, d’avoir acheminé toute sa famille aux États-Unis pour les mettre à l’abri de futurs troubles. Il disait : ‘’Quand un directeur général de la Police emmène tous les membres de sa famille aux États-Unis pour les mettre à l’abri, c’est parce qu’il est conscient que la fin sera tragique.’’  

Une publication de trop, suite à laquelle l’État n’a pas du tout tardé à réagir. Dans la foulée, le juge d’instruction décerne un mandat d’amener exécuté par la Division des investigations criminelles.

Il faut noter qu’après vérification, il se trouve que la famille en question du DG de la Police nationale vit aux États-Unis depuis plusieurs années. Sur sa page Facebook, le journaliste sénégalais Baba Aidara affirme : ‘’Pour répondre à ceux qui voulaient vérifier si l’épouse du DG de la police vivait aux États-Unis, oui, Mme Yague a fait plus de 35 ans dans ce pays. Elle est aussi de nationalité américaine. Désolé de ne pas répondre à tous les confrères en même temps.’’

Malgré les excuses présentées par la famille de M. Niang, selon l’un de ses fervents soutiens, Ibrahima Lissa Faye, le mal a été fait. La justice fera-t-elle preuve de clémence ? Rien n’est moins sûr. Selon les informations d’’’EnQuête’’, le commissaire Yague, qui se trouve d’ailleurs aux USA, depuis quelques semaines, n’a jamais porté plainte.

Ainsi, pour beaucoup d’observateurs, c’est l’État qui veut coûte que coûte redorer son image, restaurer son autorité sérieusement entamée depuis les événements de mars. Avant le journaliste Pape Alé Niang, il y a eu le cas Fadillou Keita, coupable également de s’en être violemment pris à la gendarmerie nationale, l’accusant de l’enlèvement de Fulbert Sambou et de Didier Badji dans un post intitulé : ‘’J’espère juste qu’ils n’ont pas tué mon frère.’’ Dans le texte, le fils de l’ancienne présidente de l’Ofnac, Nafi Ngom Keita, disait : ‘’La gendarmerie sait ce qui se passe… Elle nous a habitués, depuis l’avènement du général Moussa Fall, à des communications intempestives, même pour des opérations courantes. Comment donc deux gradés peuvent disparaitre et que la gendarmerie n’en parle pas ? Je dis qu’ils ont été enlevés.’’

Très virulent, M. Keita ajoutait en dénonçant ce qu’il considère comme une ‘’purge ethnique’’. ‘’Après l’affaire des forces occultes, disait-il, celle des forces spéciales, les attaques soudaines contre le MFDC, l’affaire Mancabou… nous voilà devant deux autres hommes fils de la Casamance’’.

La brigade de la cyber criminalité et la DST, les deux bras armés de l’Etat

Face à ces accusations très graves, l’État n’a pas tardé non plus à sévir et à mettre au gnouf le contestataire membre de Pastef/Les patriotes. Bien avant ces deux dossiers et celui des députés de l’opposition arrêtés pour coups et blessures volontaires, il y a eu les affaires Outhmane Diagne et Papito emprisonnés dans le dossier dit de détournement des Unes de certains journaux.

Dans cette croisade contre ses détracteurs, le régime dispose de deux leviers indispensables qui abattent un travail de titan, selon nos sources. D’abord, il y a la brigade de cybercriminalité, mais aussi la DST qui épluche tout ce qui se dit dans les différents journaux de la place. ‘’Certains pensent que les gens ne suivent pas ce qu’ils font dans le Net ou dans les journaux. En fait, comme vous voyez la police faire des patrouilles pour mettre hors d’état de nuire certains délinquants, sur le Net, il y a la brigade de cybercriminalité qui fait régulièrement ce qu’on appelle ‘cyberpatrouille’ pour dénicher des délinquants du Net. Si on voit que quelqu’un a fait un post constitutif d’infraction, le procureur est informé et il peut s’autosaisir. Il en est de même pour les journaux. Comme vous le savez, chaque journal qui parait à l’obligation de déposer un exemplaire à la DST. Là-bas, les gens doivent faire la revue et sont capables même d’agir quand un contenu met en péril la stabilité du pays’’.

L’opinion reste divisée sur la question

Dans tous les cas, l’opinion reste très divisée, en ce qui concerne ces vagues d’arrestations. Si les uns pensent que tout ça relève de l’arbitraire, les autres sont d’avis que nul n’a le droit de jeter en pâture les institutions, parfois gratuitement et faussement. Sur sa page Facebook, le célèbre économiste sénégalais Felwine Sarr dénonçait : ‘’Depuis un certain temps, fulmine-t-il, les digues cèdent une à une dans ce pays, avec, entre autres, une multiplication des prisonniers d’opinion. Ils doivent tous être libérés. Le recul démocratique est réel. Ce n’est pas le type de démocratie que nous voulons…’’ En ce qui concerne le cas spécifique de Pape Alé Niang, M. Sarr dira : ‘’Je dénonce avec force l’acharnement judiciaire dont fait l’objet le journaliste sénégalais Pape Alé Niang. Sa place n’est pas en prison. La liberté d’informer est fondamentale pour une démocratie qui se veut saine…’’

Dans une contribution publiée dans le journal ‘’Le Quotidien’’, le Pr. Cheikh Faye, basé au Canada, dénonce, quant à lui, des attaques malveillantes et ciblées contre les forces de défense et de sécurité. Selon lui, ces attaques entreraient dans le cadre d’une stratégie murement réfléchie. ‘’La régularité de ces attaques contre les chefs de nos forces de défense et de sécurité (FDS), souligne-t-il, et les différentes tentatives de les installer, à leur corps défendant, dans des combats politiques en cours, seraient de nature à faire croire que ces actions ­s’inscrivent dans une stratégie de décrédibilisation des ­institutions de la République en ­général et d’une tentative visant à faire rompre les relations de confiance qui ont toujours existé entre les populations et les FDS en particulier’’. Il en veut pour preuve ceux qui traitent les militaires sénégalais de ‘’mercenaires’’ supplétifs de l’armée française, l’affaire de la supposée maison du Gl Moussa Fall qui aurait coûté 6 milliards, les accusations contre le DG de la Police nationale…

MOR AMAR

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