La voix du PDS s’explique, contre-attaque et durcit le ton
Dans une interview qui sera publiée demain, la secrétaire nationale à la communication du Parti démocratique sénégalais, Nafissatou Diallo, répond aux détracteurs de son parti, non seulement en ce qui concerne le vote en faveur de la déchéance de Mme Aminata Touré, mais aussi les relations difficiles entre le PDS et ses ‘’alliés’’ de Yewwi, entre autres sujets. Extrait.
‘’… Qu’on nous insulte, qu’on nous diffame, qu’ils disent tout ce qu’ils veulent, rien ne va nous dévier de notre chemin. Il faut qu’ils (les gens de Yewwi Askan Wi) le comprennent. S’ils pensent qu’en disant que nous travaillons pour Macky Sall, ça va nous faire changer d’avis, nous amener à les suivre comme des béni-oui-oui, ils se trompent lourdement. La preuve, malgré l’épisode de la motion où nous avons été traités de tous les noms, quand on a jugé bon de voter cette déchéance, on l’a fait. Le PDS n’est pas un parti qu’on fait chanter’’.
Telle est la conviction forte de Nafissatou Diallo, interpellée hier par ‘’EnQuête’’, sur son vote de la déchéance d’Aminata Touré et toutes les critiques qui s’en sont suivi de la part notamment de leurs ‘’alliés’’ de l’opposition (l’intégralité de l’interview sera publiée demain).
Auparavant, la secrétaire nationale à la communication du PDS a tenu à expliquer ce vote qui, selon elle, est un choix de raison et de conviction. Et que c’est le contraire qui aurait dû étonner. ‘’Si nous ne l’avions pas voté, votre journal et tous les journaux du Sénégal auraient titré à juste titre que c’est la preuve qu’en 2009, nous avions déchu Cissé Lo et Mbaye Ndiaye dans le seul but de combattre Macky Sall. On aurait donné raison à tous ceux qui estiment que nous nous sommes comportés de la même manière que Macky Sall aujourd’hui, que nous avons utilisé la loi pour combattre des adversaires, ce qui est archi-faux. Le PDS est un parti de conviction ; nous avons voté parce que cette loi, c’est nous qui l’avons introduite dans la Constitution ; nous avons eu à l’utiliser ; c’est le contraire qui aurait dû surprendre’’.
En fait, rappelle Mme Diallo, la loi sur la déchéance a été introduite dans la Constitution en 2001. À l’en croire, c’est une loi dont les origines sont intrinsèquement liées à l’histoire même du PDS. Elle explique : ‘’Vous savez, notre parcours a été truffé de défections. En 1978 (premières élections législatives du PDS, NDLR), nous avions 18 députés. Tous ont été débauchés par le régime socialiste de l’époque. Il en sera ainsi jusqu’en 1998. Nous avons été combattus à chaque fois qu’on sortait d’élections législatives et que nous avions un nombre de députés nous permettant d’avoir un groupe parlementaire, pour nous empêcher d’avoir des groupes parlementaires. Quand le président Wade est arrivé au pouvoir, au lieu d’utiliser les mêmes méthodes, en grand seigneur, il a mis dans la Constitution cette disposition, pour interdire ce genre de pratique que nous avons vécu dans notre chair. Mieux, nous avons aussi réduit le pourcentage de députés exigé pour avoir un groupe. L’objectif étant de renforcer l’opposition parlementaire et, par ricochet, la démocratie.’’
A ceux qui estiment qu’une démission ne se présume pas et qu’elle doit s’exprimer de manière non équivoque, elle rétorque par un exemple concret : ‘’Il faut que l’on soit juste et honnête. Monsieur Amar, aujourd’hui, vous êtes venu ici pour le compte d’’EnQuête’. Si vous cessiez d’aller aux réunions de rédaction d’’EnQuête’, d’écrire pour ‘EnQuête’ et que tous les jours on vous voit écrire des articles au ‘Soleil’, vous n’avez pas besoin de produire une démission, ‘EnQuête’ constatera que vous avez de fait démissionné. C’est aussi simple que ça. C’est ça ce qu’on avait fait en 2009. Si aujourd’hui, alors qu’on se trouve dans les mêmes conditions, on refuse de voter, on aurait donné raison à nos détracteurs d’hier, qui ont toujours soutenu que nous combattions Macky Sall. Nous sommes constants avec nous-mêmes.’’
Par ailleurs, la voix du PDS a tenu à attirer l’attention des gens de l’opposition sur un fait. Pour elle, cette loi est une bonne loi, mais surtout une garantie pour l’opposition. ‘’Regardez aujourd’hui, avec la configuration actuelle de l’Assemblée, qu’allions-nous dire si Macky Sall commençait à débaucher des députés de l’opposition ? Qu’allions-nous faire si des députés de l’opposition sont utilisés par le régime pour accomplir certaines basses besognes ? Si on a refusé de voter aujourd’hui, qu’allions-nous faire demain ? En fait, il faut que l’on soit sérieux et honnête avec nous-mêmes. Nous sommes tous ensemble dans ce combat contre les pratiques du régime, mais il faut aussi qu’on se respecte’’, fulmine la karimiste, qui ajoute : ‘’Mais nous les comprenons.
Ceux qui nous attaquent sont nés avant-hier ; ils ne connaissent pas grand-chose de l’histoire politique de ce pays. C’est de l’ignorance, tout simplement. C’est pourquoi ils attaquent tout le monde, en essayant coute que coute de mettre dans la tête de certains Sénégalais que le PDS est avec Macky Sall, parce qu’ils pensent que la pensée unique peut exister au Sénégal. C’est pourquoi ils essaient de peindre tout le monde comme des monstres, pour s’ériger ensuite comme la seule alternative. On a tout compris. Qu’ils comprennent que nous, on ne nous fait pas chanter. Ils peuvent écrire sur tous les murs que nous travaillons pour l’APR, nous, on est quitte avec notre conscience.’’
Selon elle, les gens de bonne foi sauront que si le PDS travaillait pour l’APR, Karim Wade ne serait pas encore en exil, le président Wade serait déjà dans sa maison du Point E. ‘’Il y a des choses qui n’ont même pas de sens’’, peste-t-elle, non sans relever que si le PDS souhaitait discuter avec le pouvoir, il ne s’en cacherait point, comme du temps de l’entrisme avec le régime de Diouf. ‘’Nous sommes un parti transparent, un parti qui s’assume. Nous ne sommes pas dans les petits calculs ; nous ne céderons pas non plus au chantage, comme je l’ai dit’’.
‘’Le PDS ne siègera pas dans une plateforme de l’opposition où il y aura Aminata Touré’’
Au-delà de la constance et de la défense des convictions, ils ont été nombreux les observateurs à soupçonner des velléités revanchardes à cette posture du PDS. À la question de savoir s’il n’y a pas un problème personnel avec l’ancienne Première ministre, Nafissatou Diallo rétorque : ‘’Ce serait normal, parce que Mme Aminata Touré est allée au-delà de ce qu’on lui avait demandé. Vous savez, quand on a perdu le pouvoir, Macky avait lancé tous les corps de contrôle pour fouiller la gestion de Karim, tout, ils n’ont rien eu. Madame Aminata Touré est venue dépoussiérer la Crei pour pouvoir l’atteindre. Elle s’est personnellement impliquée pour faire mal à Karim Wade et au PDS. Comme elle a eu à s’en vanter qu’elle a mis en prison Karim Wade, fils du président Abdoulaye Wade, opposant historique ; qu’elle a fait tomber Hissène Habré. Voilà ce qu’elle visait et c’était pour sa promotion personnelle. Nous qui l’avons vécu dans notre chair, nous savons quel rôle elle a eu à jouer dans cette affaire.’’
A ceux qui pensent qu’elle agissait sous la dictée de Macky Sall, sa réponse est sans ambages. ‘’C’est vrai que j’ai même entendu certains membres de Pastef le dire. Dans ce cas, pourquoi leur leader Ousmane Sonko parle de Serigne Bassirou Guèye ? Pourquoi nous parler du juge Maham Diallo ? Pourquoi Antoine Diome ? Si tel est le cas, ils n’ont qu’à s’arrêter à Macky Sall. C’est parce qu’il (Ousmane Sonko) pense que ces gens sont en train de faire des choses illégales, en s’acharnant contre sa personne, c’est pourquoi il les dénonce. S’ils reconnaissent ce droit à Sonko, ils n’ont qu’à nous laisser la latitude d’apprécier le mal que Mimi nous a fait’’.
Dans la foulée, elle ajoute à propos d’une éventuelle plateforme qu’aurait annoncée récemment la députée déchue de BBY. ‘’Ça, je le dis en tant que chargée de communication du PDS. La ligne du PDS est claire à ce niveau et on m’a instruite de le dire. Nous ne serons dans aucune plateforme de l’opposition où il y a madame la néo-opposante. Nous lui demandons de se mettre à la disposition de la justice et demandons à Macky Sall de déclassifier le rapport de l’IGE’’.
MOR AMAR