Publié le 28 Mar 2023 - 10:15
MATAM - VIE SCOLAIRE

Le ramadan plonge l’école dans la léthargie

 

Chez les potaches de la région de Matam, le ramadan ne rime pas vraiment avec le travail. La plupart d’entre eux, à partir de 11 h, passent en mode hibernation psychique. Ils subissent les cours, amorphes, couchés sur les tables-bancs, totalement déconnectés des explications. Une situation qui impose une réadaptation ponctuelle des enseignements-apprentissages pour éviter aux enseignants ‘’de prêcher dans le désert’’.

 

Les deux premiers jours du mois de ramadan étaient bien loin des températures habituelles à Matam. Mais depuis le début de ce week-end, le thermomètre a grimpé avec un soleil qui a redoublé d’incandescence. À l’école, cette chaleur éprouve durement les méninges. Le déroulement des cours devient de plus en plus laborieux.

Il est 11 h 10 au lycée de Ogo. La vaste cour verdoyante est déserte. Tous les élèves ont regagné les salles de classe. Seuls trois élèves sont aux abords du robinet pour se gargouiller. À la salle 5, les élèves font le cours de français depuis 10 h. Les filles, largement majoritaires, se distinguent avec leurs blouses roses. Elles représentent les 3⁄4 de l’effectif de la classe riche de 40 élèves. Face à leurs camarades qui présentaient leur travail portant sur ‘’Le malade imaginaire’’ de Molière, les filles manifestent peu d’intérêt à l’exposé.

‘’C’est toujours ainsi, en période de ramadan. Les élèves sont dans une sorte de léthargie notoire et ont du mal à se tenir convenablement’’, explique le professeur.

Le travail s’annonce compliqué pour les élèves qui, sous le prétexte du jeûne, refusent tout effort intellectuel. Il ne s’agirait point d’un prétexte, mais plutôt d’un fait plausible, soutient Aminata Ba, élève en classe de 3e. ‘’Il n’est pas facile de faire cours pendant le mois de ramadan. Nous avons du mal à comprendre les explications des professeurs, car il y a beaucoup d’élèves qui ont dû mal à se concentrer à cause de la faim et de la soif. C’est pourquoi ils se couchent sur les tables-bancs. Et il y a des professeurs qui n’aiment pas cela’’, fait remarquer la jeune fille, présidente du gouvernement scolaire du lycée de Ogo.

Et pour justifier l’attitude de certaines de ses camarades, elle évoque un sommeil perturbé : ‘’En fait, les élèves, surtout les filles, quand elles rentrent chez elles vers 17 h, elles commencent les travaux domestiques qui vont se poursuivre jusque tard dans la nuit, parce qu’ici nous avons l’habitude de servir le dîner après minuit. Et donc elles dorment tard pour se réveiller encore à l'aube. Ce qui fait qu’elles dorment une fois qu’elles sont en classe’’, explique-t-elle.

Mairame Sy, elle, n’oppose aucune résistance à la faim. ‘’Moi, quand je ne mange pas le matin, je perds mes forces et je deviens paresseuse. En classe, je ne suis même pas dans les dispositions de suivre les explications. J'aurais aimé ne pas venir à l’école, si j’avais le choix. Maintenant, je viens juste pour ne pas être marquée absente. Mais la vérité est qu’il  n’est pas possible de bien travailler durant le mois de ramadan. Jeûner et être performant en classe est quasiment impossible, pour moi en tout cas’’, déclare-t-elle.

Les professeurs s’adaptent aux élèves pour dérouler les cours

Ainsi, le ramadan et le travail scolaire ne feraient pas bon ménage. Pour Abdoul Wahab Diallo, professeur de français, fort de plus d’une décennie d’expérience, le jeûne ralentit considérablement la réactivité des potaches, d’où l’ingéniosité de l’enseignant pour les concerner. ‘’Entre midi et 14 h, c’est difficile pour tout le monde et j’en ai discuté avec mes élèves. Je leur ai dit que c’est aussi bien difficile pour eux, élèves, que pour nous professeurs. Mais cela ne veut pas dire que nous n’allons pas travailler. Alors, nous devons faire avec. Nous professeurs, sommes obligés de trouver des mécanismes, car on sait quand faut-il accélérer la cadence et à quel moment il faut lever le pied. On s’adapte en fonction de l’état réceptif des élèves pour dérouler le cours, notamment entre 12 h et 14 h’’, détaille le professeur originaire du village de Banadji, dans la commune de Sinthiou Bamambé-Banadji du département de Kanel. D’ailleurs, pour s’adapter à la nouvelle situation, les cours d'éducation physique et sportive ont été suspendus. Durant tout le mois, les élèves seront épargnés des activités éprouvantes du sport. Une aubaine pour les potaches.

‘’Les cours d’EPS sont impossibles à dérouler durant le ramadan. Moi, je n’allais pas les faire s’ils étaient maintenus, avoue la chétive Rougui. Déjà, en temps normal, je suis lessivée après le cours d’EPS. Je suis difficilement les cours suivants. Alors, en temps de carême, je risque même de m’évanouir’’, dit la jeune fille en classe de 1re.

Coumba Diallo subit stoïquement la rigueur du jeûne. Malgré son jeune âge, elle refuse de se vautrer sur les tables. ‘’Je n’aime pas me coucher sur les tables quand je suis en classe, car je ne veux pas que les explications du professeur m’échappent. Alors, je me tiens toujours bien assise. Mais, parfois, durant les cours de 12 h-14 h, il m’arrive de me coucher un peu quand le professeur corrige les exercices’’, confie-t-elle.

Le jeûne dans une canicule extrême perturbe sérieusement la sérénité des potaches et même des enseignants. Heureusement pour eux, le ministre de l’Éducation vient de sortir une circulaire fixant le début des vacances du second semestre ce lundi 27 mars à 18 h. Une bouffée d’air pour la qualité des enseignements-apprentissages rudement éprouvée par les rigueurs du mois de ramadan.

Djibril Ba

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