Publié le 11 Aug 2023 - 19:38
OURCES DE FINANCEMENT DES OSC

Crainte sur le financement extérieur

 

La cérémonie de lancement de l'étude sur l'état des lieux de la contribution des organisations de la société civile dans les politiques publiques en vue de publier périodiquement le Rapport annuel citoyen sur la contribution de la société civile dans les politiques publiques (Rascipp) s'est tenue hier. Ce premier rapport souligne la dépendance aux financements étrangers.

 

Les organisations de la société civile (OSC) présentent une forte dépendance aux financements étrangers. Cette question du financement a été mentionnée, hier,  lors de la cérémonie de lancement de la première édition du Rapport annuel citoyen sur la contribution de la société civile dans les politiques publiques (Rascipp). Des craintes ont été émises du fait que cette situation a au moins deux conséquences : un risque de décalage des actions des OSC par rapport aux priorités gouvernementales et une forme d'ingérence des bailleurs internationaux par rapport au tissu social.

''Aujourd'hui, il n'y a pas de problème à assumer que la majeure partie des financements des ONG vient de l'extérieur. Mais il faut aussi dire que les ONG compétissent. Il y a de l'expertise technique qui permet à ces ONG de compétir un peu partout dans le monde pour mobiliser des ressources'', a relativisé le conseiller technique du ministre de l'Économie, du Plan et de la Coopération, Ousmane Sène.

Pour pallier cette insuffisance, il appelle à la diversification des sources et mécanismes de financement internes. ''Ce qu'il faut, c'est chercher aujourd'hui les moyens et voies innovants pour  capter d'autres financements internes. Parce que  le secteur privé doit venir en aide à la société civile. Quand on parle de RSE, les entreprises privées ne devront pas aller sans la société civile. L'impact est communautaire, quand on parle de développement et c'est la société civile qui est à la base'', a soutenu M. Sène.

Dans la même veine, pour le présentateur du rapport, Dr cheikh Gueye, la réflexion doit être poussée pour des mécanismes de financement des ONG par l'État, le secteur privé et les philanthropes nationaux dans une démarche endogène et de souveraineté.

Et  le directeur du Partenariat appelle l'État à capitaliser ce que la société civile est en train de faire. ''Je suis convaincu que la société civile doit pouvoir bénéficier du financement public de l'État. Pour être sérieux, on ne peut pas compter uniquement sur le financement extérieur.  Il y a une société civile du développement qui s'investit partout au niveau du territoire et même dans des zones où l'État est absent'', a soutenu Doudou Pathé Mbengue.

Bien plus, des rumeurs concernant la participation d'ONG à des financements illicites, de la corruption et des agendas cachés contraires aux normes sociales ont été largement relatées dans les médias et discutées dans des forums publics, avec une certaine confusion dans les faits. D'après le Dr Cheikh Guèye, des informations de base sur le nombre d'ONG actives au Sénégal, leurs secteurs d'intervention, le nombre d'emplois créés par leurs projets et leurs investissements ne sont pas facilement accessibles aux agences gouvernementales, ni au grand public.

51 681 733 815 F CFA par an reçus par 81 ONG

 ''S'il y a eu des tentatives d'études diagnostics ou rétrospectives, de cartographies, d'évaluations individuelles ou collectives, elles restent superficielles et disparates. L'esprit et le dispositif institutionnel de partenariat avec la DPONG n'ont pas réussi à prendre en charge la nécessité pour l'État de mettre sur les comptes publics les investissements des ONG, d'analyser la concordance des interventions avec les priorités gouvernementales ou d'avoir une démarche prospective et stratégique globale à travers un dialogue documenté'', a-t-il indiqué.

D'après l'une des rares études réalisées par la DMC en 2015, note le rapport, les fonds reçus par les 81 ONG interrogées, sur la période 2011-2013, étaient estimés au total à 155 045 201 446 F CFA, soit en moyenne 51 681 733 815 F CFA par an. La part la plus importante des fonds reçus par ces ONG durant la période sous-revue, provenait de sources extérieures : 93 % contre 7 % de sources nationales. Une estimation des budgets investis dans des projets de développement au Sénégal par seulement 16 ONG internationales atteint 123,7 millions de dollars US en 2011, soit un montant équivalant à 20,98 % des 589,7 millions de dollars US d'aide publique au développement déboursée la même année au bénéfice du Sénégal, selon l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Dans un contexte de difficultés économiques post-pandémie et de guerre russo-iranienne qui pousse l'État à mettre le curseur plus que jamais sur la souveraineté alimentaire et sur les questions sociales (budgets 2023 et 2024) pour ne pas exposer les populations aux conséquences désastreuses de la faim et de la précarité, les OSC sont également appelées à se mobiliser pour apporter une contribution essentielle.

''Dans ce contexte de redéfinition des politiques autour du PAP3, il est important pour les OSC de travailler, en combinant les approches quantitatives et qualitatives, à identifier et mesurer leurs investissements, à communiquer leurs résultats à l'État et aux citoyens, et à changer la perception des OSC et la compréhension de leur rôle ainsi que leurs contributions au Sénégal'', a indiqué le Dr Cheikh Guèye.

Outil d'aide à la prise de décision

D'ailleurs, c'est dans ce contexte que s'inscrit cette étude qui vise à mettre en relief les enjeux, les modalités et les outils d'intervention des ONG au Sénégal. L'objectif général du Rascipp est de réaliser une étude de la contribution des OSC dans les progrès économiques et sociaux au Sénégal.

En réalité, selon les auteurs du rapport, ''la mesure de l'impact des actions et interventions des OSC est difficile à établir, en raison de la disparité et du caractère informel de certaines interventions''.

Ainsi, il s'agit spécifiquement, pour les OSC, d’identifier et de caractériser les champs d'intervention couverts, leur ancrage dans les cadres locaux et nationaux de développement ; de disposer d'une estimation du volume et de la localisation des investissements des OSC selon les enjeux majeurs ainsi que la nature de leurs interventions et de leur positionnement ; de faire des recommandations dans le sens de contribuer à l'amélioration de l'image des OSC au Sénégal, à travers une meilleure connaissance de leur rôle et de l'impact de leurs actions ;  d’analyser les contraintes dans le fonctionnement et le financement des OSC ; d’appuyer les négociations collectives avec les autorités étatiques et les partenaires bilatéraux et multilatéraux à travers un dialogue structuré.

''C'est un important outil d'aide à la prise de décision et qui va nécessairement permettre d'améliorer la mise en œuvre des actions de développement au profit des populations et des communautés dans notre cher pays'', a salué Ousmane Sène. D'après le directeur exécutif de la Plateforme des acteurs non étatiques, coordinateur du Programme d'appui à la société civile, Malick Diop, le Rascipp est une initiative des faitières des OSC visant à produire des données et à informer sur les impacts multiformes, les modalités et les outils d'intervention des ONG sur les progrès économiques et sociaux du Sénégal permettant de co-construire un dialogue structuré entre la société civile et le gouvernement sur les priorités de partenariat.

''Les dynamiques d'intervention des OSC (notamment les ONG et les associations) sont accentuées à l'échelle des quartiers, des villages, des communes, des territoires, avec des organisations nationales et internationales d'une grande diversité. Des centaines d'ONG et des milliers d'associations mobilisent ainsi chaque année des ressources humaines, techniques et financières pour venir en aide aux populations partout dans le pays. Leurs actions viennent compléter, enrichir et approfondir les politiques publiques par des réalisations concrètes en termes d'infrastructures, de services, de réflexions, de formation, de renforcement de capacités pour une citoyenneté affirmée et informée. Mais depuis de longues années, il est très difficile de mesurer les résultats et les impacts des actions des OSC, malgré leur visibilité indéniable'', a-t-il souligné.

Pour sa part, le directeur général de la Planification des politiques économiques au niveau du ministère de l'Economie, du Plan et de la Coopération, Mouhamadou Bamba Diop, se félicite de l'initiative d'élaboration d'un rapport annuel citoyen sur la contribution de la société civile aux politiques publiques (Rascipp) et de sa volonté de systématiser cette démarche de suivi citoyen et alternatif. ''Ce rapport inédit devient un important outil d'aide à la décision et va permettre d'améliorer la mise en œuvre des actions de développement au profit des populations à la base. Il a permis de proposer des actions complémentaires et partenariales entre les OSC et les autres parties prenantes au développement, notamment le gouvernement et les partenaires techniques et financiers'', a-t-il déclaré.

BABACAR SY SEYE

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