L’ONUDC constate une augmentation de 45 %, en 10 ans
Le nombre de personnes qui s'injectent des drogues a augmenté, selon le rapport mondial sur les drogues 2023 de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui met en garde contre des crises convergentes, alors que les marchés des drogues illicites continuent de se développer.
Chaque mois de juin, l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime publie un rapport. Cette année, les nouvelles estimations du nombre de personnes qui s'injectent des drogues sont plus élevées que les précédentes, car les services de traitement et autres interventions sont insuffisants, y compris pour un nombre record de personnes déplacées en raison de crises humanitaires.
Selon le document, les produits de synthèse "faciles et bon marché" modifient les marchés de la drogue, avec des résultats mortels.
Ainsi, souligne-t-on, le trafic de drogue accélère la dévastation de l'environnement et la criminalité dans le bassin amazonien.
Selon l’ONUDC, une surveillance accrue des effets sur la santé publique est nécessaire dans un contexte de changements rapides de la réglementation et d'essais cliniques sur les psychédéliques. ‘’L'offre toujours record de drogues illicites et des réseaux de trafiquants de plus en plus agiles aggravent les crises mondiales et posent des défis aux services de santé et aux services de détection et de l’ordre.
Selon de nouvelles données, le nombre de personnes qui s'injectent des drogues en 2021 est estimé à 13,2 millions, soit 18 % de plus que les estimations précédentes. Au plan mondial, plus de 296 millions de personnes ont consommé des drogues en 2021, soit une augmentation de 23 % par rapport à la décennie précédente. Le nombre de personnes souffrant de troubles liés à la consommation de drogues est entretemps monté en flèche pour atteindre 39,5 millions, soit une augmentation de 45 % en dix ans’’ renseigne le document.
La domination croissante des drogues de synthèse
Le rapport mondial sur les drogues 2023 met également en évidence la manière dont les inégalités sociales et économiques alimentent et sont alimentées par les défis liés à la drogue, la dévastation de l'environnement et les violations des Droits de l'homme causées par les économies de drogues illicites, ainsi que la domination croissante des drogues de synthèse.
La production peu chère, facile et rapide de drogues de synthèse a radicalement transformé de nombreux marchés de drogues illicites, selon le rapport. Il souligne que les criminels qui produisent de la méthamphétamine, la principale drogue de synthèse fabriquée illégalement dans le monde, tentent d'échapper aux mesures de répression et de réglementation en recourant à de nouvelles voies de synthèse, à de nouvelles bases d'opérations et à des précurseurs non contrôlés.
‘’Le fentanyl a radicalement modifié le marché des opioïdes en Amérique du Nord, avec des conséquences désastreuses. En 2021, la majorité des quelque 90 000 décès par overdose liés aux opioïdes en Amérique du Nord impliquait des fentanyls fabriqués illégalement’’.
Dans le même temps, ‘’l'interdiction de la drogue en Afghanistan, souligne-t-on, pourrait avoir inversé la tendance à la hausse de la production d'opium. La récolte d'opium de 2023 en Afghanistan pourrait connaître une baisse radicale à la suite de l'interdiction nationale de la drogue, les premiers rapports faisant état d'une réduction de la culture du pavot. Les avantages d'une éventuelle réduction significative de la culture illicite d'opium en Afghanistan en 2023 seraient mondiaux, mais elle se ferait aux dépens de nombreux agriculteurs du pays qui n'ont pas d'autres moyens de générer des revenus’’.
Le rapport fait remarquer que ‘’l'Afghanistan est également un important producteur de méthamphétamine dans la région et la baisse de la culture d'opiacés pourrait entraîner une réorientation vers la fabrication de drogues synthétiques, ce qui profiterait à différents acteurs’’.
Ainsi, selon le document, la santé publique, la prévention et l'accès aux services de traitement doivent être prioritaires dans le monde entier. Faute de quoi, les problèmes liés à la drogue feront de plus en plus de personnes délaissées.
Il souligne, en outre, la nécessité pour les services de l’ordre d’adapter leur réponse aux modèles économiques des criminels et à la prolifération de drogues synthétiques peu chères et faciles à commercialiser.
Réagissant aux conclusions du rapport, la directrice exécutive de l'ONUDC, Ghada Waly, a déclaré : "Nous sommes témoins d’une augmentation continue du nombre de personnes souffrant de troubles liés à la consommation de drogues dans le monde, alors que les traitements ne parviennent pas à atteindre tous ceux qui en ont besoin. Pendant ce temps, nous devons intensifier la lutte contre les réseaux de trafiquants de drogue qui exploitent les conflits et les crises mondiales pour étendre la culture et la production de drogues illicites, en particulier de drogues synthétiques, alimentant ainsi les marchés illicites et causant un préjudice encore plus grand aux personnes et aux communautés."
En effet, l’ONUDC constate que la demande de traitement des troubles liés à la drogue reste largement insatisfaite. Seule une personne sur cinq souffrant de troubles liés à la drogue était en traitement pour usage de drogues en 2021 et les disparités d'accès au traitement s'accentuent d'une région à l'autre.
Les jeunes sont les plus vulnérables à la consommation de drogues et sont également plus gravement touchés par les troubles liés à la consommation de substances dans plusieurs régions. En Afrique, 70 % des personnes en traitement ont moins de 35 ans.
Disparités et inégalités liées à la drogue
Selon toujours le rapport, le droit à la santé n'est souvent pas accordé aux personnes qui consomment des drogues. Puisque d'importantes inégalités persistent dans l'accès et la disponibilité des médicaments contrôlés à usage médical, en particulier pour le traitement de la douleur. Ces disparités sont particulièrement marquées entre le nord et le sud de la planète, et entre les zones urbaines et rurales, de sorte que certaines personnes ressentent plus que d'autres l'impact négatif des drogues.
Quelque 86 % de la population mondiale vivent dans des pays où l'accès aux opioïdes pharmaceutiques (tels que contrôlés par la Convention unique de 1961) est insuffisant, principalement dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. ‘’Certaines populations pauvres et vulnérables, comme celles de la région des trois frontières entre le Brésil, la Colombie et le Pérou, sont piégées dans des zones rurales où la criminalité liée à la drogue est très répandue. En raison de leur éloignement, il leur est extrêmement difficile de bénéficier de services de traitement, de ressources ou de l'État de droit. L'économie illicite de la drogue accélère les conflits, les violations des Droits de l'homme et la dévastation de l'environnement’’.
En effet, souligne le rapport, l'économie de la drogue dans le bassin amazonien exacerbe d'autres activités criminelles telles que l'exploitation forestière illégale, l'exploitation minière illégale, l'occupation illégale des terres, le trafic d'espèces sauvages et bien d'autres qui endommagent la plus grande forêt tropicale du monde. ‘’Les peuples autochtones et d'autres minorités subissent les conséquences de cette convergence criminelle, notamment les déplacements, l'empoisonnement au mercure et l'exposition à la violence, entre autres. Les défenseurs de l'environnement sont parfois spécifiquement visés par les trafiquants et les groupes armés’’, renseignent les rédacteurs.
Ils constatent ‘’que la guerre en Ukraine a déplacé les itinéraires traditionnels de la cocaïne et de l'héroïne’’. Ils sont d’avis que ‘’le conflit pourrait déclencher une expansion de la fabrication et du trafic de drogues synthétiques, étant donné le savoir-faire existant et les vastes marchés de drogues synthétiques qui se développent dans la région’’.
Ailleurs au Sahel, poursuit-on dans le document, le commerce illicite de drogues finance des groupes armés et insurrectionnels non étatiques, tandis qu'en Haïti, les trafiquants de drogue profitent de la porosité des frontières pour renforcer leurs activités, alimentant ainsi les crises qui se multiplient dans le pays.
Priorité à la santé publique dans la réglementation de l'usage médical des drogues contrôlées
Toutefois, tout n’est pas noir sur ce tableau. En effet, l’ONUDC souligne que les nouvelles recherches sur l'utilisation de drogues contrôlées sont prometteuses. Il s’agit notamment des psychédéliques pour traiter les troubles mentaux et les troubles liés à l'utilisation de substances.
Toutefois, le rapport met en garde contre le fait que le rythme rapide des développements pourrait compromettre les efforts visant à adopter des politiques qui placent les préoccupations de santé publique au-dessus des intérêts commerciaux.
‘’En l'absence de cadres bien conçus et ayant fait l'objet de recherches adéquates, l'accès aux traitements pourrait être insuffisant pour ceux qui en ont besoin, ce qui pourrait inciter les patients à se tourner vers les marchés illégaux ou, à l'inverse, les psychédéliques pourraient être détournés à des fins non médicales’’, prévient le document.
42 t de cocaïne saisies en Afrique de l'Ouest, entre 2019 et 2021
Entre 2019 et 2021, selon la Plateforme de surveillance des drogues de l'ONUDC, au moins 42 t de cocaïne ont été saisies en Afrique de l'Ouest ou en route vers cette région, principalement au Cap-Vert (11 t), en Gambie (3 t), en Guinée-Bissau (2,7 t), au Sénégal (2,7 t), en Côte d'Ivoire (1,9 t) et au Bénin (1,3 t).