Après le beau temps du triomphe Pastef
Pastef et ses alliés ont pris le pouvoir sur fond de dénonciations et de promesses de justice sociale et de progrès économique. Il y a lieu, tout de même, de différencier les méthodes agressives de conquête du pouvoir des thèmes adéquats à partir desquels leur « projet » politique et idéologique s’est structuré. Autrement dit, l’engagement de « Sonko moy Diomaye » à lutter contre la corruption, à combattre les détournements des deniers publics et à créer massivement des emplois constitue le fer de lance de leur popularité. Néanmoins, les systèmes de légitimation de la violence dont ils se sont fréquemment parés les rattraperont pour les confondre fâcheusement lorsque l’exercice de la puissance publique s’imposera à eux pour le maintien de l’ordre et de la sécurité publique.
Tout changement, qui remet en question des positions et des pouvoirs, entraine des résistances. Dès lors, s’ensuivront beaucoup de soubresauts, de la part de groupements d’intérêts et d’autres chapelles, des actes de gouvernement de l’actuel régime. Pour le moment, et ce, jusqu’aux législatives, l’espoir suscité et l’impérieux commandement populaire à l’allégeance citoyenne obligeront les oppositions à leur plus petite expression. Tout de même, des plaintes et complaintes majeures viendront d’abord de l’intérieur, dans un élan de controverses nourries par des aspirations crypto personnelles non comblées.
« La démocratie, c'est le pouvoir pour les poux de manger les lions. » Dès lors, arrivera inéluctablement le moment où les atteintes graves ou les bravades contre l’autorité de la loi devront être gérés par la force publique, ne serait-ce qu’en dissuasion. Résistance à l’oppression, disait le Pastef pour justifier les appels à l’insurrection et à manifester qui se soldaient par des incendies, des pillages et des grabuges. Comme qui dirait, la fin justifiait les moyens. À présent, le plus grand danger qui guette les tenants du pouvoir sera la réclame de mémoire et de réciprocité.
Les méthodes radicales et le discours incendiaire leur seront opposés au moindre tiraillement avec des porteurs agités de doléances. Inversion des rôles, ceux qui représentaient aux yeux des « patriotes » des causes justifiées d’une désobéissance pourra, sous leur magistère, en être de même pour d’autres motifs ou pour les mêmes. La preuve par mille qu’aucun idéal ne peut justifier ou valoir que l’État et ceux qui l’incarnent se passent de maintenir l’ordre et la tranquillité publique, à tout prix.
Au sein de Pastef et consorts, il y a, par ailleurs, des thèmes qui ont mobilisé une grande partie des thuriféraires du « projet ». Les promesses de sortie du franc CFA, de la nationalisation inconsidérée de l’Économie, d’un plus grand détachement de l’État vis-à-vis des confréries, de « France dégage », etc. se heurteront, à coup sûr, aux épreuves de la réalité du pouvoir et des exigences sociologiques de tempérance. À cet effet, la désillusion des militants les plus radicaux entrainera des conflits internes susceptibles d’occasionner des scissions ou, pire encore, des clivages à l’interne qui, au fur et à mesure, se révèleront privatifs de vigueur et de force morale.
Le plus grand défi politique qui incombe à l’appareil politique de Pastef et à sa coalition sera, donc, de maintenir la flamme de l’adhésion populaire, bouclier contre les emmerdements civiques. Cette mission de propagande massive ne peut pas relever essentiellement de la communication institutionnelle. Et pour cause, le langage policé, mesuré et encadré des pouvoirs publics n’atteint pas les masses, en raison de la complexité des enjeux et du principe de précaution, éthique de responsabilité gouvernementale. Parce qu’elle est davantage fluide, débridée et élastique, la communication politique, à la différence de celle rigide et institutionnalisée, rencontre vite et mieux les dimensions affectives des populations.
Birame Waltako Ndiaye