Les attentes des populations vastes comme 40 ans de conflit armé
Articulées autour de la paix, les attentes des populations de la région de Ziguinchor sont immenses. Elles touchent divers domaines comme l’accès à l’état civil pour des milliers de personnes victimes de la crise en Casamance, la réinsertion des anciens combattants du MFDC, le désenclavement, la création d’unités de transformation et la réalisation d’activités génératrices de revenus ainsi que la formation des jeunes, entre autres.
Lors de son adresse à la population de la région de Ziguinchor à l’occasion de la cérémonie de levée des couleurs marquant le 64e anniversaire de l’accession de notre pays à la souveraineté internationale, le gouverneur Mor Talla Tine a évoqué les ‘’défis immenses’’ que la région doit faire face, dans le cadre de cette ‘’nouvelle ère’’ qui vient de s’ouvrir avec l’élection de Bassirou Diomaye Diakhar Faye à la tête du Sénégal. Ces défis axés autour du triptyque paix, désenclavement et développement, résument les nombreuses attentes des populations de la région méridionale du pays qui a souffert de près de 44 ans de conflit armé.
Pour le chef de l’exécutif régional, il s’agira - et le gouvernement s’y attèlera - promet-il, de ‘’parachever particulièrement le processus de paix qui a franchi des pas significatifs avec l’accord historique de dépôt des armes de Mongone par des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) de la branche dite de ‘Diakaye’ suivi par une cérémonie d’incinération des armes à Mamatoro, à quelques encablures de Ziguinchor.
Mise en place d’un plan spécifique de développement de la région
Selon Henri Ndecky, coordonnateur de l’ONG Dynamique de paix en Casamance, toutes les actions que le gouvernement du Premier ministre Ousmane Sonko compte mener dans la région de Ziguinchor seront vaines, si elles ne sont pas adossées à la question prioritaire de la sécurité ‘’collaborative’’ et de la recherche d’une paix définitive en Casamance.
‘’Il faut consolider les acquis et ouvrir les négociations avec les autres factions, notamment celles de Salif Sadio. L’État doit les écouter, s’ouvrir à elles. La République a un devoir de mémoire et de reconnaissance pour les milliers de vies perdues en Casamance’’, a soutenu le non moins président de la Coordination sous-régionale (Gambie, Guinée-Bissau, Sénégal) des organisations de la société civile pour la paix en Casamance et médiateur entre l’État et le camp de Diakaye.
Pour lui, le gouvernement doit mettre un accent tout particulier dans la réalisation d’infrastructures routières et socioéconomiques dans les zones libérées du département de Bignona. ‘’Il faut que le gouvernement montre aux autres qui sont encore réticents que ceux qui ont déposé les armes ont eu raison’’.
Henri Ndecky estime également qu’il faut une mesure spéciale relativement à la problématique de l’accès à l’état civil des populations victimes de la crise en Casamance. En résumé, l’acteur de la paix pense qu’au-delà des mesures spéciales, de la discrimination positive, l’État doit mettre en œuvre un plan spécifique de développement de la région en misant sur la modernisation de l’agriculture d’une manière générale.
Pour le gouverneur Mor Talla Tine, le renforcement de l’équipement agricole, la récupération des terres salées, la lutte contre toutes les formes de trafic, la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité constituent autant de défis qu’il urge de faire face.
Ibrahima Diédhiou, le coordonnateur de l’ONG Justice et développement, pense que le président Macky Sall a posé les jalons du désenclavement de la région et du développement économique à travers, entre autres, le projet en gestation de réalisation de l’agropole Sud qui ambitionne le recrutement de 14 000 emplois directs et 35 000 indirects, notamment pour les jeunes et les femmes. L’économiste rural estime que le nouveau gouvernement doit inscrire son action dans la continuité des actes déjà posés, en prenant en compte les zones défavorisées, les iles, en promouvant plus la bonne gouvernance et l’équité sociale. Pour Ndiaga Ba, rencontré à un coin de rue, la question du transport routier et maritime se pose encore avec acuité. En plus de son cout élevé, il estime que l’amélioration substantielle de l’accès aux soins de santé est une attente forte des populations ainsi que la réduction des prix des denrées de première nécessité, de l’électricité et du loyer.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)