120 milliards dans le vent
Des errements dans la gestion de la Banque régionale des marchés ont plongé l’institution bancaire dans une situation périlleuse.
Depuis le départ de son premier directeur général Alioune Camara, la Banque régionale des marchés (BRM) connaît une dégradation significative de sa situation financière et de sa réputation. Des actionnaires se plaignent que l’État prenne le contrôle de la banque sans bourse délier, à leur grand dam.
Première institution bancaire du marché de l'UEMOA spécialisée dans les activités de banque d’affaires et de marchés, après des années de succès marquées par l’ouverture de deux succursales à Niamey et à Abidjan, après celle de Dakar en 2007, la BRM va mal. L'acquisition par l’État (sous l’ancien régime, alors que Daouda Diallo était ministre des Finances) de 54 % de son capital, sonne comme une nationalisation de fait de la seule banque privée créée par des Sénégalais.
La BRM était pourtant parvenue à se positionner dans le marché bancaire de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), influençant la politique monétaire et le développement du marché interbancaire régional ainsi que celui des titres.
Qu’a-t-il pu bien se passer pour que l’établissement financier ne puisse plus payer des chèques, même de petits montants, malgré la présence de l’État ?
Tout est parti de la nécessité, pour la BRM, de procéder à une augmentation de capital sans précédent de 120 milliards F CFA, après avoir provisionné près de 80 milliards F CFA dans des conditions douteuses pour couvrir son portefeuille de crédit à risque. De source bien informée, il semblerait que l’État ait bénéficié d’un crédit de la banque pour sa participation, ce qui constituerait une violation des règles de gouvernance et les droits des actionnaires historiques dont certains, interrogés, sont déterminés à se battre devant les tribunaux.
Officiellement, cette injection de capitaux visait à éviter une mise sous administration provisoire par la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO).
Cependant, l'État du Sénégal, sans engager ses propres ressources, a pris le contrôle majoritaire de l'institution bancaire.
Un plan de réorganisation a été mis en place avec la nomination d’Assane Soumaré, ancien directeur de la Caisse de sécurité sociale (CSS), à la présidence du Conseil d’administration, et Safietou Niang Sarr à la direction générale. Cette restructuration n’a cependant pas permis de redresser la situation financière de la BRM.
C’est le même État qui, selon nos sources, est en train de racheter le portefeuille de créances déclassées de la banque. Cette opération serait une fois encore financée par la BRM. Une autre source de conflit d’intérêts. Où sont les régulateurs du système bancaire ?
L’ancien directeur général, toujours actionnaire de la BRM, a refusé de commenter publiquement en raison de procédures judiciaires en cours, mais promet de s’exprimer en temps voulu pour clarifier les responsabilités dans la dégradation de la situation de la banque.
Mais diverses sources confirment nos informations qui peuvent révéler des ramifications insoupçonnées avec des intérêts liés à la Banque de Dakar (BDK).
Affaire à suivre...
AMADOU FALL