Publié le 10 Feb 2025 - 19:56
MALI - SÉNÉGAL

La reconstruction relationnelle se poursuit

 

Depuis la troisième alternance politique ayant consacré l'arrivée au pouvoir de Pastef, le Sénégal s'est particulièrement montré agressif sur le plan diplomatique, surtout en Afrique. Et si l'on trie davantage, Dakar a fait la part belle à Bamako. Les questions sécuritaires et économiques rendent, à elles seules, compréhensible cette préservation des relations entre les deux États à tout prix. Ainsi, après le président Diomaye, en mai et le Premier Sonko en août 2024, c'est le ministre des Forces armées de fouler le tarmac de l'aéroport de Bamako, le 6 février. Il faut agir avec célérité pour, d'abord, contenir les groupes armés et espérer les éradiquer, préalable à toute collaboration économique.

 

Quatre cent dix-neuf kilomètres ! C'est la longueur de cette ligne mettant en évidence la frontière entre le Sénégal et le Mali. Dans un contexte ouest-africain particulièrement tendu et instable depuis quelques années, marqué par des coups d'État sporadiques d'une part et le terrorisme d'autre part, ces deux pays frontaliers gagneraient à renforcer leur collaboration militaire. Au plan économique, cette dépendance mutuelle entre Dakar et Bamako n'est plus à démontrer.

Le ministre des Forces armées, Birame Diop, et son homologue malien, le général de corps d’armée Sadio Camara, ont réaffirmé l’engagement du Sénégal et du Mali à renforcer leur partenariat en matière de défense et de sécurité. Lors d’une rencontre à Bamako, le 6 février 2025, en présence des chefs d’États-majors généraux des armées des deux pays, ils ont mis l’accent sur la sécurité transfrontalière, les patrouilles conjointes et la formation militaire, dans la continuité de l’accord technique signé en 2021.

Face aux menaces terroristes et criminelles, ils ont plaidé pour une mutualisation accrue des efforts. Le chef de la ‘’Grande muette’’ sénégalaise n'y va pas par quatre chemins : selon Birame Diop, il est vital de collaborer pour plus d'efficacité face aux menaces multiformes. “La lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent dans laquelle vous êtes activement engagés, la criminalité transfrontalière, les trafics illicites et les réseaux criminels qui constituent autant de menaces nécessitent la mutualisation des efforts”, a-t-il lancé à ses hôtes.

À l'instar de son homologue sénégalais, le ministre malien a tenu le même discours sur la nécessité de converger les différents moyens. “Nous devons affronter les défis ensemble et la lutte contre le terrorisme figure au premier rang. Elle se gagnera dans la coopération, la coordination et dans les échanges ponctuels de nos forces armées”, a affirmé Sadio Camara.

Même si le Sénégal a dû se ranger derrière une sanction de la CEDEAO pour rappeler à l'époque les putschistes à la raison, l’ex-président avait tout de même fini par laisser un accès au Port autonome de Dakar. C'était loin d'être seulement un acte fraternel ; c'était avant tout une question de survie économique.

Selon des chiffres publiés en 2023, le Mali demeure le premier client du Sénégal avec près de 23 % du total des exportations sénégalaises (1,1 milliard d’euros). À titre comparatif, la Suisse (12,1 %) et l’Inde (10,2 %) sont respectivement 2e et 3e. La France se positionne au 14e rang des clients du Sénégal.

En ce qui concerne la nature des biens exportés, les produits pétroliers arrivent en tête, représentant 21 % de la valeur totale, une dynamique qui devrait nettement s’accroître avec le début de la production de pétrole et de gaz. S’ensuivent l’or (16,4 %) et l’acide phosphorique (8,2 %), un trio qui porte les exportations sénégalaises depuis plusieurs années.

Il faut aussi souligner que l'administration Assimi Goita, avec la bénédiction du peuple malien, avait pu dégoter des solutions palliatives, contournant ainsi les restrictions de la CEDEAO. Le rabattement vers le port de Conakry, malgré les kilomètres supplémentaires que cela implique, avait permis au Mali d’éviter l’asphyxie économique.

Aussi, au-delà du volet sécuritaire si important, c'est le marché économique que constitue Bamako que les nouveaux patrons de Dakar ont en ligne de mire. Ce remariage économique ne devrait pas être compliqué, dans la mesure où le gouvernement malien a désormais des interlocuteurs qui utilisent le langage du souverainisme.

Tout compte fait, des relations au beau fixe militairement et économiquement arrangent tout le monde. Car faire face seul au fléau du terrorisme demeure suicidaire et ne serait-ce qu'un port autonome de Dakar en plein régime, le Mali mérite ce traitement de faveur des voyages répétitifs vers Bamako. Inversement, ce sont des économies non négligeables pour les caisses de l'État malien.

 

Les inquiétudes de Robert Bourgi

Il faut dire que cette visite du ministre des Forces armées au Mali coïncide avec la publication de l'ouvrage de Mamadou Mouth Bane ‘’Insécurité au Sahel : sortir de la crise’’. À cette cérémonie de dédicace, a pris part Robert Bourgi. L'avocat et conseiller politique a donné, à l’occasion, une opinion plus globale sur la situation en général au Sahel et sur le continent. “L'Afrique est en danger. Les armées traditionnelles doivent être remodelées. Elles ne sont pas formées pour faire face au terrorisme qui bénéficie de financements de plus en plus occultes et d'armes sophistiquées, destructrices. Le danger est à la porte de chaque État de l’AES ou de la CEDEAO. Tout le monde est concerné”.

Il poursuit : “Dernièrement, au Mali et au Burkina, nous avons démontré à quel point nous étions encore une fois vulnérables. Partout en Afrique, nous devons faire face au danger, sans pour autant compter sur l'aide des puissances occidentales qui, dans le fond, n'ont que des intérêts. Sans oublier que deux autres pays, à savoir la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo, risquent d'imploser. Une énième menace qui va sans doute secouer la région.”

 

MAMADOU DIOP

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