Brelotte Ba nommé directeur général, le bilan de Sékou Dramé magnifié

Le Conseil d’administration du groupe Sonatel a officialisé, ce mercredi, la nomination de Brelotte Ba comme nouveau directeur général. Il prendra ses fonctions le 1er août, en remplacement de Sékou Dramé, en poste depuis 2018. Si le parcours du nouveau patron inspire le respect, sa désignation ravive les inquiétudes sur l’influence d’Orange France.
Après six années passées à la tête du géant des télécoms sénégalais, Sékou Dramé cédera son fauteuil à Brelotte Ba. Un changement qui, en surface, semble relever d’une transition classique. Mais en coulisses, cette désignation suscite des remous, notamment du côté des syndicats qui y voient une mainmise croissante du partenaire français sur la gouvernance de Sonatel.
Brelotte Ba n’est pas un nouveau venu dans l’univers Orange. Ingénieur diplômé de Polytechnique Paris et des Ponts et Chaussées, il connaît parfaitement la maison, pour y avoir gravi tous les échelons depuis 2003. Contrôleur de gestion, directeur marketing, puis patron d’Orange dans plusieurs pays (Guinée-Bissau, Niger, Guinée, Mali), il occupait, depuis 2022, le poste stratégique de directeur général adjoint d’Orange Moyen-Orient Afrique.
Autrement dit, le nouveau DG connaît les codes, les hommes et les défis du groupe, dans un secteur en pleine mutation avec la montée de la data, de la fintech et de la régulation.
Un bilan salué pour Sékou Dramé
Son prédécesseur, Sékou Dramé, aura marqué son passage à la tête de Sonatel. Son mandat a coïncidé avec des périodes particulièrement tendues : pandémie de Covid-19, révolution numérique, essor de nouveaux concurrents comme Wave et pression fiscale accrue.
Malgré tout, le groupe a affiché des résultats solides, conservant sa place de leader au Sénégal tout en renforçant sa présence régionale.
En 2024, la Sonatel a enregistré un chiffre d'affaires consolidé de 1 776,4 milliards F CFA, en hausse de 9,6 % par rapport à 2023. L'Ebitdaal (Ebitda après loyers) s'élève à 839,2 milliards F CFA, représentant 47,2 % du chiffre d'affaires et le résultat net a atteint 393,7 milliards F CFA, avec une augmentation de 18,7 %.
Ces chiffres témoignent de la solidité du groupe et de sa capacité à innover dans un environnement concurrentiel. Plus de 300 milliards F CFA d’investissement permettent au groupe Sonatel de répondre aux besoins des clients et de maintenir la croissance.
En 2024, le groupe Sonatel a poursuivi son engagement en faveur de l’amélioration de la connectivité et de l’expérience client. La base de clients mobile a progressé de 2,7 %, atteignant 41 millions d’abonnés ; 22,8 millions de ces clients utilisent la Data Mobile, dont 17,9 millions bénéficient du très haut débit via la 4G, en hausse de 24,4 %. Cette croissance est portée par des réseaux performants, des offres tarifaires adaptées et un écosystème numérique riche en contenus, notamment grâce à la plateforme Wido, qui valorise les contenus audiovisuels africains et les événements sportifs et culturels en pay per view. Tout cela grâce à la vision stratégique de Sékou Dramé.
C’est pourquoi le Conseil d’administration a rendu un hommage appuyé à Sékou Dramé, saluant ‘’son engagement, son professionnalisme et sa contribution à la modernisation du groupe’’.
La fronde syndicale
Derrière les félicitations officielles, la nomination de Brelotte Ba ne passe pas auprès de l’Intersyndicale des travailleurs de la Sonatel. Dans une lettre ouverte adressée au président de la République, son secrétaire général, Mouhamadou Lamine Badji, dénonçait une tentative d’imposition d’un candidat par Orange France, partenaire historique et actionnaire majoritaire. ‘’Le profil proposé est formaté pour défendre les intérêts d’Orange France et non ceux du Sénégal’’, accusait le syndicat.
Il y voit une volonté de confisquer la souveraineté de la Sonatel, pilier stratégique de l’économie numérique nationale.
Pour l’Intersyndicale, ‘’accepter ce changement sans débat, c’est signer un renoncement grave à défendre les intérêts nationaux’’.
Une question de souveraineté
Derrière cette crispation se joue une véritable bataille d’influence entre État du Sénégal et Orange France, actionnaire à 42 % du groupe. Le contrôle de Sonatel, longtemps considéré comme un fleuron national, reste un enjeu de souveraineté économique et technologique, dans un contexte de dépendance croissante aux infrastructures numériques.
Brelotte Ba arrive donc dans un climat tendu, avec une triple équation à résoudre : maintenir le cap économique dans un marché en pleine recomposition ; répondre aux défis technologiques (intelligence artificielle, cybersécurité, inclusion numérique) et surtout, rétablir le dialogue avec les partenaires sociaux, dont la confiance s’est érodée.
AMADOU FALL