Publié le 24 Oct 2012 - 10:10
LOGEMENT, NOURRITURE, EAU

Le calvaire des «téfankés» à Dakar

 

 

La vente de moutons est une activité difficile pour ceux qui quittent les régions pour Dakar où ils sont confrontés à d'énormes problèmes.

 

 

A l'approche de la fête de Tabaski, tous les vendeurs de moutons convergent vers Dakar. Ils quittent leurs localités pour la capitale sénégalaise où ils espèrent écouler leurs marchandises. Mais une fois à Dakar, ces commerçants sont confrontés à de grosses difficultés. Ils dorment à la belle étoile pour surveiller leurs bêtes et ont des difficultés pour se nourrir.

Nous sommes au Canal 4 de la Gueule-Tapée. Une centaine de sacs de foins attirent l’œil des visiteurs. Le «ripaas» (aliment de bétail) mêlé aux déchets des moutons couvrent la surface. Les urines des bêtes dégagent une mauvaise odeur. A côté, devisent des vendeurs venus de Ndindi, région de Diourbel. Mbaye Diouf est de ce groupe qui attend désespérément les clients. Lèvres sèches, yeux rouges, ce quinquagénaire se repose main sur la joue. La fatigue le domine. Il vient de passer cinq jours à Dakar, avec des nuits à la belle étoile, couché sur ses sacs de foin. Et comme nourriture, il dit se contenter de biscuits, faute d'argent suffisant. «Depuis que je suis arrivé à Dakar, c'est ce que je mange matin, midi et soir. Le plat de riz à 500 francs Cfa est cher pour moi d'autant que je n'ai pas encore vendu un seul mouton.» Il a des parents à Dakar mais ils sont trop loin. «Je ne veux pas les déranger, alors je reste avec mes collègues», confie Mbaye Diouf.

 

«Si je savais, je n'aurais pas quitté mon village»

Tout près de lui, Aliou Diouf, un jeune homme de 35 ans, dit souffrir le martyre. Cure-dents entre les lèvres, il regrette d'être venu à Dakar cette année, une première pour lui. «La vie que nous menons est très difficile, dit-il. Depuis notre arrivée, nous n'avons pas où loger. J'ai mal partout parce que je dors mal. Et quand on se lève le matin, on prend un petit morceau de pain sec et du café et on attend le repas de midi. Je ne mange pas à ma faim. Si je savais, j'allais rester au village», lâche-t-il, amer. Pour Aliou, même s'il gagne moins au village, cela vaut mieux que la vie qu'il traverse. ''Même pour se laver, on a des problèmes pour trouver l'eau. Hier je suis allé chez les riverains pour demander de l'eau et ils m'ont dit de payer 100 francs. Ce n'est pas normal. Je ne peux pas rester dans cet état jusqu'à la fin de mon séjour», se lamente-t-il sans fin.

 

Repas préféré : l'arachide

A Colobane, c'est le même décor. Les sacs de voyage et de petites nattes sont visibles sur les lieux. Les uns surveillent les moutons, les autres leur donnent à manger. Ici, tout le monde travaille. Comme le vieux Dah Sy, un ressortissant de Gamadji Sarel (région de Podor). Ce sexagénaire a fait une semaine dans la capitale sénégalaise. Mais il n'a jamais eu le temps d'aller manger dans les gargotes de peur qu'on lui vole ses moutons. Son repas spécial préféré est l'arachide. Il s'en approvisionne du matin à la nuit tombée. ''Cela fait trois ans que je viens à Dakar pour vendre mes moutons. C'est juste une façon de gagner plus d'argent, souligne Dah. Et quand je suis là, je me nourris d'arachide.» Puis il fait une précision. «Ce n'est pas que je manque de moyens, mais je n'ai pas le temps d'aller manger. Il faut que je surveille mes bêtes. Notre plus grand problème, c'est l'eau. Même pour remplir un litre d'eau, les riverains nous demandent de payer. Ce n'est pas bien du tout.»

Autre aventurier des moutons, Assane Bâ qui défend ses collègues et lui-même. «Il est vrai que beaucoup de vendeurs n'ont pas de parents à Dakar. Il se trouve que le loyer est trop cher. Pour une seule chambre, on nous demande de payer 80 000 francs. On préfère donner cet argent à nos parents que de le gaspiller pour le loyer. Dans le ''daral'' on est en sécurité parce qu'on vit entre collègues.»

Pour tous, l'objectif est de rentrer au village les poches pleines. «Il y a des risques de tomber malade quand on se nourrit uniquement d'arachide, reconnaît Assane. Mais on ne peut dépenser tous jours 500 francs par repas, sinon on risque de rentrer avec 5 francs alors que la nourriture et la vie de luxe importent peu à nos yeux.»

 

VIVIANE DIATTA

 

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