Publié le 12 Dec 2020 - 20:35
5e CONGRES DES CARDIOLOGUES

La Covid-19, cette maladie thrombogène mortelle

 

Membre du bureau de la Société sénégalaise de cardiologie, Docteur Massamba Thiam a communiqué, hier, les cas graves de Covid-19, les difficultés de diagnostic au début de la pandémie et les nombreuses pertes en vies humaines. Il s’est aussi prononcé sur les causes de mort subite chez les jeunes.

 

Le 5e Congrès de cardiologie sénégalaise s’est tenu, hier. Le thème concerne essentiellement un sujet d'actualité : les maladies coronaires. Elles sont responsables des crises cardiaques, comme les autres maladies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité dans le monde, même dans les pays sous-développés.  Conformément au thème, le Sarscov 2, virus à l'origine du nouveau coronavirus, a fait l’objet de discussions. ‘’On sait que ce virus peut être responsable de maladies thromboemboliques. Ça veut dire que ça entraîne des caillots dans les vaisseaux, que ce soient les artères et les veines. Surtout dans cette épidémie où des affections au niveau des veines ont été décrites. Ceci donne des embolies pulmonaires qui sont mortelles’’.

Au début de l'épidémie, les spécialistes ne comprenaient pas et pensaient que c'était une maladie infectieuse tout simplement. ‘’Malheureusement, dans des milieux de réanimation, il y avait un malade sur deux qui mourrait, voire 100 % comme en Europe. Parce qu'on n’avait pas le bon diagnostic. Il y avait des caillots de sang dans les artères et les gens mourraient de ça. Et non du virus. Effectivement, c'est une maladie thrombogène. Mais la tuberculose est aussi thrombogène comme d'autres maladies’’.

Autre point du congrès : la prise en charge des maladies du cœur au Sénégal, où on note de nettes améliorations. ‘’Avant, il était impossible de les prendre en charge. Il y a, en général, deux volets : le traitement médical dans de rares cas et le traitement chirurgical ou interventionnel. Jusque dans les années 2000, au Sénégal, ce n'était pas possible de faire ni un traitement chirurgical ni un traitement interventionnel. Mais depuis les dix dernières années, des centres de cardiologie se sont développés. D'abord dans le privé, puis dans le public où on peut opérer certaines maladies cardiaques sans ouvrir ce qu'on peut appeler la cardiologie interventionnelle’’, explique le Dr Thiam.

Parallèlement, au centre hospitalier de Fann, s'est développée la chirurgie cardiaque. ‘’C'est vrai que la demande est forte, mais il y a quand même une activité de chirurgie cardiaque. Donc, au Sénégal, on peut prendre en charge presque 90 % des maladies cardiovasculaires, avec éventuellement un peu de retard, parce que la demande est forte par rapport au nombre de médecins disponibles. Ça, il faut le reconnaître’’.

Arrêt cardiaque chez les jeunes

‘’On ne meurt pas d'arrêt cardiaque comme ça. Quelqu'un qui fait un arrêt cardiaque, est un malade qui s'ignore. Et le malade qui s'ignore, c'est vrai que c'est décevant, même nous médecins, on n'en veut pas. Des patients âgés qui meurent, c'est attendu, mais un jeune qui meurt, c'est toujours médiatisé. Mais souvent, pour mourir chez les jeunes, il faut qu'il y ait des facteurs de risques cardiovasculaires’’, indique le docteur Massamba Thiam.

Parlant des facteurs de risques cardiovasculaires, il s’agit de l'hypertension artérielle, du diabète, de l'excès de cholestérol, l'excès de sucre et le tabagisme. Chez les jeunes surtout, c'est le tabagisme qui entraîne ces problèmes. ‘’Le fait même de fumer une cigarette peut vous créer une crise cardiaque. C'est quelque chose qu'il faut éviter. On peut naître avec des malformations congénitales sans le connaitre. Mais c'est rare, exceptionnel. On peut le voir chez les sportifs’’.

Tout ça pour dire que pour faire du sport, il faut un bilan cardiovasculaire minimum qui permet de détecter ces anomalies. Et de citer le cas de Foé (Marc Vivien). Il y a Thuram (Lilian) qui a arrêté le football, mais c'est après qu'on s'est rendu compte qu'il avait une anomalie cardiaque. Ce n'est pas lié à l'entraînement. Parce que l'entraînement entraîne des modifications du muscle cardiaque et on pense que c'est ça. Parfois, c'est génétique et congénital.

Former des infirmiers et ajuster le plateau médical

La formation des infirmiers est dédiée normalement au ministère de la Santé. Le problème du Sénégal est que la formation est malade partout. Il n'y a pas que les infirmiers. Il faut des formations de base solide. ‘’Ce qui crée le chômage est qu'on donne aux gens des diplômes, alors qu'ils ne sont pas aptes. Et l'entreprise ne peut pas prendre des gens inaptes. Donc, il y a une inadéquation entre l'entreprise et la formation. Je pense que le ministère de l'Enseignement supérieur, les ministères concernés doivent s'asseoir, faire un état général de la formation et donner des objectifs. Il y a même des infirmiers qui sont là, mais qui n'ont jamais vu le matériel que nous utilisons en tant que médecins. Ce n'est pas possible. Et ces infirmiers font partie de nos équipes’’, précise-t-il. Avant de recommander que l'hôpital soit déjà accessible. 

‘’Il faut ensuite informer et éduquer les populations. Beaucoup de gens s'ignorent. Ils n'ont jamais vu de cardiologie. Si vos parents sont hypertendus, diabétiques, à partir de 30 ans, il faut vous regarder. Parce que ça peut arriver, c'est héréditaire. Vous n'y pouvez rien. Il y a des gens qui sont champions du monde et qui sont hypertendus. Cela n'a rien à voir’’.

En termes de nouvelles technologies, il y a beaucoup d'innovations en médecine, avec de plus en plus de robotique. ‘’On met des stents, prothèses... Avant, on ne pouvait qu'opérer face à certaines maladies. Maintenant, avec la technologie, on arrive à ne plus opérer, en faisant des traitements endo-vasculaires (à l'intérieur du vaisseau) et qui donnent les mêmes résultats. Par exemple, avant, si on vous fait un pompage aorto-coronarien, on ouvre votre thorax complètement. Vous êtes hospitalisé pendant une semaine, malade pendant un mois, s'il donne de bons résultats. Mais maintenant, avec du ressort, en 24 heures, on fait la même intervention et vous rentrez chez vous’’, conclut-il.

VIVIANE DIATTA

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