Ousmane Sonko enfonce le gouvernement
Dans une nouvelle série de questions adressées au gouvernement, le député demande des explications sur un accord qui brade à tous points des ressources halieutiques du Sénégal.
Les accords de pêche renouvelés le 12 novembre dernier entre le Sénégal et l’Union Européenne (UE) suscitent encore beaucoup d’indignation. Pour s’acquitter de son devoir parlementaire de contrôle de l’action gouvernementale, Ousmane Sonko a transmis, hier, au président de l’assemblée nationale, une série de questions posées au gouvernement. Et en premier lieu figure une demande d’explications sur « les clauses léonines des Accords de pêche 2019-2024 entre le Sénégal et l’Union Européenne ».
Le député le dit en se fondant sur un constat simple. Rapportée au coût de tonnage de poisson prélevé par les navires de l’UE sur les cinq années, estime-t-il, la contrepartie financière apparaît dérisoire voire ridicule : « Si nous considérons les chiffres de façon brute, il suffit de diviser le montant de la redevance quinquennale payée par l’UE (15 253 750), les quantités de prélèvement autorisées (58 750 tonnes), pour avoir le prix moyen du bradage. Or ce même poisson est débarqué et vendu brut en Europe cent fois plus cher. A titre d’exemple, le prix du kilogramme de thon brut est en moyenne de 16 euro en Europe soit 10 500 francs CFA ».
En faisant l’opération induite par le président de PASTEF Les Patriotes, le résultat renseigne que le Kg de thon vendu à 10 500 francs CFA est acquis à 260 francs CFA. Nonobstant les frais de tenue du navire, c’est ce qui s’appelle une excellente belle affaire pour les bateaux de l’UE.
Mais pour Ousmane Sonko, rien n’explique pourquoi le gouvernement a accepté de signer un accord autant déficitaire pour la bourse du Sénégal. Car, la signature d’accords de pêche doit être basée sur des évaluations scientifiques récentes déterminant notamment le surplus qui correspond au potentiel halieutique que la flottille nationale n’est pas en mesure de pêcher. Et aucune évaluation n’a été disponible, depuis 2016, sur le niveau de disponibilité des ressources halieutiques du Sénégal. Dans de telles conditions, le parlementaire se demande « la base de calcul de la contrepartie financière » de ces accords de pêche entre le Sénégal et l’UE. L’interrogation est valable sur les données scientifiques à la base de « la décision de brader les merlus noirs qui sont déjà considérés en situation de surexploitation ».
Gel immatriculation des pirogues et attribution nouvelles licences de pêche
Cette pression sur la ressource avait amené les autorités à geler l’immatriculation des embarcations de pêche artisanale. L’arrêté n°066397 du 29 août 212 interdit la possibilité d’augmenter le nombre de pirogues artisanales. Comment, sur la même période, l’attribution de nouvelles licences industrielles peut se faire, interpelle le leader de PASTEF Les Patriotes. Et par la même occasion, il demande la publication de la liste des bateaux de pêche autorisés à pêcher dans les juridictions sénégalaises.
Les réserves sur l’accord de pêche ne se limitent pas aux quantités des prises et leurs coûts de cession. Elles prennent aussi en compte les pratiques de pêche et leurs incidences sur la ressource. Comme le fait remarquer Ousmane Sonko dans son raisonnement, les navires thoniers utilisent la sardinelle comme appât vivant au moment. Et au Sénégal, cette espèce constitue 70 % des débarquements de la pêche artisanale. Une réalité qui pourrait expliquer la rareté du poisson pour les pêcheurs artisanaux ? Au moment où l’émigration irrégulière reprend de plus belle dans les côtes sénégalaises, le parlementaire semble en être convaincu.
De même, les navires européens recourent à des méthodes consistant au raclage des fonds marins pour rejeter ensuite les prises indésirables en mer. Des pratiques dénoncées par l’opposant politique. Non sans interroger le gouvernement sur les dispositions mises en place pour les faire cesser.
Ousmane Sonko s’interroge également sur la surveillance des bateaux étrangers qui se fait, pour certains, avec le système ERS. Celui-ci consiste à la lecture d’un journal de bord électronique avec lequel sont saisies les captures à bord des navires. Et les informations sont transmises instantanément vers un système de réception à terre aux autorités sénégalaises. Mais cet autocontrôle permet-elle d’avoir de bonnes assurances sur la fiabilité des informations transmises ?
Ces réserves ont-t-elles même lieu d’être ? Si des cas de fraudes avérées sont punis de manière dérisoire ? Car l’article 4 du protocole d’accord, fait remarquer le député, précise que « si la quantité annuelle des captures de thon effectuées par les navires de pêche dépasse le tonnage de référence annuel fixé à 10 000 tonnes, le montant total de la redevance financière annuelle est augmenté de 45 euros (29 518 francs CFA) pour chaque tonne supplémentaire capturée ». Cette « amende », ajoute-t-il, « loin d’être dissuasive, inciterait plutôt les navires européens à dépasser allégrement les quotas autorisés, puisque la pénalité à subir est très largement inférieure aux gains qu’ils tirent de la cession de la tonne de thon. En effet, le dépassement quantitatif est bénéfique pour les navires qui n’auront à payer que 14,75 % du prix de la tonne. Le Sénégal n’encourage-t-il pas les navires européens à voler son poisson déjà bradé à un prix cadeau ? »
Une réponse à ces questions multiples aurait certainement été une meilleure optimisation de la chaîne de valeur et de la création d’emplois en développement une flotte thonière totalement sénégalaise. Un non-sens sur lequel est gouvernement a aussi été interpellé.
Phosphate de Matam…
Dans la même série de questions, Ousmane Sonko a interrogé le gouvernement sur l’encadrement des usines étrangères de fabrication de farine de poisson, les conditions d’exploitation des phosphates de Matam, les transactions spéculatives sur des droits pétroliers sénégalais, l'état des infrastructures et la problématique foncière en Casamance, et la situation du service public de la Poste.
Pour la précédente série de questions du député adressée au gouvernement, le leader de PASTEF Les Patriotes informe avoir reçu les réponses sur l’affaire Termes Sud, l’escroquerie sur des deniers publics et virements illégaux, la situation dans l’Enseignement supérieur et les cessions définitives ou provisoires d’immeubles bâtis de l’État.
Pour rendre compte à ses mandats sur une « gestion dramatique des affaires de la cité par Macky Sall et son régime », il donne rendez-vous pour un point de presse, dans les prochains jours.
Lamine Diouf