Macky Sall ne veut pas choisir entre le développement et la planète
Dans son plaidoyer contre l’arrêt annoncé des financements de projets sur les ressources fossiles, le président de la République semble s’investir dans une mission impossible.
Une nouvelle fois, une belle occasion a été saisie pour défendre une cause chère au président de la République Macky Sall. La Conférence des Nations Unies pour le climat (Cop 28) a servi de tribune au chef de l’État pour alerter sur l’urgence d’agir pour sauver la planète de changements irréversibles qui la guettent.
Malgré tout, Macky Sall s’estime lésé par la tournure que prend la lutte contre le changement climatique. Alors que le Sénégal s’apprête à exploiter ses énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon, etc.) pour faire décoller son économie, un plaidoyer est mené pour l’arrêt du financement de ces sources d’énergie polluantes.
C’est ainsi que le président sénégalais a souligné que ‘’nos pays ne doivent pas être condamnés à choisir entre le développement et la protection de l’environnement’’.
Dans ce passage de son discours, Macky Sall assure qu’en ce qui concerne ‘’la transition énergétique, le Sénégal reste préoccupé par les mesures unilatérales visant à interdire les financements à l’étranger de sources d’énergie fossile, y compris le gaz, pendant que les principaux pays pollueurs continuent de faire usage de sources plus polluantes comme le charbon. Conformément à la Déclaration de Nairobi issue du Sommet africain sur le climat, nous appelons à une transition énergétique juste et équitable’’.
Macky Sall : ‘’Nous appelons à une transition énergétique juste et équitable.’’
Dans cette démarche, le chef de l’État semble bien seul. Alors que les émissions mondiales augmentent et que le secrétaire général des Nations Unies a déclaré vendredi aux dirigeants mondiaux présents à la conférence sur le climat que l'arrêt de l'utilisation des combustibles fossiles était le seul moyen de sauver la planète, la Banque européenne d'investissement a déjà signé la Déclaration de Glasgow (Cop 26) pour s’engager à cesser de prêter à des projets liés aux combustibles fossiles. Les rejets de ces sources d'énergie sont considérés comme responsables de la majeure partie des émissions de gaz à effet de serre causées par l'homme.
Très proche de son homologue sénégalais qu’il vient d’aider à obtenir le titre d’ambassadeur du Comité de mise en œuvre du Pacte de Paris pour la planète et les peuples (4P), le président de la République française est loin de partager la position défendue par Macky Sall. Emmanuel Macron a déclaré samedi, en participant à la Cop 28 : ‘’Notre priorité, c’est que tous les pays du G7 tiennent leur engagement qui est de sortir (des énergies fossiles) au plus vite et donc qu’on tienne l’engagement de 2030 et que tous les pays du G20 fassent de même le plus vite possible et que, tous, nous coupions progressivement les financements au charbon et qu’on ait un marché financier qui corresponde à cet objectif’’.
En représentant de l’Occident, le locataire de l’Élysée explique que si ‘’on regarde la situation de la planète et nos émissions, ce que d’ailleurs nous disent les scientifiques, si je reprends les chiffres et la scansion des scientifiques, ils nous disent : si vous voulez tenir les accords de Paris, vous devez sortir du charbon en 2030, vous devez sortir du pétrole autour des années 2040-2045 et du gaz autour des années 2050. (…) Et donc nous avons à cet égard lancé cet appel : on a besoin d’un virage absolu sur le charbon’’.
Emmanuel Macron : couper progressivement les financements
Attendant l’extraction de ses premières ressources fossiles en 2024 et endetté à ce nom, le Sénégal a signé des accords avec plusieurs compagnies occidentales pour l’exploitation de son gaz et de son pétrole. Le président Macky Sall voit forcément d’un mauvais œil la menace d’un arrêt des financements pour l’exploitation des ressources fossiles dans le monde. D’autant plus que le continent africain n’est responsable que de 4 % des émissions qui menacent la planète et que l’on veuille empêcher les pays pauvres qui la composent de bénéficier de financements pour exploiter ces énergies fossiles.
D’ailleurs, le président sénégalais a fait une proposition plutôt surprenante pour un pays en développement habitué à recevoir des financements pour la lutte contre le changement climatique. Pour continuer à bénéficier des financements des banques occidentaux, Macky Sall a fait savoir que dans le cadre de son partenariat pour une transition énergétique juste (JETP), ‘’le Sénégal est disposé à examiner, avec le FMI, les pays partenaires et le Centre mondial pour l’adaptation, la possibilité de réorienter des ressources prévues pour le remboursement de la dette vers le financement de l’action climatique’’.
Virage vers d’autres sources d’énergie
Le virage vers d’autres sources d’énergie est en tout cas amorcé. Dans un rapport paru en septembre 2023, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que le déploiement mondial de technologies clés telles que les énergies renouvelables, les véhicules électriques et les pompes à chaleur est si rapide que la demande de charbon, de pétrole et de gaz naturel devrait atteindre son maximum d'ici à 2030. L’agence réaffirmait alors ‘’qu’aucun nouveau grand projet d'extraction de pétrole et de gaz, aucune nouvelle mine de charbon, ni même un agrandissement de mine ou de centrale à charbon ne sont nécessaires’’.
À la Cop 28, 118 pays ont pris l’engagement volontaire et non contraignant d’un triplement des énergies renouvelables d'ici 2030. À l'heure actuelle, les énergies renouvelables représentent 3 400 GW grâce à l'hydraulique (environ 37 %), le solaire et l’éolien. L’objectif est d’arriver à 11 000 GW d'ici à la fin de la décennie.
Toutefois, lorsque le président de la Cop 28, le sultan Al-Jaber, est monté à la tribune pour annoncer cet engagement, il manquait encore des pays dont l'impact sur le climat est majeur : la Russie, l'Arabie saoudite, la Chine et d'autres grands producteurs de pétrole et de gaz.
Lamine Diouf