Dakar veut construire une place financière de référence
2e place financière de l’UMOA avec des résultats nets chiffrés à plus de 383 milliards F CFA, sur les trois derniers exercices, 3e place de la zone CIMA avec un stock de placements de plus de 443 milliards F CFA en 2021, la place financière de Dakar regorge de potentiels, mais est confrontée à un certain nombre de défis pour être une place financière de référence.
‘’Quels sont les défis pour faire de Dakar une place financière de référence ?’’. Voilà une question au cœur des Assises de l’entreprise tenues hier, par le Conseil national du patronat (CNP). De l’avis du ministre des Finances et du Budget, il ne fait aucun doute : la place financière dakaroise a fait beaucoup d’efforts ces dernières années, mais d’importants défis restent à relever. Pour faire de Dakar une place financière de référence, Mamadou Moustapha Ba a insisté sur la nécessité, avant tout, de se doter d’une base d’investisseurs domestiques suffisamment large, susceptible de mobiliser l’épargne intérieure pour équilibrer la prise de participation des investisseurs étrangers et renforcer le caractère inclusif de la croissance économique.
Aussi, il a invité le monde de l’entreprise et tous les acteurs de l’économie à se pencher sur les conditions pour un environnement fiscal favorable dans un domaine particulièrement exposé à la concurrence internationale.
Dans la même veine, le ministre chargé des Finances a abordé la nécessité d’identifier les leviers d’action pour maitriser la perception du risque qui constitue un obstacle majeur à la viabilité des finances publiques et de la dette, ainsi que la transformation structurelle des économies. ‘’Le ralentissement engendré par les raisons sus-évoquées a amplifié l’un des plus grands obstacles au développement de l’Afrique, à savoir la prime de perception, c’est-à-dire la perception exagérée du risque qui renchérit les coûts de financement, malgré l’amélioration des fondamentaux macroéconomiques depuis quelques années’’, a justifié M. Ba.
Le dernier axe de réflexion qu’il a dans le panier est relatif au besoin ‘’d’adaptation de nos cadres réglementaires. À ce niveau, il me plaît de souligner les efforts énormes consentis pour mettre aux normes notre pays en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme’’, a-t-il déclaré, convaincu que relever ces défis permettrait ‘’de renforcer la place financière de Dakar à travers une plus grande confiance des investisseurs internationaux, une stabilité et une résilience financières au milieu de crises multiformes’’.
Les défis des banques et assurances
Sur les potentiels déjà existants de Dakar, le ministre des Finances a rappelé que le Sénégal occupe la deuxième place financière dans l’UMOA, après la Côte d’Ivoire, avec 18 656 milliards d’actifs représentant 33,7 % des actifs cumulés de la zone. ‘’Relativement à la rentabilité du secteur bancaire, il faut noter que la place du Sénégal, avec 383,8 milliards de résultats nets sur les trois derniers exercices, est la 2e place la plus rentable de la zone, après celle de la Côte d’Ivoire qui affiche un résultat bénéficiaire cumulé de 846,8 milliards’’, a relevé le ministre des Finances.
Il convient également, selon le ministre, de noter la 3e place qu’occupe l’assurance sénégalaise au niveau de la zone Cima.
En effet, selon l’exposé du ministre, l’assurance sénégalaise s’est inscrite dans une bonne dynamique de croissance depuis 2014, année durant laquelle elle a atteint le seuil symbolique de 100 milliards de chiffre d’affaires. ‘’Le stock de placements effectués par l’assurance sénégalaise dans l’économie s’est établi à 443 milliards F CFA en 2021, en progression de 1,8 % par rapport à l’année 2020’’, fait remarquer le ministre qui n’a pas manqué de magnifier ‘’la prépondérance des intérêts privés notés dans le secteur financier national et le niveau fort appréciable de rentabilité des unités établies au Sénégal’’. Ce qui justifie ‘’l’attractivité de la place de Dakar’’.
Dans l’optique de relever ces défis, le Sénégal a aussi la chance de pouvoir compter sur l’avènement prochain du first oil pour accélérer le processus de faire de Dakar une place financière incontournable, avec notamment la création de deux fonds dédiés respectivement aux générations futures et à la stabilisation des recettes.
Outre ces opportunités relatives à l’exploitation du gaz, la place financière devrait également profiter de certains programmes majeurs comme celui des 100 000 logements ; la mise en œuvre de la stratégie nationale d’inclusion financière. ‘’L’inclusion financière a fortement progressé au Sénégal, entre 2011 et 2021. Le taux d’inclusion financière, du côté de l’offre, est passé de 30,2 à 77,8 %, d’après les données de la BCEAO, grâce à la monnaie électronique, à la pénétration des smartphones et à la couverture du territoire national par les réseaux téléphoniques. Une meilleure inclusion financière permettra d’assurer une mobilisation plus forte de l’épargne nationale à côté des outils classiques de collecte des ressources telles que les impôts et taxes, afin de relever le financement de l’économie’’, s’est réjoui l’argentier de l’État.
Les grandes annonces du PM À l’occasion, hier, des Assises de l’entreprise organisées par le Conseil national du patronat, le Premier ministre a annoncé un Conseil présidentiel pour la validation de la stratégie nationale de développement du secteur privé, une réforme du Code général des impôts. Il a également réagi aux interpellations du secteur privé pour une baisse des impôts et l’élargissement de la loi sur le contenu local à tous les secteurs de l’économie. C’est une mesure qui a été favorablement accueillie par le monde de l’entreprise. À l’occasion, hier, de la cérémonie des Assises de l’entreprise, le Premier ministre a annoncé la révision prochaine du Code général des impôts. ‘’L’objectif, selon lui, sera d’améliorer la simplicité, d’accroitre l’efficacité, la transparence et l’équité. Ce sera une réforme de grande envergure qui va être lancée très prochainement. Nous allons, comme à l’accoutumée, échanger avec les acteurs. Et pourquoi pas étudier les modalités d’une baisse de certains impôts’’. Il réagissait ainsi à une interpellation du président du CNP qui a le sentiment que le plan ‘’Yaatal’’, au lieu de viser l’élargissement de l’assiette fiscale, frappe encore davantage sur les mêmes contributeurs. Revenant sur la réforme annoncée du code, M. Agne décline les attentes du patronat : ‘’Nous avons toujours dit que notre Code général des impôts, il faut davantage le simplifier, parce qu’il est trop chargé et complexe. Il faut aussi le rendre plus attractif. La pression fiscale est trop importante. Il faut partager cette charge fiscale. Qu’il n’y ait pas seulement peu d’entreprises qui contribuent pour tout le monde. Comme on dit : trop d’impôt tue l’impôt. Les gouvernants font certes face à des obligations liées à la mobilisation des ressources pour faire face aux besoins, mais l’option, au lieu d’avoir un impôt fort sur les sociétés, elle peut aussi être de réduire cet impôt pour arriver à élargir l’assiette.’’ L’ambition du Sénégal, selon Amadou Ba, c’est de faire émerger des champions en attirant et en développant, à partir de son territoire, des investissements directs étrangers qui, en partenariat avec le secteur privé local, positionneront le Sénégal dans les chaines de valeur mondiales et favoriseront l’éclosion d’un tissu dense de PME à travers des filières compétitives. Telle est, renseigne-t-il, l’ambition exprimée dans la stratégie nationale de développement du secteur privé adopté en Conseil des ministres à Thiès et qui fera l’objet, prochainement, d’un Conseil présidentiel. Parallèlement, le gouvernement envisage d’œuvrer à bâtir ‘’un centre de référence multiservice au niveau régional, pour attirer d’importants investissements directs étrangers et favoriser la création d’emplois hautement qualifiés, y compris dans le secteur financier’’. Par ailleurs, dans son allocution, le président du CNP a insisté sur la nécessité d’élargir la loi sur le contenu local à tous les secteurs de l’économie, mais aussi d’éponger la dette intérieure des entreprises. |
Mor AMAR