La culture et la communication reléguées au second plan ?
Les députés ont adopté, hier, les différents programmes du projet de budget 2022 du ministère de la Culture et de la Communication. Le budget s’élève à 61 666 792 F CFA en autorisations d’engagement (AE) et à 29 062 525 802 F CFA en crédits de paiement. Il est insuffisant, selon bon nombre de parlementaires.
Le budget 2022 du ministère de la Culture et de la Communication est arrêté à 61 666 792 F CFA en autorisations d’engagement (AE) et à 29 062 525 802 F CFA en crédits de paiement. Par programme, le budget est réparti comme suit : Promotion et valorisation des industries culturelles et créatives (12 714 296 586 F CFA en AE et 9 776 296 586 F CFA en CP) ; Développement et encadrement du secteur de la communication (40 719 120 528 en AE et 12 719 120 528 en CP) ; Promotion et valorisation du patrimoine culturel (6 935 384 892 F CFA en AE et 5 269 118 173 F CFA en CP ; et Pilotage, coordination et gestion administrative. Mais ce budget est jugé faible par beaucoup de députés.
Soulignant la place primordiale qu’occupe le secteur des arts et des lettres, Cheikh Tidiane Gadio a même fait une comparaison entre le budget de l’Education et celui de la Culture pour montrer cette déficience. ‘’Le ministère de la Culture est mal doté. Soixante milliards, c’est peu quand on sait ce que la culture représente dans ce pays. Mais si le format de l'éducation (367 milliards 885 millions 168 mille 13 F CFA) c’est d’abord la culture, il faut que le ministère de la Culture soit mieux doté. Il faut que notre éducation soit fondée sur la réappropriation de nos cultures’’, argue-t-il, estimant ainsi qu’il y a une certaine concordance entre les deux ministères. ‘’Moi, j’aurais fait du ministère de la Culture un ministère de souveraineté au même titre que la Défense nationale, au même titre que la Diplomatie. La culture nous a beaucoup apporté’’, soutient Cheikh Tidiane Gadio.
A cet effet, il plaide pour une plus grande considération et une protection des artistes sénégalais. ‘’Je pense qu’il est important d’être cohérent. On ne peut pas aimer les arts et la culture et ne pas aimer les hommes et femmes de la culture. Je pense qu’ils ne sont pas assez défendus. On attend toujours qu'ils nous quittent pour leur rendre hommage. Pourquoi ne pas le faire avant ? Je pense qu'ils méritent plus de respect et de considération. Il faut les protéger et les assister’’, conseille le député.
Ses collègues ont, en outre, plaidé un meilleur accompagnement du Grand théâtre national Doudou Ndiaye Coumba Rose, du Théâtre national Daniel Sorano et du Centre culturel régional de Dakar Blaise Senghor (CCRBS) dans l’accomplissement de leur mission. Ils veulent qu’ils soient bien équipés et animés. Les députés ont sollicité également un appui au profit du village artisanal de Soumbédioune, éprouvé par la pandémie de la Covid-19.
En outre, ils ont demandé le bilan du processus de restitution des objets d’art exposés dans les musées français. Ils n’ont pas manqué de solliciter la construction du mémorial du bateau ‘’Le Joola’’ pour honorer la mémoire des disparus et se sont aussi informés de l’état d’avancement du projet du mémorial de Gorée.
Et pour le député Jean-Baptiste Diop et ses collègues, ‘’il faut soutenir le centre Yennenga’’, un espace de formation, de création et de fabrication de films africains, initié par le réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis. D’ailleurs, les députés ont salué les initiatives du président de la République consistant à impulser le développement de la culture et de la communication, à travers notamment le Fonds de développement de l’Industrie cinématographique.
En outre, ils souhaitent une augmentation conséquente du budget du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica).
Par ailleurs, l’attention d’Abdoulaye Diop a été attirée sur le fait que la totalité du capital de constitution de la Société de télédiffusion sénégalaise (TDS) n’est pas encore mobilisée, sur le besoin de renouvellement périodique de ses équipements et sur la nécessité de l’augmentation de ses investissements ainsi que son budget, pour un meilleur accès des populations à l’information.
Dans la même veine, à propos du fonds d’aide pour la presse, les représentants du peuple ont suggéré qu’ils soient orientés vers des appels à projets d’investissement, afin qu'ils puissent impulser le développement des groupes de presse. Egalement, ils ont plaidé pour une plus grande démocratisation de l’accès à la publicité pour toutes les entreprises intervenant sur le territoire national. Les parlementaires ont rappelé l’importance d’honorer les figures emblématiques de notre culture, à l’image de Thierno Souleymane Baal, au regard de la révolution Torodo, au Fouta qui a établi les principes de la souveraineté de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance et le rejet de la succession dynastique.
Par ailleurs, les députés se sont félicités des consécrations notées dans le secteur de la culture, cette année, notamment le Goncourt qui est l’un des prix littéraires les plus prestigieux. D’ailleurs, Cheikh Tidiane Gadio estime que ‘’le Sénégal n’a pas assez bien célébré Mbougar Sarr’’. Les parlementaires se sont également félicités des distinctions obtenues par nos artistes au Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) où le Sénégal était l’invité d’honneur.
De son côté, le gouvernement, à travers son ministère des Finances et du Budget, a rassuré sur les dispositions prises dans le cadre du budget pour accompagner le ministère de la Culture et de la Communication dans ses missions. A titre de rappel, il a précisé que le budget est passé de 26 550 462 082 F CFA en 2021, à 29 062 525 802 F CFA pour l’exercice 2022, compte tenu des 4 milliards F CFA logés à la présidence de la République, dans le cadre de la construction et la réhabilitation des édifices culturels. Abdoulaye Daouda Diallo a annoncé que le budget du ministère de la Culture et de la Communication ne fait pas l’objet de modulation, suite à une instruction claire du chef de l’Etat, en tant que protecteur des lettres.
S’agissant du capital de la TDS, il soutient que ‘’le montant est de 1 000 000 000 F CFA, et c’est justement le quart qui a été libéré’’. Sur ce, au courant de la gestion 2022, il rassure que des dispositions appropriées seront prises pour régalement des 750 000 000 F CFA restants.
Face aux députés, le ministre de la Culture et de la Communication Abdoulaye Diop a apporté des réponses complémentaires, sans donner des détails pouvant justifier le fait que son ministère ne soit pas doté de budget conséquent. Relativement au projet de construction du mémorial du bateau ‘’Le Joola’’, il a indiqué que son budget est de 1 654 500 000 F CFA, pour l’année 2022. En cas de besoin, des ressources additionnelles pourront être accordées au projet.
En ce qui concerne la restitution des objets d’art spoliés par la colonisation, Abdoulaye Diop a soutenu qu’après la réception du sabre d’El Hadj Omar, les investigations culturelles se poursuivent. Pour piloter ce projet de restitution, son département a mis en place, par arrêté datant de juin 2019, une commission spéciale qui travaille sur cette question. Abdoulaye Diop a relevé que ‘’le président Macky Sall accorde une attention toute particulière au développement de la culture’’ et œuvre actuellement pour la réussite de la construction du mémorial Gorée-Almadies, qui sera un lieu de rendez-vous de toute la diaspora, des intellectuels et du monde de la culture.
A propos du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et audiovisuelle, le ministre de la Culture a indiqué que c’est un secteur qui fait, aujourd’hui, la fierté du pays, justifiant ainsi récemment l’instruction du président de la République de doubler le budget initialement alloué, qui passe ainsi d’un à deux milliards de F CFA.
BABACAR SY SEYE