Plongeon dans le village de Badiouré
Une campagne électorale, c'est aussi un moment privilégié pour aller à la découverte de contrées jusqu'ici inexplorées. C'est ainsi presque par extraordinaire que des femmes de Badiouré, à la fois affables et opiniâtres quand il s'agit de convaincre le client, ont profité d'un court moment d'escale pour exposer leurs doléances et en profiter pour écouler un peu de leurs marchandises.
La clôture de l'étape de Sédhiou, en cette période électorale, a permis l'ouverture de celle de Bignona et de Ziguinchor. Ainsi, après des kilomètres parcourus dans cette partie de la verte Casamance, un démembrement du convoi s'arrête dans le village de Badiouré de la commune de Tenghory, appartenant elle-même au département de Bignona. C'est ici qu'une rencontre des plus hasardeuses s'est opérée avec un groupe de femmes commerçantes.
Munies qui de miel, qui “touloucouna” (huile de myrte), qui d’oranges ou de mandarines, elles s'approchent brusquement du véhicule. On assiste presque à une bousculade pour mettre en avant son produit. “Oranges ou mandarines ou encore huile de cajou”, répètent-elles de façon assez concomitante et saccadée. Mais tout le monde reste de marbre face à cette première tentative de prise de contact.
Déterminées à se faire quelques sous, elles reviennent à la charge, mais changent surtout de discours pour laisser place à leurs doléances. ‘’Nous voulons juste un marché à Badiouré. On expose nos produits à même le sol. En période caniculaire, comme en ce moment, les arbres constituent notre dernier refuge. Pendant l'hivernage également, nous souffrons de cette situation de manque d'infrastructures pour effectuer dignement notre activité commerciale”, lance Fanta Badji.
Toujours ses agrumes à ses côtés, elle n'oublie pas de rappeler à l'édile de la commune de Tenghory une de ses prérogatives vis-à-vis de ses gouvernées si dévouées. “Le maire actuel est là depuis plus de deux années maintenant. Mais depuis lors, il n'a posé aucun acte allant dans le sens de satisfaire cette demande”.
L'autre doléance du groupe de femmes est l'érection d'une route permettant de rallier plus aisément leurs maisons enfouies au fin fond du village. “Nos habitations se trouvent à l'intérieur du village. Si nous avions une piste, cela nous aiderait à accéder plus facilement à notre lieu de travail”, fait savoir Gnima Sané, de teint clair et l'une des rares à être spécialisée dans le commerce d'un seul produit.
La jeune femme, la trentaine, ne vend que la fameuse huile de myrte (“touloucouna”). Qui dit Casamance, dit sans doute fort potentiel agricole. C'est ainsi que ces battantes ont émis le souhait de disposer d'une machine agricole pouvant améliorer leur système de production.
Cependant, tout ne pourrait être peint en noir dans le village de Badiouré. Même si tout paraît si rustique dans cette zone, on peut y rencontrer quelques installations d'utilité publique. “Nous avons même un lycée ainsi qu'un poste de santé”, s'exclame l'une d'elles, comme pour mettre l'accent sur ce vide qu'est l'absence d'un marché où elle pourrait écouler leurs produits. La pause étant arrivée à son terme, le convoi prend congé de ces braves dames qui, sachant convaincre le client, ne se sont jamais avouées vaincues pour écouler le maximum de marchandises.
Notre départ est synonyme de retour au calme, en attendant peut-être la prochaine voiture qui va s'arrêter dans le coin.
Mamadou DIOP