Alioune Ndoye détaille sa feuille de route des cinq prochaines années
Le ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la transmission écologique était, hier, devant le Haut conseil des collectivités territoriales qui a ouvert sa deuxième session. Alioune Ndoye a détaillé la feuille de route du ministère des cinq prochaines années, avec un accent mis sur les ressources naturelles et la gouvernance des territoires.
"Ressources naturelles et gouvernance des territoires" a été le thème de la 2e Session ordinaire du Haut conseil des collectivités territoriales. Un thème largement abordé, hier, par le ministre de l'Environnement, du Développement durable et de la Transmission écologique qui a insisté sur les défis majeurs à relever : améliorer la gouvernance du secteur, la réduction du phénomène de dégradation des ressources naturelles et d’érosion de la biodiversité, celle de la détérioration de la qualité du cadre de vie, relever le niveau de la résilience des écosystèmes et des populations aux effets néfastes du changement climatique, assurer une bonne transition écologique et asseoir les bases du développement durable.
Dans ce cadre, a-t-il indiqué, les priorités pour les cinq prochaines années sont déclinées dans la Lettre de politique du secteur de l’environnement, du développement durable et de la transition écologique 2022-2026. Des orientations stratégiques qui reposent sur les lignes d’action qui entendent inverser la tendance à la dégradation des ressources naturelles, améliorer la conservation de la biodiversité, la gestion des aires protégées et des zones humides, promouvoir un développement résilient faiblement émissif, dans un environnement sain, améliorer la gouvernance du secteur en donnant la priorité au développement axé sur les résultats.
"C’est là, globalement, un aperçu sur l’état de mise en œuvre de la politique environnementale et les perspectives sur les cinq prochaines années. Pour rester dans le cadre défini par cette session, je formule ces quelques recommandations en matière de veille environnementale, à savoir : assurer une disponibilité continue de l’information environnementale pour en anticiper les tendances évolutives et les implications socioéconomiques, afin de proposer des actions de résilience pour un développement durable au Sénégal ; faciliter la détection des phénomènes émergents qui influent sur l’état de l’environnement et des ressources naturelles, avec la mise en place d’un mécanisme structuré et dynamique d’échanges d’informations, de production et d’analyse de données ; appuyer et orienter les politiques et actions de développement en assurant la production et la diffusion d’informations environnementales pertinentes en lien avec les facteurs sociaux", a lancé le ministre aux conseillers.
D’autant que, souligne Alioune Ndoye, les menaces proviennent de tous les domaines et persistent surtout avec les perspectives de l’exploitation minière (notamment l’or et du zircon) ainsi que l’exploitation pétrolière et gazière. Étant donné que la dynamique de l’expansion du développement amorcée à travers le PSE a induit une bonne relance des activités économiques soutenues par l’agriculture, les infrastructures, l’industrie et l’énergie, secteurs très émissifs de carbone.
"C’est pourquoi l’option de s’inscrire dans la trajectoire du développement durable au moyen de la mise en adéquation des besoins socioéconomiques et la protection de la nature, a été prise. Les changements globaux attendus étant, entre autres, le renforcement de la sécurité environnementale et de la protection sociale. Dans ce cadre, la politique actuelle du secteur de l’environnement, du développement durable et de la transition écologique a défini de grandes orientations, avec comme finalité assurer une gestion rationnelle des ressources naturelles et du cadre de vie, dans une perspective d’émergence économique et sociale, à travers une trajectoire de développement durable’’, dit-il.
Les principaux défis à engager
Selon le ministre, les principaux défis à engager sont de trois ordres : défis persistants qui concernent la déforestation, la désertification, la dégradation des terres et d’autres habitats naturels, la perte de diversité biologique, la détérioration de la qualité du cadre de vie, les défis émergents ou ré-émergents relatifs à la fréquence et l’intensité des phénomènes naturels extrêmes (vents forts, houles, inondations, sécheresses), la criminalité environnementale transfrontalière (trafics d’espèces et produits de faune, de flore et d’autres produits dangereux), la propagation de maladies zoonotiques, les nouvelles formes de pollution, l’insécurité et les défis de la transition écologique dont les opportunités devront être saisies pour mettre en œuvre, approfondir et affiner les synergies entre secteurs d’une part, et, d’autre part, renforcer la veille environnementale et climatique.
Aujourd’hui, la mise en œuvre de la politique environnementale, poursuit Alioune Ndoye, a donné d’importants résultats. Les actions entreprises, notamment de 2016 à nos jours (période couverte par les deux dernières lettres de politique du secteur), se rapportent essentiellement à la protection et l’aménagement des forêts et la restauration des terres dégradées, la préservation de la biodiversité dans les parcs nationaux, réserves et aires marines protégées, l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets néfastes, la lutte contre les pollutions et nuisances.
Dans le domaine de la foresterie, renseigne la tutelle, il y a eu comme effets produits une augmentation de la prise de conscience effective des collectivités territoriales et des populations sur l’importance de l’aménagement forestier avec, à la clé, plusieurs demandes de mise en aménagement de formations communautaires ; l’amélioration de la gouvernance par une gestion participative et inclusive des formations forestières aménagées, sous la supervision des collectivités territoriales ; le renforcement des capacités des élus locaux, des populations et des producteurs locaux ; une meilleure maitrise de la ressource grâce à la production d’une base de données et la création d’un système d’information forestier, écologique et pastoral, ainsi qu’une cellule cartographie, évaluation des ressources et système d’information ; la domiciliation exclusive de l’exploitation de certains produits contingentés dans les forêts aménagées, la création d’emplois verts et la génération de revenus au profit des communautés, l’accroissement des recettes perçues par les collectivités territoriales, le renforcement de la participation du privé dans le cadre de la responsabilité sociétale d’entreprise.
500 comités de lutte actifs, équipés et accompagnés régulièrement
Au total, informe M. Ndoye, 93 formations forestières ont été aménagées pour une superficie de 1 490 655 ha, avec principalement comme objectif, la production de bois énergie. Neuf nouvelles forêts ont été classées en 2021, dont quatre à Kolda, deux à Matam, trois à Tambacounda. "En matière de restauration du couvert végétal, les activités de reboisement ont été intensifiées. Les unités de production de plants (pépinières en régie, villageoises, individuelles, communautaires, scolaires) se sont de plus en plus diversifiées, montrant ainsi l’engagement de la population pour la protection des forêts, le suivi et la gestion des feux de brousse, surtout par le moyen de la lutte préventive’’.
‘’À ce sujet, souligne Alioune Ndoye, il existe près de 500 comités de lutte actifs, équipés et accompagnés régulièrement à travers des sessions de formation et de sensibilisation. À cela s’ajoutent l’ouverture et l’entretien des pare-feux, ainsi que le traitement de forêts et des axes routiers par les feux précoces. Aussi, les actions de lutte contre le trafic de bois en Casamance ont porté beaucoup de fruits, du fait de la collaboration et du soutien de l’armée, des autres forces de défense et de sécurité, mais également à cause du renforcement des effectifs du service forestier. Concernant la valorisation de la faune sauvage, la collaboration entre le ministère, les collectivités territoriales, les privés, les ONG et divers opérateurs cynégétiques améliore la situation. Des partenariats sont scellés, notamment dans le cadre de l’amodiation et de la création de réserves et de parcs animaliers".
Dans le domaine de la conservation de la biodiversité, renseigne le ministre, le focus sera mis sur les aires marines protégées (AMP).
En abordant la lutte contre les pollutions, nuisances et les effets du changement climatique, il note que les actions à fort impact positif direct sur la société qui ont été entreprises concernent l’élargissement de l’éventail de la participation, notamment grâce à une ouverture plus large vers la société civile, le privé et les collectivités territoriales, le renforcement des activités de reforestation et de lutte contre les pollutions et nuisances, à travers le programme Xéyu Ndaw Ñi, la mobilisation dans le cadre de la finance climatique, de près de 35 millions de dollars américains au profit de projets dans différents secteurs, pour la mise en œuvre de la Contribution déterminée nationale (CDN), la poursuite des actions en matière de protection côtière par le biais de solutions fondées sur la nature, notamment à Saint-Louis, au delta du Saloum et en Basse-Casamance, l’élaboration du Plan national d’adaptation, la mise en œuvre du mécanisme d’adaptation au changement climatique au niveau local (LoCAL) pour canaliser le financement climatique vers les autorités locales, l’élaboration de la stratégie nationale de mobilisation de la finance climatique…
Érosion côtière
La côte sénégalaise, fait remarquer le ministre Alioune Ndoye, est une zone très sensible où les questions d’érosion côtière peuvent parfois atteindre une intensité préoccupante avec des reculs du trait de côte de l’ordre de 2 mètres/an par endroits.
Pour lutter contre ce phénomène, renseigne-t-il, les actions entreprises portent sur des solutions douces de protection qui ont abouti à la mise en place de deux épis maltais à Dionewar, le reboisement d'espèces forestières et de mangrove dans les 12 îles de la Basse-Casamance, la plantation de près d’un million de palétuviers dans le delta du Saloum. Le trait de côte est régulièrement suivi, dit-il.
"Parlant de la qualité de l’air en milieu urbain, Dakar est la seule ville d’Afrique subsaharienne à être équipée d’un réseau de surveillance, avec la création du Centre de gestion de la qualité de l’air (CGQA). Ce centre dispose de cinq stations de mesure de la pollution de type régional de fond à Yoff, de type trafic routier à la Médina et à la cathédrale, de type périurbain aux HLM et de type industriel à Bel-Air. Le CGQA dispose aussi d’une station mobile qu’on peut déployer à certains points stratégiques de la ville. En complément aux stations fixes de référence, 10 microcapteurs sont déployés au niveau des départements de Dakar (boulevard de la République, HLM, Médina, zone industrielle, Yoff), de Keur Massar et dans les communes de Thiaroye, Rufisque, Diamniadio et Bambilor.
Ce dispositif, couplé aux données des stations et à l’imagerie satellitaire, a permis d’améliorer l’estimation de l’indice de la qualité de l’air (IQA) en comblant les lacunes de données. Aujourd’hui, l’IQA, régulièrement calculé, est disponible", confie le ministre.
En outre, il fait cas de l’organisation de campagnes de suivi des rejets d’eaux usées industrielles et du milieu récepteur, de l’acquisition d’un laboratoire mobile d’analyse des eaux usées industrielles et des milieux récepteurs. À cela s’ajoutent l’agrément et le suivi des entreprises intervenant dans la collecte et/ou l’élimination des huiles usagées, la mise en œuvre de projets. Il s’agit de la dépollution de la baie de Hann, de la gestion de la santé environnementale et de la pollution dans les communes de Hann et Dalifort, de la gestion des risques chimiques, biologiques radiologiques et nucléaires.
Pour atteindre les objectifs fixés, souligne Alioune Ndoye, il a fallu s’appuyer sur différentes stratégies qui reposent essentiellement sur le renforcement de l’appui au développement durable, l’amélioration de la base de connaissances sur l’environnement et les ressources naturelles, l’information, la communication et l’éducation environnementales, la promotion de l’économie verte.
"Le renforcement de l’appui au développement local durable a entraîné des réformes en matière de décentralisation administrative et politique, dans le but d’encourager la participation des populations et d’impulser un développement local endogène", conclut-il.
CHEIKH THIAM