Publié le 13 Sep 2022 - 14:36
CONSEIL CONSTITUTIONNEL

La juge Awa Dièye installée dans ses nouvelles fonctions 

 

Alors que la plupart des Sénégalais n’avaient d’yeux que pour l’installation des députés de la 14e législature ce lundi, l’avocate Me Awa Dièye, nommée en remplacement de Papa Oumar Sakho, Président sortant du Conseil constitutionnel, a été installée comme septième membre de la Cour de juridiction.  

 

Ce n’était pas qu’à l’Assemblée nationale que des travailleurs au nom du peuple étaient installés hier. Sans faire autant de bruit qu’à l’hémicycle, le Conseil constitutionnel a officiellement accueilli son nouveau membre, Me Awa Dièye, en remplacement de Papa Oumar Sakho, Président sortant dont le mandat est arrivé à expiration le 11 août dernier. Lors d’une cérémonie solennelle présidée par le nouveau président de la plus haute autorité de juridiction du pays, Mamadou Badio Camara, l’avocate a prêté serment, en prononçant la formule consacrée : ’’Je jure de bien fidèlement remplir mes fonctions, de les exercer en toute impartialité et dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique et de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat.’’

Maitre Awa Dièye rejoint ainsi Seydou Nourou Tall, Mouhamadou Diawara, Abdoulaye Sylla, Aminata Ly Ndiaye, Youssouf Diaw Mbodj et Mamadou Badio Camara pour former les sept juges auxquels les Sénégalais auront recours en dernier lieu dans leurs litiges.

La polémique autour de décret présidentiel nommant l’avocate, alors membre de l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (Ofnac), n’aura pas empêché Me Dièye de rejoindre l’équipe chargée de la validation des candidatures à la présidence de la République. Moment bien choisi pour s’éviter un ‘’Bad buzz’’, alors que toutes les attentions sont portées sur l’installation de la 14e législature.

Une installation peut en cacher une autre

Le décret n°2022-1572 du 1er septembre 2022 nommant Me Awa Dièye membre du Conseil constitutionnel a été attaqué par certains spécialistes du droit, à l’image du Pr. Ngouda Mboup, sur l’interprétation de l’article 6 de la loi organique n°2016-23 du 14 juillet 2016 relative au Conseil constitutionnel, en matière d’incompatibilité. Celui-ci dispose : ‘’Les fonctions de membre du Conseil constitutionnel sont incompatibles avec la qualité de membre du gouvernement ou d’un cabinet ministériel, avec l’exercice d’un mandat électif, avec l’exercice des professions d’avocat, d’officier ministériel, d’auxiliaire de justice et toute activité professionnelle privée. L’exercice de toute autre activité publique doit être autorisé par le Conseil.’’

Pour le constitutionnaliste, ‘’Me Awa Dièye ne peut siéger au Conseil constitutionnel. Son mandat en cours à l’Ofnac le lui interdit. Pour être nommée juge au Conseil constitutionnel, elle doit, préalablement, démissionner de l’Ofnac…’’.

Un problème qui semble aujourd’hui réglé, puisque l’intéressée n’est plus membre  de l’Ofnac. Sa démission précède-t-elle sa nomination par décret ? Les règles ont-elles été suivies ?

Quoi qu’il en soit, le président du Conseil constitutionnel a accueilli à bras ouverts la nouvelle membre, en soulignant que cette nomination renforce ‘’non seulement la présence féminine au sein de notre institution, mais confirme également la mission de l’avocat en tant qu’acteur essentiel du service public de la justice’’. C’est en ce sens qu’il se dit convaincu que le ‘’parcours académique et professionnel sans tâche’’ du nouveau juge constitutionnel l’a ’’bien préparée à assumer’’ sa mission ’’dans un contexte national où les forces centrifuges de tous ordres semblent travailler au délitement des fondements mêmes de notre volonté de vie commune’’.

Mamadou Badio Camara : ‘’L’art du juge sera toujours un peu plus qu’un simple métier.’’

Revenant sur l’importance de la prestation de serment effectuée par Me Awa Dièye, Mamadou Badio Camara rappelle que ’’si la plupart des professions judiciaires, notamment celle de juge, sont assujetties, contrairement à d’autres fonctions, pourtant aussi éminentes, à ce rituel séculaire qui conserve, même sous sa forme laïque, une certaine sacralité dans notre conscience collective, c’est que l’art du juge sera toujours un peu plus qu’un simple métier’’. Il ajoute que ‘’si la nomination par le président de la République, à qui la Constitution réserve cette attribution, est une condition suffisante pour l’exercice de la plupart des fonctions civiles, pour le juge, elle est une condition préalable. C’est le serment qui fait du juriste un juge, quelle que soit par ailleurs sa compétence. Le juge n’est, en effet, admis à assumer sa mission qu’après la prestation d’un serment qui l’oblige et qui l’engage. Un serment à compter duquel ses opinions cessent d’être de simples points de vue doctrinaux pour devenir des décisions’’.

Face à l’éventualité d’une troisième candidature controversée du président de la République en 2024, les actes posés par le Conseil constitutionnel seront particulièrement épiés. Mais son président invite ses pairs à la préservation de la tradition de sérénité quasi stoïque qui est un aspect important de l’identité professionnelle du juge en général et du juge constitutionnel en particulier. Pour le président Mamadou Badio Camara, ’’la mission du juge constitutionnel, qui consiste à garantir le respect de la Constitution, à veiller à l’équilibre des pouvoirs et à sa dévolution démocratique, fait du Conseil constitutionnel une cible d’autant plus prisée que la discrétion et la réserve auxquelles sont astreints ses membres constituent une aubaine pour tous ceux qui, habités d’une volonté assumée de nuire ou simplement inaptes au jeu démocratique, commentent ses décisions à travers des analyses qui n’ont de juridique que la qualité dont se prévalent leurs auteurs’’.

Lamine Diouf

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