Il ne faut pas prendre de risques majeurs
Le constat est général, depuis quelque temps, la viande importée inonde le marché. Une grande partie de la banlieue dakaroise consomme cette viande. Les vendeurs de ce produit, venant de divers pays d'Europe, d'Asie y trouvent leur compte. À cause de la cherté de la viande locale beaucoup de ménages et de vendeuses de restaurants achètent cette viande à des prix bien moins onéreux, plus douce et plus facile à cuisiner, sans pour autant s'interroger sur les éventuelles conséquences.
À 10h, le marché qde Diamaguene Sicap Mbao est bondé de monde. Des étals de légumes, de poissons et de viandes rouges forment le décor dès l'entrée. Ici, les vendeurs de viande importée se frottent bien les mains. En effet, à cause de la cherté de la viande locale, beaucoup préfèrent se tourner vers le produit importé. Mouhamadou Lamine Cissé, 27 ans, évolue dans cette activité depuis six ans. Pour dire que ce n’est en fait pas tout à fait nouveau mais l’activité a pris des proportions inquiétantes ces derniers temps. Entouré de beaucoup de clientes qui n’arrivent pas à s’entendre sur leur ordre d’arrivée, le vendeur devant sa table, machette à la main, coupe la viande avec rapidité. Il ne se laisse pas distraire par le bruit autour ni les petites querelles. Il pèse sa marchandise sur la balance avant de la mettre dans le sachet qu'il remet après à l'acheteuse qui a bien voulu se soustraire aux disputes pour passer sa commande. Ce trop plein de monde s’explique par le prix appliqué ici.
Contrairement à la viande locale qui s’échange à 4000FCFA, le kilogramme de la viande importée coûte 3000 FCFA. Selon Mouhamadou Lamine Cissé, beaucoup de ménages et les vendeurs de restaurants préfèrent acheter chez lui. Ce sont ces clients les plus fidèles. La plupart du temps, cette viande vient de l’Inde, de la Hollande, de l’Arabie Saoudite et du Canada. "C'est une viande de qualité, c'est pourquoi les consommateurs viennent toujours l'acheter. Je mange cette viande chez moi parce-qu'on ne peut pas vendre quelque chose et de ne pas en vouloir", déclare-t-il.
Une de ses clientes, la quarantaine bien entamée, répondant au nom d’Awa Cissé, trouvée sur place, déclare: " J'achète la viande importée depuis presque trois ans, parce-que c'est moins chère, plus délicieuse et plus facile à cuisiner. La viande n'a aucun problème car je la consomme et je la vend depuis plusieurs années. Je n’ai jamais rencontré aucune difficulté". Elle poursuit que les exportateurs ne sont pas aussi cruels pour mettre sur le marché un produit qui peut nuire à autrui.
Depuis quelques décennies, la consommation mondiale de viande rouge est en forte hausse, particulièrement dans les pays en voie de développement. Or, de plus en plus d’études scientifiques indiquent que la consommation en grande quantité de viande rouge, particulièrement de viande transformée, est associée à un risque accru de plusieurs maladies chroniques, incluant les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains types de cancers, ainsi qu’à un risque accru de mortalité (voir cet article de revue récent). De plus, la consommation de viandes rouges est nuisible à l’environnement planétaire, rappelle dans un article, observatoireprevention.org.
Si certains jugent qu’il n’y a aucun risque à consommer la viande importée, d'autres la juge nuisible à la santé. "Je ne mange pas la viande importée parce-qu’avant tout, je suis musulmane et je ne sais pas si en tuant l’animal toutes les conditions requises par la religion ont été respectées. Je trouve aussi que manger cette viande, c'est mettre sa santé en péril. Car on ne sait pas d’où çà vient, quel genre de viande", c'est l'avis de Aby Sow, une mère de famille, rencontrée aux alentours du marché Diamaguene Sicap Mbao.
"La viande importée pose un problème de sécurité "
Selon le diététicien, Dr. Kéba Tamba, la viande importée pose un problème de sécurité. Parce-que dit-il, personne ne peut certifier l'origine, la nature, le type d'animal tué pour fournir cette viande. "On ne peut que se fier à l'information donnée par l'exportateur. On n'ignore tout ce qui est conservateur et qu'on mélange avec cette viande pour qu’elle puisse rester fraîche. Elle doit être consommée avec beaucoup de modération. Les gens sont prêts à tout vendre pour avoir de l'argent. Si on peut l'éviter, c'est la meilleure des choses", conseille-t-il. D'après lui, la consommation de la viande importée pose énormément de problèmes par rapport à la santé. C'est pourquoi, dit-il, il faut privilégier la viande produite localement chez le vendeur qu'on connaît et qui nous certifie de ne pas acheter de la viande importée. Parce que beaucoup mettent de la viande importée sur leurs étals en faisant croire à la population que c'est de la viande locale.
Mais pour le secrétaire générale du syndicat des médecins vétérinaires du Sénégal notamment inspecteur sanitaire des produits alimentaires, Alioune Badara Kane Diouf, il n’y a pas à s’inquiéter. D’après lui, des contrôles sont effectués au niveau du Port et de l’aéroport par des inspecteurs attitrés avant la mise sur le marché du produit. Aussi, ajoute-t-il, avant même l'arrivée du produit, il faut que le service du commerce intérieur donne aussi sa déclaration d'importation des produits alimentaires (Dipa) et le certificat sanitaire. " Elle est contrôlée en amont par le pays d'origine et une fois au niveau national il y a également un droit de regard pour vérifier si la viande répond aux normes avant sa distribution sur le marché", rassure-t-il.
Ainsi, il déclare: ‘’pour qu'il y ait des conséquences, il faut qu'il y ait d'abord un problème de salubrité. On reconnaît qu’il peut avoir des risques de fraude c'est-à-dire des exportateurs peuvent mentionner sur le document que c'est une viande de bœuf alors qu'en réalité c'est une viande de buffle. Car ces deux viandes sont un peu similaires’’. En outre, indique-t-il, il peut arriver que le vendeur achète la viande et n’assure pas correctement la chaîne de conservation. Dans ce cas aussi, "il y a des services qui font des contrôles pour voir si le produit est bien conservé. ‘’Maintenant s'ils trouvent qu'il y a des gens qui ne respectent pas les normes, ils peuvent faire des saisies. Ils peuvent aussi trouver sur le marché des viandes non estampillées, c'est-à-dire des viandes non contrôlées, issues des abattages clandestins qui sont vendues au niveau national et sévir", informe-t-il.
FATIMA ZAHRA DIALLO (STAGIAIRE)