Publié le 18 Nov 2015 - 23:59
CONTRIBUTION

Y a-t-il un Kalachnikov sous la burqa ? 

 

Le discours du Président de la République Macky Sall, à l’occasion du panel, de haut niveau, organisé en marge du Forum international sur la Paix et la sécurité, aura le mérite certain de poser un débat sur certains comportements d’emprunt récents, visibles dans notre pays. Le chef de l’Etat a martelé son désaccord de façon nette et tranchée sur la question du port de voile intégral, non sans préciser que ce n’était pas seulement l’affaire de l’Etat.

Jusque-là, deux catégories de personnes ont pu réagir à ces propos. D’abord, des religieux intellectuels, souvent pour ou contre la position du Président. Chacun d’entre eux a pris parti avec force conviction, sur la base de connaissances théologiques avérées. Ensuite, quelques politiciens, au premier rang desquels figure un certain Mamadou Decroix Diop, ancien maoïste devenu libéral au gré de la première alternance politique au Sénégal, qui ne comprend rien à l’islam et qui tente en vain de se rattraper en se bousculant chez les chefs religieux lors des grands évènements (Gamou, Magal, inauguration de Mosquées, etc.).

« Lorsque l’on voit des formes nouvelles, par exemple le port de voile intégral dans notre société, alors que ça  ne correspond ni à notre culture, ni à nos traditions, encore moins à notre conception de l’islam, nous devons avoir le courage de combattre cette forme excessive d’imposer ses modèles aux autres », disait le  Président de la République. Autant nous étions outrés, lorsqu’en octobre 2010, la France adoptait sa fameuse loi interdisant le port du voile intégral dans l'espace public, autant aujourd’hui, nous sommes fiers de voir enfin ce débat prendre forme dans notre pays. Les raisons d’une telle interdiction ne sont pas les mêmes, les motivations philosophico-politiques sont différentes et les objectifs stratégiques sont totalement opposés selon que l’on se situe dans un pays ou dans un autre.

En Occident, par exemple, l’interdiction du port de voile intégral est le résultat abouti d’un combat contre la montée fulgurante des extrémismes, qui mènera plus tard aux attentats tous azimuts perpétrés par des « jihadistes » ressortissants européens. En réalité, toute la République doit agir vigoureusement lorsqu’elle se sent menacée jusque dans ses principes fondateurs. Gouverner c’est aussi savoir anticiper sur le cours des évènements.

Pourquoi se taire lorsque l’égalité ou l’équilibre femme/ homme est menacée par une violence faite aux femmes à travers l’imposition de masquer son identité? Pourquoi se taire lorsque  même la fraternité républicaine est menacée par la rupture du code frontal exigeant que le commerce citoyen se fasse à visage découvert et non « cagoulé » ? C’est-à-dire des moments de libre-échange interindividuels : on se regarde dans les yeux. Pourquoi se murer dans le silence, lorsque la liberté de plusieurs millions de femmes de ne pas porter de voile est menacée par des hommes dont l’unique dessein est d’imposer une idéologie ? Pourquoi, enfin, garder le silence lorsque la laïcité prônée par les gens du livre (« lakkumdiinakum walyadiin »), et qui sous-tende le « vivre-ensemble » dans la République, est gravement menacée par le diktat des lois d’une minorité sur la majorité? Voilà les quelques considérations qui ont poussé le Président Macky Sall à prendre la parole, mais sans vouloir lancer un débat.

En prononçant son discours avec autant de fermeté et de rigueur, le Président de la République avait la conscience de la sensibilité et de la délicatesse du sujet, mais aussi des conséquences politiques qu’il pouvait générer. L’invite du Chef de l’Etat, en filigrane, est de construire un consensus républicain très fort, de sorte à barrer la route aux possibles dérapages, évitant in fine, tout risque de stigmatisation de ces groupuscules mis en cause. Il est évident que dans la conception du Président Sall, il nous faut baliser la voie pour faire régresser ces pratiques culturelles obéissant à des logiques géostratégiques d’un système dont les ramifications dormantes dans bien des pays ont terminé leur processus d’ancrage.

Afin de faire régresser ces pratiques minoritaires, il urge de faire des choix pertinents et ciblés. C'est-à-dire qu’au-delà du « maslaa », appliquer rigoureusement les dispositions législatives et/ou réglementaires qui existent déjà dans notre arsenal juridique. Par exemple, les services publics dont le principe de neutralité et l’exigence d’identification pour quelque formalité administrative que ce puisse être, offrent des possibilités qu’il faut sans cesse rappeler et faire appliquer. Aussi, ne faudrait-il jamais tolérer un refus d’obtempérer face à un contrôle d’identification en lieux publics.

Cependant, si un terme n’était pas mis à cette forme de « déviance » pendant un certain temps, le cas non échéant, l’Etat du Sénégal serait fondé à aller vers l’adoption de disposition législative d’interdiction comme dans certains pays Européens. D’ailleurs, il faut entendre par la « formation des Imams » suggéré par le Président de la République, un impératif de développer un dialogue avec tous les représentants des foyers religieux, des associations d’imams, des oulémas, des prêcheurs et maîtres coraniques. Il est d’ailleurs recommandé dans l’islam de chercher le savoir, si possible jusqu’en Chine. Il est nécessaire pour l’Etat de créer des cadres réguliers d’échange et de partage sur les nouvelles méthodes de propagande et de prosélytisme à travers les nouvelles technologies de communication. La plupart de nos imams sont d’ailleurs interconnectés.

En tous les cas, le ton du discours du Président en a dit très long sur sa détermination à défendre son pays et sa culture. Sous cet angle, seule la solidarité nationale et l’implication de toutes les forces vives de notre pays (pouvoir comme opposition) doivent être mises à contribution. Aucune instrumentalisation, ni aucune politisation ne saurait être tolérée, car ce sujet est suffisamment sérieux et grave pour qu’on n’y accorde pas toute l’attention requise.  Dans cette bataille, le Chef de l’Etat ne sera pas seul. Combien de fois avons-nous entendu des guides religieux reprocher à certaines catégories d’arabisants leurs mauvaises interprétations ou lecture tronquée du livre saint ?

Si tout le monde sait que le port de la burqa (voile intégral ajouré à la hauteur des yeux) ou du niqab (voile intégral qui dissimule le visage, mais pas les yeux) est culturel et étranger à notre pratique islamique, on est en droit de se poser la question du comment peut-on en arriver là, au pays d’El Hadji Malick SY et de Cheikh Ahmadou Bamba, un débat sur la burqa ou le niqab! Le débat, le dialogue doivent nous conduire à surmonter ces inquiétudes.

Lamine NDIAYE Aysa Fall

Militant de l’Alliance pour la République (APR)

Coordonnateur Bennoo BokkYaakaar/ Thiès nord

less_ndiaye@yahoo.fr

 

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