Publié le 11 Jan 2012 - 11:32
COOPÉRATION D'HABITAT DE L'ISRA

Sur les traces de 800 millions détournés

 

 

Le tribunal Correctionnel statue aujourd’hui, mardi 20 décembre, sur le dossier d'abus de confiance impliquant Ibrahima Ly, Ismaïla Diallo, et Limalé Dème, ex-dirigeants de la Coopérative d'habitat des travailleurs de l'Institut sénégalais de recherches agricoles (ISRA) An 2000.

 

Ils sont poursuivis pour ''abus de confiance et escroquerie'' portant sur 818 millions de francs Cfa (318 millions de francs Cfa par le promoteur immobilier Pape Aliou Dieng de la société Nouvelle destination, et plus de 500 millions représentant les cotisations et les épargnes des membres de ladite coopérative). Les deux affaires ont fait l'objet de jonction et seront débattues, sauf renvoi, aujourd’hui.

 

 

La première plainte émane de Pape Dièng promoteur immobilier qui accuse les ex-membres dirigeants de la coopérative d'avoir fait mains basses sur 318 millions de francs. Leur différend remonte à la signature d'une protocole d'accord signé le 16 novembre 2006 dans lequel la coopérative s'était engagée à céder 75 parcelles de terrain de 150 m2 chacun sur le site de Hann Marinas à 17 millions de francs Cfa l'unité à sa société ''Nouvelle destination'' qui, en contrepartie, a accepté d'aliéner un terrain de 13 ha sis à Kounoune et à viabiliser. Mais, le 18 juin, les responsables de la coopérative ont demandé et obtenu du promoteur le remplacement du terrain de Kounoune par 600 parcelles situées à Keur Massar.

 

 

 

112 millions encaissés pour une viabilisation estimée à 5 millions

 

 

Pour se libérer des 600 millions correspondant à la valeur des 600 parcelles d'une valeur d'un million chacune, le promoteur a remis à Ibrahima Ly et Ismaïla Diallo, des chèques dont le cumul fait 318 millions de francs Cfa en guise d'acompte. Mais il se heurtera à l'hostilité des membres dissidents de la coopérative qui ont dénoncé ''la convention ainsi que la gestion des membres du bureau'', selon l'arrêt 208 du 18/10/2007 de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel. Les mis en cause disent avoir acheté le terrain auprès d'un certain Mamadou Dieng à qui ils ont versé 112 millions pour les ''frais de viabilisation''.

 

 

Mais il résulte de l'enquête que les terrains en question ne sont ''pas immatriculés'' et sont situés ''dans une zone désaffectée''. Pis, il s'y ajoute qu'aucun ''acte de vente du terrain n'a pu être produit'' ni par les mis en cause ni par Mamadou Dieng ; d'autre part, l'expertise diligentée par l'enquête a abouti au fait que les travaux réalisés sur le site ne dépassent pas…5 millions de francs Cfa. Sur cette base, les ex-membres de la coopérative ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt le 30 avril 2009. Quatre mois plus tard, ils bénéficieront d'une liberté provisoire et d'un placement sous contrôle judiciaire.

 

 

502 millions de cotisation évaporés

 

La seconde plainte porte sur un montant de 502 millions de francs Cfa et émane des membres de la coopérative qui avaient donné procuration à Bernard Ousmane Ndiaye qui sera finalement porté à la tête du Conseil d'administration de la mutuelle. Elle visait le détournement de deniers publics, l'abus de confiance et l'escroquerie.

 

 

Mais en faisant la jonction entre ce dossier et celui de Pape Dieng, la Chambre d'accusation de la Cour d'appel a écarté le délit de détournement de deniers publics et retenu l'abus de confiance et l'escroquerie contre les trois prévenus. Une décision qui ne satisfait pas les plaignants qui brandissent la loi n° 83-07 du 28 janvier 1983 portant Statut général des coopératives du Sénégal, notamment en son article 72 qui dit que l'argent des coopératives est d'utilité publique. Et que par conséquent, tout administrateur qui l'aurait détourné, tombe sous le coup des ''articles 152 dernier alinéa et 154 du Code pénal réprimant les délits contre les derniers publics''.

 

 

 

Dans les méandres de la bataille pour le contrôle de la coopérative

 

À côté de cette action pénale, il y a une autre action civile pour, cette fois, le contrôle de la coopérative. Celle-ci commence en février 2007 quand la majorité des membres de la Coopérative ont ouvert un contentieux contre les dirigeants de l'époque mutuelle. Il s'agit d'Ibrahima Ly, ex-président, Ismaïla Diallo, ex-secrétaire général et Limalé Dème, ex-trésorier. En fait, ce sont 345 membres de cette coopérative qui reprochent à l'équipe dirigeante d'alors d'être restée 7 années (2000 à 2007) sans tenir une Assemblée générale.

 

C'est ainsi que le Juge des référés a ordonné, le 16 avril 2007, la tenue d'une AG dans les 45 jours suivant la signature de l'ordonnance. Ce qui fut fait le 7 août 2007 lors d'une AG qui a consacré l'exclusion de ses ex-dirigeants, sous la supervision du Bureau de suivi des organisations d’auto-promotion (BSOAP) de la Direction de l'agriculture qui exerce la tutelle au nom et pour le compte de l'État, le contrôle sur les coopératives en vertu de la loi 83-07 cité plus haut.

 

 

Ces exclus, loin de baisser les bras, ont contesté la légalité de l'acte qui les a destitués en saisissant les tribunaux. Le 7 juillet 2009, un jugement déclare ''nulle et de nul effet'' l'AG du 5 août 2007 au motif que le BSOAP du ministère de l'Agriculture ''n'avait pas compétence'' pour la convoquer. Faisant appel de cette décision, les membres de la Coopérative ont obtenu l'annulation de cette décision par un arrêt de la Cour d'appel du 7 octobre 2010. Cet arrêt confirme effectivement que l'AG était légale parce que le BSOAP était bel et bien habilité à superviser la rencontre. Contestant cette décision, les sieurs Ly, Diallo, et Dème ont à nouveau introduit un pourvoi en Cassation à la Cour suprême. Celle-ci n'a pas encore vidé ce contentieux.

 

 

Bachir FOFANA

 

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