Les limites du tertiaire, les défis agricoles et industriels
Le tertiaire représente une part importante dans le développement de la productivité au Sénégal. Malgré la bonne tenue du secteur, Mouhamadou Bamba Diop, directeur adjoint de la DPEE, invite à miser sur l’agriculture et l’industrialisation pour atteindre une bonne croissance économique.
Le secteur tertiaire peut-il être un moteur durable de la croissance économique du Sénégal ? C’est à cet exercice de démonstration que s’est attelé hier Mouhamadou Bamba Diop, directeur adjoint de la direction de la prévision et des études économiques (DPEE). Il animé hier à Dakar une conférence sur les développements récents de l’économie sénégalaise.
D’après M. Diop, le développement de l’économie sénégalaise montre toujours une prédominance du secteur tertiaire. Faisant le diagnostic du développement de l’économie, il montre que ''cela a peu évolué depuis 1960 comparé à des pays comme l’Inde, la Chine qui ont connu une progression fulgurante pendant ces dernières décennies''. Et cela, souligne-t-il, c’est parce que l’économie sénégalaise semble se ‘’tertialiser’’ car n’ayant jamais connu une phase d’industrialisation majeure. ''En 2009, la main-d’œuvre employée dans l’industrie et les services représentant moins de la population active a généré 80% du PIB’’, relève Mouhamadou Bamba Diop.
En outre, ajoute-t-il, le secteur tertiaire reste largement dominé par le sous-secteur du commerce et domine la plus grande part de l’emploi atteignant en 2009 plus de 23%''. Et donc, si le Sénégal n’a pas atteint aujourd’hui un certain niveau de développement économique, cela est largement dû à son manque de compétitivité. De 1980 à 2010, le pays a ''une productivité du travail largement inférieur à la moyenne générale en Afrique. La productivité d’un travailleur au Sénégal reste faible comparée à la productivité d’un travailleur en Tunisie ou au Mali'', compare-t-il. Il s'y ajoute que le secteur tertiaire joue un rôle déterminant dans la productivité. D’après M. Diop, ''l’essentiel de la productivité est porté par le secteur tertiaire depuis 1980 et ce secteur contribue le plus au développement de cette productivité''.
Booster l’agriculture et l’industrialisation
Pour le directeur adjoint de la DPEE, le développement économique repose, pour la plupart, sur l'agriculture et l'industrialisation. Alors qu’au Sénégal, la ''croissance de la productivité est à 45%, causée par la ré-allocation de l’emploi du secteur primaire vers le tertiaire plus productif''. Pour assurer une croissance au développement économique, le Sénégal doit donc surtout miser sur le développement de son agriculture et de son industrialisation.
''Les fondamentaux voudraient qu’on rebâtisse une agriculture au Sénégal en améliorant sa productivité sur les bases d’une industrialisation. Les investisseurs étrangers viendront là où le secteur est rentable, que ce soit le secteur des services ou de l’agriculture'', indique Mouhamadou Bamba Diop. A son avis, le Sénégal doit diminuer la part très importante des services dans l’économie et booster l’agriculture. ''C’est à nous de choisir le véritable modèle qui est capable de créer sur une très longue période une croissance pouvant mettre sur les rampes de l’émergence l’économie sénégalaise. Nous devrons, dans la redistribution du modèle économique du Sénégal, privilégier l’agriculture et jeter les bases d’une industrialisation. Actuellement, nous sommes sur une trajectoire différente'', fait remarquer M. Diop.
MOUNIROU NDIAYE, ENSEIGNANT CHERCHEUR : ''Le Sénégal n'atteindra pas les OMD en 2015''
Le Sénégal ne sera pas au rendez-vous de 2015 pour l’atteinte des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). C’est la conviction du docteur Mounirou Ndiaye, enseignant-chercheur et chef du département des sciences économiques et de gestion de l’université de Thiès. L’enseignant chercheur a fait cette sortie hier, lors de la conférence animée par la DPEE sur les développements récents de l’économie sénégalaise.
D’après Mounirou Ndiaye, le Sénégal, qui s’était fixé l'objectif de réduire la pauvreté d'ici à 2015, n’a pas réussi ce pari. ‘’On s’était fixé l’objectif d’atteindre une réduction de la pauvreté de moitié à l’horizon 2015 avec des taux de croissance de 7 à 8%. Après la dévaluation de 1994, on a obtenu une moyenne de croissance de 5% de 1994 à 2005. A partir de 2005, avec les chocs exogènes, on a été en moyenne de 3% entre 2005 et 2012'', explique-t-il. Et Mounirou Sy d’ajouter : ''On est passé d’une pauvreté de 50% environ à une pauvreté de 56% en 2013. Ce qui fait que les OMD, malgré la stratégie de croissance accélérée, ne seront pas atteints''.
Pas de dévaluation du F Cfa à court terme
La dévaluation du F Cfa n’est pas encore à l’ordre du jour. C’est la conviction de l’enseignant-chercheur, Mounirou Ndiaye, pour qui une telle dévaluation ne fera pas l’intérêt des Américains. ''Pour le moment, l’Amérique (USA) n’est pas intéressée par une dévaluation de la compétitivité. Les bons du trésor américain sont achetés par les Chinois. Ces Américains veulent que les Chinois augmentent leurs taux de change. Les Chinois ne veulent pas baisser leurs taux de change parce qu’ils marchandent dans les pays africains'', justifie-t-il.
Selon M. Sy, en raison du contexte mondial actuel, les États-Unis ne sont pas prêts à céder. ''S’il y a une dévaluation de compétitivité, les Chinois peuvent dévaluer pour maintenir leur compétitivité. Suivant la puissance des Américains au niveau des institutions internationales, (ils) ne laisseront pas une dévaluation de la compétitivité au niveau des pays de l’UEMOA, à court terme'', soutient-il.
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ALIOU NGAMBY NDIAYE
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