L’ECONOMIQUE ET LE SOCIAL OU LES PARENTS PAUVRES DE L'ADRESSE
Pour le premier discours du chef de l’État à l’occasion du Nouvel An, nous nous attendions à un discours-programme centré sur l’avenir pour celui qui définit la politique de la nation, selon notre régime politique actuel. Nous avons assisté à un discours centré sur la bonne gouvernance démocratique certes, mais, un discours qui fait abstraction des conditions économiques et sociales essentielles dans nos sociétés en devenir.
Nous sommes d’accord que, dans un régime de type parlementaire dans lequel le Premier ministre définit la politique de la nation, le président de la République pouvait se passer d’un tel exercice de communication sur les perspectives économiques et sociales, mais, nous n’en sommes pas encore là, bien que l’évolution et l’atomicité de l’espace politique nous commandent d’aller vers la centralité de la représentation nationale dans la définition des politiques publiques.
Les questions économiques et sociales dans l'adresse du chef de l'État à la nation à l'occasion du Nouvel An étaient les questions les plus importantes et les plus attendues, en raison de leur poids sur les conditions de vie et d’existence des populations et, au regard des dégradations multiples notées sur ce plan dans tous les secteurs d’activité qui fondent les inquiétudes des masses sénégalaises pour l'avenir. Nous n’avons rien entendu sur le monde rural et la campagne de commercialisation agricole qui occupe une bonne partie de la population active, ni sur le niveau général des prix qui a connu une hausse, ni sur les perspectives d'emploi des jeunes qui sont des préoccupations majeures ainsi que les solutions envisagées pour l'atténuation de l'émigration clandestine, ni sur l'augmentation envisagée des impôts et l’élargissement de son assiette, ni sur la monnaie tant galvaudée et sur l'évolution de la croissance économique, du déficit budgétaire et de l’endettement, etc.
Nous avons eu droit à un discours axé sur la bonne gouvernance et le passé, sur l'histoire coloniale du Sénégal avec les narratifs sur les Tirailleurs sénégalais au cours des deux guerres mondiales ou sur l’esclavagisme, comme si ces pans de l’histoire de l’humanité viennent de se produire: en réalité, un discours plus passéiste que progressiste. Le président Senghor et le président Mamadou DIA ne parlaient en définitive que de développement dans le moyen-long terme et définissaient le socialisme comme le ‘’développement de l'homme, de tout l'homme et tous les hommes", c'est-à-dire, le développement du capital humain, pour ne pas dire le développement humain, le but ultime de l'action politique. Il faut reconnaitre que sur ce plan, nous n’avons pas encore atteint les niveaux de développement espérés.
N’oublions pas que les bourses de sécurité familiale ont été interrompues, alors qu'elles devraient être généralisées et augmentées, à l'aune de l'exploitation du pétrole et du gaz. N’oublions pas que les chantiers pour l'habitat social comme il en existait naguère avec les SICAP, les HLM, les parcelles assainies, les ZAC ou autres lotissements ont été suspendus.
N’oublions pas que d'importants chantiers dans le pays comme la construction d’hôpitaux, de routes, de ports ou de ponts ou d'autoponts sont en arrêt. Maintenant, les pouvoirs publics s'en prennent à la bureaucratie et aux fonctionnaires, à leur patrimoine, à tout ce qui se rapporte aux biens des agents économiques sans mettre le focus sur la planification économique et sociale, la contradiction principale.
Le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye est certes un homme courageux , de bonne foi comme un bon sérère ayant les meilleures intentions , toutefois , nous avons comme l'impression qu'il est entouré ou submergé par de vieux briscards politiciens aux méthodes trotskistes qui ont blanchi sous le harnais de la République. Ces vieux briscards politiciens, longtemps au ban des pouvoirs successifs depuis le règne du régime socialiste, sont dans l'esprit d’un révisionnisme qui nous ramène souvent dans le passé. L'esprit révisionniste pour ne pas dire réformiste, résulte le plus souvent d'une tentative de revanche sur l'histoire des vieux briscards de la vieille politique anti impérialiste, comme si nous étions toujours sous la tutelle néo-colonialiste, alors que ce n'est plus le cas aujourd’hui. Nous sommes dans un monde où les États sont devenus libres, mais participent à des alliances tactiques pour leur sécurité collective, dans lesquelles les défis nouveaux se jouent dans les espaces suborbitaux et les océans, à l'heure de l'intelligence artificielle pour le renseignement et la robotique.
La présence militaire symbolique des forces françaises et américaines à Dakar est centrée principalement sur le contrôle sécuritaire dans l'Atlantique Nord et Sud où le Sénégal pèse epsilon. Les véritables forces militaires ne sont plus sur les terres, elles sont dans les océans et dans les espaces suborbitaux pour le renseignement vital, le reste est effectué par les engins volants non-habités ou les drones, la doctrine ayant fondamentalement changé sur ce plan. Le Sénégal et les pays africains avaient bien anticipé avec INTELSAT ou la création de l’ASECNA, dont le siège et quelques équipements techniques pour la sécurité de la navigation aérienne sont au point stratégique de Dakar.
De nos jours, la rhétorique souverainiste ou nationaliste qui revient souvent dans le discours politique officiel est obsolète. Nous sommes depuis longtemps entrés dans un monde où formellement les frontières ont disparu pour laisser place à un internationalisme dominant ou à une convergence des systèmes.
Revenir souvent sur les méfaits du passé et ne pas se concentrer davantage sur les enjeux et défis du futur, me semble être du révisionnisme agrémenté à la sauce des partisans de l'entrisme, de la révolution permanente, des alliances conjoncturelles, de l'hostilité contre le patronat ou simplement, des trotskystes tapis dans les arcanes du pouvoir.
Kadialy Gassama , Economiste
Rue Faidherbe X Pierre Verger
Rufisque