Publié le 14 Sep 2024 - 09:42
DISSOLUTION DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE

Diomaye passe à l’acte

 

La dissolution de l’Assemblée nationale est actée. Le président Bassirou Diomaye Faye est passé à l’acte hier. Dans son adresse à la Nation, il a dénoncé une "gestion publique empreinte de légèretés" (résultats de l'audit) et annoncé des sanctions au niveau de la chaîne administrative et politique.

 

Bassirou Diomaye Faye a dissous l’Assemblée nationale. Cette décision, dont le fondement est conféré par l’article 87 de la Constitution, a été annoncée hier lors d’une adresse à la Nation. La date des élections législatives est ainsi fixée au dimanche 17 novembre prochain.

‘’Je dissous l’Assemblée nationale pour demander au peuple souverain les moyens institutionnels qui me permettront de donner corps à la transformation systémique que je leur ai promise’’, a déclaré le président de la République qui soutient avoir également consulté le Conseil constitutionnel sur la bonne date, le Premier ministre et le président de l’Assemblée nationale sur l’opportunité. Le gouvernement entend ainsi ouvrir une nouvelle temporalité à son quinquennat.

"L'article 3 de notre Constitution rappelle que la souveraineté nationale appartient au peuple. Ce faisant, le peuple est invité à reprendre ses titres d’habilitation et à décider souverainement si l’Assemblée nationale doit refléter les aspirations profondes de changement qui se sont exprimées au soir du 24 mars 2024 ou si elle doit demeurer encore le dernier avatar bloquant d’un régime déchu", a poursuivi le chef de l’État, rassurant que le gouvernement garantit la bonne organisation des élections et ‘’l’expression libre et démocratique du choix du peuple’’.

Pour motiver sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, Bassirou Diomaye Faye souligne que la promesse d'une collaboration sincère avec la majorité parlementaire, visant uniquement à servir l'intérêt du peuple sénégalais, n'était qu'une "illusion". Le président de la République accuse l'hémicycle de s'être détourné du peuple pour, dit-il, "promouvoir le culte du blocage et ainsi entraver la mise en œuvre du projet sur la base duquel j’ai été élu".

En effet, l’un des éléments qu’il pointe du doigt est "l’usurpation des prérogatives constitutionnelles du président de la République" pour fixer une date pour la déclaration de politique générale, en "violation flagrante" de l’article 84 de la Constitution et de l’article 97 de la loi organique portant règlement intérieur de l’Assemblée nationale.

Par la même occasion, Diomaye Faye fustige la menace d’une motion de censure que cette majorité fait planer sur le gouvernement ! "En imposant, par la force du droit, la date du 13 septembre 2024 pour la déclaration de politique générale, il ne s’est pas agi de duper le peuple sénégalais, mais simplement d’asseoir fermement l’autorité de la loi. Et de rappeler, par les actes, que 'l’ordre politique, sous mon magistère, ne supplantera jamais l’ordre légal'. Il y allait donc de mon devoir juridique, éthique et moral de ne céder la moindre parcelle de tolérance aux contempteurs de la loi", a indiqué le chef de l’État.

Diomaye Faye s’insurge contre le fait que les députés n’aient pas tenu, le 29 juin 2024, le débat d’orientation budgétaire pourtant obligatoire, pour le motif d’une supposée attaque reçue sur le terrain politique. "Cette violation d’une obligation légale prévue par l’article 56 de la loi organique relative aux lois de finances aura gravement contribué à ternir l’image du Sénégal aux yeux des institutions internationales", estime-t-il.

Il n’a pas non plus digéré le rejet du projet de révision constitutionnelle visant à supprimer le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) et le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans le but de rationaliser les dépenses publiques. "Mon serment, devant Dieu et la Nation, d’honorer nos institutions est trempé du sang des Sénégalais tombés, l’idéal national en bandoulière, lors des nombreuses luttes pour notre démocratie", soutient celui qui est placé à la tête de l’État le 24 mars 2024.

Rapport de la Cour des comptes : les responsabilités seront situées…

Après son installation, le président de la République a entrepris de faire l’inventaire, comme l’exige l’article 1.7 de la loi portant Code de transparence dans la gestion des finances publiques. D’après lui, les résultats de l’audit soumis à ce jour à la Cour des comptes pour validation font ressortir "une gestion publique empreinte de légèretés qui ont occasionné des dérapages volontairement cachés dans la gestion des finances publiques, avec une évolution incontrôlée de la masse salariale, de la dette et des intérêts de la dette, une non-maîtrise des subventions et un dérapage dans les tirages sur ressources extérieures".

Les manquements notés ont, à ses yeux, entraîné une "détérioration grave" du cadre des finances publiques de notre pays. Bassirou Diomaye Faye annonce que le gouvernement reviendra largement sur le sujet et que le rapport approuvé par la Cour des comptes fera l’objet d’une publication.

"D’ores et déjà, je soutiens que les responsabilités seront situées à tous les niveaux de la chaîne administrative et politique".

Diomaye rappelle que le Sénégalais a fait le choix de la rupture et de la transformation systémique en l’élisant au premier tour de l’élection présidentielle. "Cette confiance populaire m’honore et inspire la détermination de la politique de la Nation que la Constitution me confère. Elle m’inspire dans la mission que j’accomplis pour penser notre avenir commun et pour rompre avec les méthodes de gouvernance anachroniques, au regard des exigences renouvelées de notre société politique", déclare le chef de l’État.

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ANTA BABACAR NGOM, APRÈS LA DISSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE

"Barrons la route à ces manœuvres de force…"

La présidente de l’Alternative pour la relève citoyenne (ARC) estime que le chef de l’État a usé d’une ruse pour finalement dissoudre l’Assemblée nationale, alors qu’il a fixé la date de la déclaration de politique générale pour ce 13 septembre. Elle parle d’un précédent dangereux et invite les Sénégalais à imposer la cohabitation au régime actuel dans la future Assemblée nationale.

Après que le président de la République, Bassirou Diomaye Faye a dissous, hier, l’Assemblée nationale, Anta Babacar Ngom Diack, la présidente de l’Alternative pour la relève citoyenne (ARC), a déclaré avoir pris acte. "Ce n’est pas une surprise. Mieux, c’est une décision qui était plus qu’attendue, compte tenu de la piètre qualité de cette législature depuis maintenant deux ans. Si la légalité de l’acte posé par le président de la République ne souffre d’aucune contestation, la forme rompt de façon flagrante avec les principes d’éthique républicaine et d’élégance démocratique que nous sommes en droit d’attendre de la plus haute magistrature de notre pays. Le précédent est dangereux et inquiétant. Il s’agit de la remise en cause de la valeur de la 'parole présidentielle' et mieux de la 'signature présidentielle'. Un président de la République ne ruse pas !", a-t-elle avancé dans une note.

À ses yeux, les arguments avancés par le chef de l'État cachent "maladroitement" une tentative de consolidation d’un pouvoir sans partage, loin des aspirations de millions de Sénégalais qui avaient espéré un véritable renouveau démocratique.

En votant à plus de 54 %, selon elle, des Sénégalais avaient choisi la rupture. "Ce qu’ils récoltent aujourd’hui est une trahison de cette espérance, un retour aux calculs politiques que notre peuple a rejetés et combattus avec courage et détermination. On a envie de dire : 'Tout ça pour ça !' Le vote d’une loi d’orientation budgétaire n’aurait de sens que s’il est adossé aux orientations d’une déclaration de politique générale. La suppression des fonds spéciaux de la présidence sonnerait plus fort comme signal de rationalisation du train de vie de l’État, en lieu et place de la dissolution du Cese et du HCCT, qui ne présente aucune urgence, surtout en l’absence d’une majorité parlementaire sécurisée. Les arguments évoqués pour la dissolution de l’Assemblée nationale voleraient beaucoup plus haut, si le président de la République s’était contenté de prendre ses responsabilités constitutionnelles sans verser dans le dilatoire et les calculs politiciens", écrit Mme Diack.

En choisissant la date du 17 novembre 2024, le chef de l’État, selon le document, a pris le minimum de ce que la loi lui conférait pour organiser des élections transparentes et apaisées. Mais malheureusement, là encore, la ruse politique a pris le dessus sur le compromis politique et le dialogue inclusif. "Ce qui s’est produit aujourd’hui est un signal d’alarme. Le moment est venu de dire 'non' à la dérive autoritaire en gestation. Les Sénégalais sont mis devant leurs responsabilités. La démocratie, pour être équilibrée et juste, doit être en mesure de s’autoréguler. C’est pourquoi l’Alternative pour la relève citoyenne appelle à la mobilisation sans précédent. Il nous incombe de barrer la route à ces manœuvres de force et de protéger nos institutions en imposant la cohabitation au régime actuel. Le 17 novembre 2024, il ne s’agira pas simplement d’une élection. Il s’agira de l’avenir de notre démocratie. Il s’agira de dire que nous, citoyens sénégalais, refusons des pratiques qui mettent en péril nos acquis républicains. Mobilisons-nous pour un Sénégal où le pouvoir n’est plus un monopole, mais une responsabilité partagée, contrôlée et équilibrée !", lance l'ancienne candidate à la Présidentielle.

Elle ajoute : "Nous avons besoin de solutions concrètes, pas de manœuvres politiques. Le président évoque la souveraineté du peuple. Oui, la souveraineté appartient au peuple et elle ne doit pas être instrumentalisée pour justifier des calculs politiques. Face à cette situation, nous, l’Alternative pour la relève citoyenne, tenons à réaffirmer notre détermination inébranlable à porter la voix du peuple à l’Assemblée nationale. L’État n’est pas un terrain de jeu et il devient urgent de constituer une alternative responsable face à ce gouvernement, et ceci dans l’intérêt unique du peuple sénégalais".

 

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