Ces binationaux qui nous ont dirigés et qui nous dirigent
Le député Abdoulaye Makhtar Diop a soulevé, lors de la déclaration de politique générale du Premier ministre Abdoul Mbaye, le débat sur la double nationalité en traitant les autorités binationales de «renégats». Il promet d’ailleurs de déposer une proposition de loi sur la table du président de l’Assemblée nationale à cet effet. EnQuête a choisi quelques personnalités dont la double nationalité ne souffre d’aucune ambiguïté.
Léopold Sédar Senghor, ancien président du Sénégal
Naturalisé pour à cause de son agrégation
Premier président du Sénégal (1960-1980), Léopold Sédar Senghor a toujours été un personnage controversé. Si pour d’aucun, il était le «symbole de la coopération française en Afrique», pour d’autres, il est l’archétype «du néo-colonialisme français». Né le 9 octobre 1906 à Joal, le président poète avait une double nationalité. Ce que le chercheur Cheikh Anta Diop, un de ses adversaires politiques, ne cessait de dénoncer. Pour la petite histoire, le fondateur du Rassemblement national démocratique (RND) l’invitait à travers son journal Siggi, renommé par la suite Taxaw, à renoncer à sa nationalité française. Senghor, le chantre de la «négritude», a fait une demande de naturalisation pour préparer l’agrégation de grammaire. Marié en 1946 avec Ginette Eboué, fille de Félix Eboué, ancien gouverneur général de l'Afrique-Équatoriale française avec qui il eut deux fils, Francis-Arphang et Guy-Wali Senghor, il divorça d'avec celle-ci en 1956. Il se remarie l'année suivante avec Collette Hubert, une Française originaire de Normandie, avec qui il eut un fils, Philippe Maguilen. Après 20 ans passés à la tête du Sénégal, le président poète transmet le pouvoir à son Pm Abdou Diouf avant de se retirer à Verson (France) où il mourut en 2001.
Jean Collin, ministre sous Abdou Diouf
Le «toubab» au cœur du Palais
Surnommé «le toubab» par ses détracteurs, Jean Collin, binational, aura marqué l’histoire politique sénégalaise. Né à Paris le 19 septembre 1924, mais d'origine normande, Collin a occupé plusieurs fonctions dont celui de maire, député à l’Assemblée nationale et plusieurs fois ministre. Membre influent de l’establishment du Parti socialiste, Collin a côtoyé l’ancien président du Conseil Mamadou Dia, le président Léopold Sédar Senghor, mais surtout son successeur Abdou Diouf. Sa proximité avec ce dernier fit de lui, de fait, le ''numéro deux du régime''. Contesté par certains barons socialistes et critiqué par l'opposition d’alors qui le qualifie de ''gouverneur colonial'', Collin, le ministre de l’Intérieur, sera écarté du gouvernement à l'occasion de l'important remaniement ministériel du 27 mars 1990 qui réduit le nombre de ses membres de 27 à 21. Cette mise à l’écart fut très «mal vécue» par Collin qui meurt le 17 octobre 1993, à Bayeux (France), à l'âge de 69 ans, des suites d'une longue maladie.
Mamoudou Touré
Le Mauritanien argentier du Sénégal
On ne peut pas évoquer la question de double nationalité sans penser à Mamoudou Touré. Cet «Africain au cœur de l’économie mondiale»- nom de livre qui lui ont consacré les journalistes El Hadji Hamidou Kassé et Mamoudou Ibra Kane- est né entre les ''deux rives'' du Fleuve Sénégal. Mais son cœur bat d’abord pour le voisin du Nord dont il fut l’ambassadeur à Paris en 1960. Toujours pour le compte de la Mauritanie, il sera fonctionnaire au Fonds monétaire international (FMI) en 1967. Et après avoir servi pour des organisations internationales économiques comme politiques et pour la Mauritanie, l'heure est venue pour Touré d'offrir ses services au Sénégal. Nous sommes en août 1981 quand Mamoudou Touré répondit à l’appel d’Abdou Diouf pour devenir ministre du Plan du Sénégal. Par la suite, il trônera au département de l’Économie et des Finances. Ce natif du Fouta aura marqué l’esprit des Sénégalais à cause des politiques d’ajustements structurels qu’il leur avait soumises.
Karim Wade
Ancien ministre et fils de l’ex-président de la République
S’il y a une autorité dont la double nationalité a cristallisé autant d’attention, parfois de passions, c’est bien celle de Karim Wade. Le fils de l’ancien président de la République, franco-sénégalais, avait été perçu plus comme un «étranger vivant parmi nous» qu’un Sénégalais à part entière. Né le 1er septembre 1968 à Paris, de mère française et père sénégalais, Karim Meïssa Wade n’aura pas réussi à se… tropicaliser. Sa non maîtrise de la langue de Kocc (wolof) aura contribué davantage à l’éloigner du Sénégal «d’en-bas». Malgré tout, l’homme s’est vu hisser au sommet de l’État par son père. Conseiller spécial auprès du président de la République en 2000, Karim Wade sera chargé de présider le Conseil de surveillance de l'Agence nationale de l'Organisation de la conférence islamique (ANOCI) en 2004. Avant d’être nommé ministre d'État, de la Coopération et des Transports en mai 2009, fonction qu’il cumule avec celui de l’Énergie en 2010. Si son ascension vers les sommets de l’État ne s’est heurté à aucun obstacle, son entrée en politique fut, par contre, un grand flop. Investi sur les listes de candidat aux élections municipales de 2009, Karim Wade sera battu dans son propre bureau de vote et sa Génération du concret n’aura été qu’un conglomérat d’opportunistes qui ont plus servi leur carrière que lui.
PAR DAOUDA GBAYA
A suivre...
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