Quand Ces se défend… de polluer
Dans leur rapport de 2016, le Mécanisme d’inspection indépendant de la Bad revenait sur la composition nocive de cette cendre d’échappement et de décantation. Elle contiendrait, selon les experts, des métaux toxiques (arsénique, mercure, chrome et cadmium…). ‘’Nonobstant l’approche de traitement de la cendre, il y a un risque de contamination des eaux de surface ou des eaux souterraines par les métaux toxiques. Par conséquent, une analyse détaillée est requise sur le type de charbon utilisé et les métaux lourds’’, soulignait le rapport.
Les spécialistes de la banque régionale avaient recommandé la mise en place d’‘’un plan d’urgence’’ pour la gestion de cette ennuyeuse question. Deux hypothèses étaient prévues : d’abord, ‘’au cas où la cimenterie, Sococim, accepterait d’absorber toute la cendre produite – ce qui n’est pas le cas - sur une base régulière. Ensuite, dans le cas où ‘’la cendre doit être enfouie en décharge contrôlée’’. Dans ce second cas, prévoyaient les experts, ‘’un système de gestion, y compris une installation de stockage/traitement de la cendre respectueuse de l’environnement, doit être créé’’.
Ce rapport ne semble pas être tombé dans l’oreille d’un sourd. D’abord, la Ces assure utiliser du charbon de ‘’très bonne qualité, avec une faible teneur en soufre’’. Ensuite, des alternatives sont en cours pour pallier les insuffisances dans la gestion de la cendre. D’une part, il s’agit d’accélérer, avec la mairie de Bargny, le processus de transformation des cendres en briques de pavage. D’autre part, et c’est la grande nouveauté, l’érection d’un centre de stockage de cendres dans la zone de sécurité de la centrale. ‘’Nous avons une autorisation pour utiliser les carrières qui sont dans la zone de sécurité de la centrale. Nous allons y réaliser des casiers pour en faire un stockage temporaire. Une étude a été faite par un grand expert pour y parvenir, en respectant les normes environnementales’’, informe la voix de la Ces.
En sus de cette gestion compliquée de la cendre, Miname est également confronté à la pollution sonore et se noie dans la poussière. Depuis le démarrage des activités de la centrale en octobre 2018, les populations cohabitent avec les ronronnements incessants de l’usine et des camions. Pour les autorités de la centrale, il n’en est rien. ‘’Les bruits invoqués sont exceptionnels. C’est quand on fait le nettoyage de la chaudière. On appelle ça en anglais le ‘steal-blowing’ (chasse vapeur). Comme vous le savez, nous avons une nouvelle chaudière. On ne pouvait pas directement commencer à produire. Il fallait d’abord la rincer après les opérations de soudure. C’est ça qui était à l’origine de ce bruit. Ça se fait uniquement en cas d’arrêt sur une longue période et de redémarrage. Mais, en situation normale, la centrale n’émet pas de bruit qui peut incommoder le voisinage’’, explique Badara Guèye.
De même, argue le responsable des questions environnementales, la Ces est en conformité avec les normes environnementales de la Banque mondiale qui sont ses références. Elle est à 450 mg/m3 max pour l’azote contre 510 mg prévu par la norme, autour de 1 300 contre 1 500 mg pour le dioxyde de soufre et pour les Pm, la centrale en est à une moyenne de 20 mg, largement en deçà du seuil de 50 mg fixé par la norme de la Banque mondiale.
Cela dit, Badara Guèye reconnait : ‘’Mais souvent, il y a des incidents qui peuvent provoquer des dépassements. En pareil cas, nous devons informer les services de l’environnement et travailler à corriger les impairs.’’
Il convient également de signaler que ces normes de la Banque mondiale utilisées par la centrale sont moins contraignantes que celles de l’Oms reprises par la législation sénégalaise.
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PROGRAMME DE RELOGEMENT
Le scepticisme de la population
Constamment menacé par l’avancée de la mer, Miname n’a presque plus de terres pour loger ses enfants.
Confiné entre le port minéralier en chantier, la centrale électrique à charbon et l’océan Atlantique, Miname étouffe. Les habitants, dans les maisons, s’entassent. Trouvés au ‘’penc’’, sur les bordures de la mer, ces notables, citant les dernières enquêtes démographiques, estiment que le petit village compte plus de 1 000 habitants. En moyenne, c’est environ 7 personnes par ménage. Dans certaines concessions, il peut y avoir jusqu’à plus de 20 âmes, dont la plupart sont des enfants. Et comme pour ne rien arranger, la mer grignote jour après jour sur ces terres.
Afin de reloger les victimes de l’érosion côtière, la mairie avait morcelé les terres de Miname 2 qui abritent aujourd’hui la centrale.
En tout, c’est 1 442 parcelles retirées aux ‘’goorgoolu’’ sans aucune indemnisation, pour permettre à la centrale de trôner sur un périmètre de 29 hectares. Gens de la mer dont la plupart ne comptent que sur la pêche pour survivre dans un milieu de plus en plus hostile, les Minamois sont d’autant plus inquiets que sur les lieux, il n’y a presque plus d’espace pour les accueillir. ‘’Avec l’avancée de la mer, on nous avait dit que le village sera déguerpi et les occupants relogés à Bargny-ville verte, puisque ce qu’il nous restait de terres a été repris et affecté à cette centrale. Nous, nous sommes des Lébous. Nous ne pouvons vivre loin de l’océan. Ce serait notre mort’’, se désole Ousseynou Gaye, né il y a plus de 70 ans sur ces mêmes terres.
Au banc des accusés, la mairie se défend : ‘’Le maire a l’habitude de dire que si la centrale était un ballon de foot, c’est lui qui l’aurait dégagé loin de Bargny. Mais tel n’est pas le cas. Mais il faut comprendre que c’est un projet qui s’impose à nous. Soit on refuse de s’opposer et la centrale nous tourne le dos. Soit on fait preuve de réalisme pour espérer au moins avoir des retombées.’’
La Senelec offre 1 milliard pour les impactés
Après d’âpres affrontements entre la population et les autorités, la Senelec, bien que réaffirmant être la propriétaire du terrain, a jugé utile de fournir un peu d’efforts pour soulager les impactés, avec une enveloppe de 1 milliard de francs Cfa. Pour le chef du bureau Planification et Suivi de projets à la commune de Bargny, Doudou Ismaila Ndiaye, ce milliard est destiné au relogement des victimes de l’érosion côtière et non aux seuls expropriés. ‘’On a créé le Provec (Programme de relogement des victimes de l’érosion côtière) qui se déroule dans les règles de l’art et de manière tout à fait transparente’’, informe M. Ndiaye.
Pour leur part, les populations sont très sceptiques quant à la réalisation de ce projet dont on parle depuis des années. ‘’En vérité, il n’y a plus de terres. Ils ont tout donné. Si vous allez à Bargny-ville verte, il y a déjà des propriétaires. Tout a été vendu’’, gronde Maguette Cissé.
Mor AMAR