Publié le 29 Nov 2020 - 02:23
ELECTIONS LOCALES

La politique met au pas la République

 

Après deux reports successifs, les maires et présidents de conseils départementaux courent vers un troisième report ‘’inédit’’ de leur mandat. Ce qui risque de désarticuler davantage le calendrier électoral et d’installer le Sénégal dans une campagne électorale permanente.

 

 

Mars 2021 approche à grands pas, mais le Sénégal ne connait toujours pas la date des prochaines élections locales. Ce qui est quasi certain, à entendre les acteurs, c’est que l’on file droit vers un troisième report. Chose inédite, si l’on en croit le directeur exécutif de l’ONG 3D, membre du pôle de la société civile à la Commission politique du dialogue national. Il déclare : ‘’C’est trop tard pour organiser les élections avant le 28 mars, comme c’est prévu par la loi. Entre mars et maintenant, il n’y a que quatre mois, alors que les opérations préélectorales prennent au moins six mois.’’

Parmi ces opérations, il y a, rappelle Moundiaye Cissé, la révision des listes pour inscrire les primo-votants, ceux qui veulent changer d’adresse… Après cette étape, il y a la phase contentieuse, le dépôt des listes, la campagne… ‘’Ce n’est pas possible, d’ici quatre mois. S’y ajoute l’audit du fichier et l’évaluation du processus électoral qui vont prendre entre trois et quatre mois au moins’’, a ajouté le patron de l’ONG 3D.

Ainsi, les maires, présidents de conseils départementaux et hauts conseillers des collectivités territoriales peuvent toujours poursuivre leur règne, alors même que leurs mandats sont arrivés à expiration depuis plus d’un an.

Mais pour le directeur exécutif de l’ONG 3D, il y a fort espoir que leur organisation ne sorte pas de l’année 2021. ‘’Je pense, analyse-t-il, que les élections pourront être tenues en octobre ou novembre. En effet, après mars, on va vers le carême chrétien. Après, c’est le ramadan des musulmans. Juin, c’est la saison des pluies et c’est quasi impossible d’organiser des élections en cette période. L’exemple des Législatives de 2019 est encore frais dans nos mémoires. Donc, ce qui est le plus probable, c’est octobre ou novembre, mais il ne faut pas sortir de 2021’’.

Carême, ramadan, hivernage : ces obstacles qui projettent les Locales vers fin 2021

Selon le coordonnateur du pôle des non-alignés, s’il y a un responsable de toutes ces lenteurs, c’est bien le gouvernement qui n’a pas pris les diligences nécessaires pour lancer le processus de l’audit du fichier et de l’évaluation du processus. Le non-aligné fustige : ‘’La commission politique a adopté les termes de référence (de l’audit et de l’évaluation) vers le 6 février. Malheureusement, il n’y a pas eu les diligences nécessaires pour mettre en œuvre cet audit et cette évaluation. C’est imputable au gouvernement, parce que c’est lui l’interlocuteur direct des partenaires techniques et financiers. Il y a eu certes la pandémie, mais depuis les périodes d’allègement, on avait largement le temps. Si toutes les diligences avaient été faites, les élections auraient pu être tenues au plus tard avant le mois de mars. Maintenant, ce n’est plus possible.’’

Pour l’heure, les acteurs restent suspendus à l’audit des experts, dont le lancement de la procédure d’appel à candidature n’a été annoncé que lundi dernier, selon M. Faye. Elle court jusqu’au 12 décembre. Et si tout se passe bien, l’audit doit pouvoir commencer en janvier pour finir, au moins, trois mois plus tard. Déthié Faye rappelle la position de la Commission politique du dialogue national : ‘’Ce qui est convenu, c’est qu’une fois les conclusions disponibles, la commission politique va statuer sur le reste et fixer la date des élections. Tant que ces conclusions ne sont pas disponibles, il n’est pas possible de fixer les élections. Mais on ne devrait, en aucune façon, sortir de 2021. Au cas contraire, personne ne pourra se prévaloir du dialogue pour le justifier.’’

Le piège

Au rythme où évoluent les choses, il est fort probable que les Locales se tiennent en fin 2021, comme l’a souligné Moundiaye Cissé. Auquel cas, constate ce dernier pour le regretter, cela impacterait beaucoup le calendrier des élections. ‘’Organiser les Locales en novembre ou octobre nous rapprocherait des élections Législatives. Ensuite, deux ans après, ce sera la Présidentielle. Cela fait une hyper-politisation de notre pays. Pendant les trois prochaines années, on sera dans une campagne électorale permanente.’’

Tout ça, à cause de logiques politiciennes, semble convaincu le directeur exécutif de l’ONG 3D qui met dans le même sac opposition et pouvoir.

En sus de la nécessité de l’audit, fait-il remarquer, deux autres donnes ont influé et continuent d’influer sur le calendrier républicain. D’abord, il y a le changement du mode d’élection des maires qui risque d’impacter les organisations politiques. Ensuite, viennent ce qu’il appelle les agendas cachés. ‘’La preuve, souligne-t-il, pendant que le dialogue politique se déroulait, le dialogue officieux, latent et souterrain, s’organisait. Ceux qui assuraient le porte-parolat du pôle de l’opposition se sont retrouvés dans la majorité. Tout ça se faisait sur le dos des citoyens’’. Et de dénoncer : ‘’On en est là tout simplement, parce qu’il y a des agendas politiques qui ont primé sur l’agenda républicain. Aujourd’hui, il y a un conflit d’agendas et, malheureusement, les agendas politiques ont pris le dessus. En vérité, l’opposition comme le pouvoir n’étaient pas prêts pour aller aux élections. C’est ça la vérité, même si les raisons ne sont pas les mêmes.’’

Depuis 1984, rappelle le membre du dialogue politique, les élections locales n’ont jamais été tenues à date. ‘’Mais, insiste-t-il, elles n’ont jamais été reportées plus de deux fois. C’est la première fois qu’on reporte trois fois des élections. Ce qui devait être une exception devient une règle et c’est regrettable. Dans une République, l’agenda électoral doit être lisible. Il doit primer sur les agendas politiques’’.

Dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, le ministre d’Etat et non moins conseiller du président de la République, Ismaila Madior Fall, rappelait les trois schémas possibles pour la tenue des élections locales. Le premier est de laisser les choses telles quelles, c’est-à-dire Locales en 2021, Législatives en 2022 et Présidentielle en 2024. La deuxième est de coupler les Locales et les Législatives. Enfin, la troisième consiste à tenir les Locales en 2021 et à reporter les Législatives jusqu’après la Présidentielle. 

MOR AMAR

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