Publié le 18 Sep 2023 - 18:24
ENTRETIEN AVEC DJIMO SOUARÉ (COORDONNATEUR DU PRODAC)

“11 mille tonnes de divers produits céréaliers seront attendues”

 

Aménager des domaines agricoles et promouvoir l’emploi et l’employabilité à travers l’installation d’entreprises rurales dans les Dac. La mission est double pour le Programme national des domaines agricoles communautaires (Prodac). Dans cet entretien, son coordonnateur revient sur les réalisations, les défis et les ambitions du programme. Djimo Souaré, par ailleurs Président du Conseil départemental de Goudiry, se prononce aussi sur les actions posées pour lutter contre l’émigration irrégulière.

 

Comment se porte le Prodac au niveau national ?

Le Programme national des domaines agricoles communautaires (Prodac) se porte bien, malgré les nombreux défis auxquels il fait face depuis sa création. Il poursuit sa mission qui est double : aménager des domaines agricoles et promouvoir l’emploi et l’employabilité à travers l’installation d’entreprises rurales dans les Dac et l’incubation de jeunes à travers ses ASTC (Assistance Service and Training Center) installés dans ‘’le cœur des Dac’’.

 En plus de ces deux axes stratégiques de la mission, le Prodac contribue à l’atteinte de la souveraineté alimentaire, grâce à la production agricole réalisée dans les Dac.

Actuellement, nous avons trois Dac opérationnels sur les 10 prévus dans le programme (Séfa dans le département de Sédhiou, Keur Momar Sarr dans le département de Louga et Itato dans le Kédougou). Ce qui nous donne une capacité d'accueil de 600 entreprises rurales pour 9 000 sociétaires et 27 000 incubés.

Nous avons deux Dac de la première génération en finition à Sangalkam et Keur Samba Kane. Ils sont achevés à 80 % et peuvent d’ores et déjà accueillir des entreprises agricoles. Ils ont accusé du retard dû à un contentieux avec le fournisseur des travaux. Nous prévoyons de les rendre opérationnels en début 2024, au bénéfice des populations locales qui en font la demande de façon pressante. Nous avons aussi un portefeuille de quatre Dac cofinancé par la Banque islamique de développement et l’État du Sénégal. Ces DAC sont en travaux depuis avril 2023. Ils se situent à Dodji, dans le département de Linguère, Fafacourou, dans le département de Médina Yoro Foulah, Boulel, dans le département de Kaffrine, et la zone du Niombato, vers Toubacouta, dans le département de Foundiougne. Avec leur réception au dernier trimestre 2024, notre capacité d’accueil passera à 1 800 entreprises rurales pouvant opérer pour 27 000 emplois directs et environ 80 000 jeunes pouvant être incubés et formés à l’entrepreneuriat rural.

Nous avons un 3e portefeuille de projet de trois Dac. Il s’agit des Dac de Notto Diobass (Thiès), de Matam et, sur instruction du président de la République, il est prévu un Dac dans la région de Tambacounda. Nous sommes à la recherche de financement pour ces Dac de 3e génération.

Parlez-nous des acquis du Prodac, autrement dit de son impact sur la population, depuis sa création.

Des acquis positifs sont obtenus depuis la création du Prodac. La mise en place des ‘’cœurs de Dac était un challenge majeur du programme. Sans eux, nous ne disposerions pas d’infrastructures pouvant permettre d’incuber nos cibles, les jeunes et les former aux métiers de l’entrepreneuriat agricole. Avec les Dac déjà opérationnels, nous pouvons apprécier un fort impact dans les zones d’implantation à travers l’employabilité rurale qui a été fortement accrue à travers les incubations de jeunes et leur accompagnement à mettre en place des entreprises rurales modernes et viables.

En effet, nous avons pu incuber et accompagner plus de 15 000 jeunes dans les Dac fonctionnels qui, à l’issue, s’activent dans l’agriculture au sens large.

L’impact aussi se mesure à l’accompagnement et aux bénéfices que tirent les populations riveraines de l’expertise et des infrastructures et équipements des Dac. Ainsi, chaque année, nous incitons et accompagnons les producteurs locaux, notamment nos cibles jeunes dans les campagnes agricoles au sein du périmètre des Dac comme en dehors. Ce qui nous a valu beaucoup de satisfactions, à travers le Programme d’appui aux producteurs des zones d’implantation des Dac (Papadac) qui est le projet du programme dédié à cet aspect.

Rien que cette année, 25 000 emplois jeunes ont étés créés ou maintenus à travers le Papadac, dans toutes les zones d’implantation des Dac (Dakar, Thiès, Louga, Kaffrine, Tamba, Kolda, Sédhiou, Fatick, Diourbel, Kédougou…). Les productions attendues seront de l’ordre de 11 mille tonnes de divers produits céréaliers (maïs, arachide, niébé, mil). Nous préparons une évaluation générale du programme pour consolider les acquis et nous projeter sur l’avenir à travers un plan stratégique devant orienter les activités.

Malgré tout, la question de l'autosuffisance alimentaire est un goulot d'étranglement pour l’actuel pouvoir. Selon vous, quel rôle doit jouer le Prodac pour l’atteindre ?

L’autosuffisance alimentaire a toujours été une des priorités de l’État. Le président de la République en a fait un combat décisif, depuis son élection et propose constamment des solutions. Il y a eu beaucoup d’avancées sur quasiment toutes les filières majeures. La production de riz, par exemple, est passée de moins de 370 000 t en 2011 à plus de 1,3 million de tonnes en 2022. Ces avancées sont obtenues grâce à des investissements sans arrêt sur les infrastructures agricoles, l’amélioration de la productivité, la recherche scientifique, etc.

Le Prodac, bien qu’ayant pour mission principale de créer des emplois pour les jeunes, est un acteur majeur du programme de souveraineté alimentaire. L’aménagement de vastes terres agricoles, l’accompagnement des entrepreneurs agricoles, la maitrise des chaines de valeur et le développement de projets spécifiques liés à l’agriculture que le Prodac mène, seront importants dans l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire. Nous travaillons, par exemple, à développer une solide filière de maïs à travers les Dac qui sont dans les zones de Tamba, Kolda, Sédhiou, Kédougou, avec l’appui du ministère de l’Agriculture. Notre but est de contribuer à résorber les importations de ce produit au Sénégal. Elles sont estimées à plus de 400 000 t l’année.

Nous allons lancer aussi des projets, en 2024, pour développer les filières piscicole, ovine, bovine et avicole, afin de contribuer à résorber le gap pour ces produits. Enfin, nous poursuivons notre rôle majeur d’incubation et de formation permettant d’accroitre l’employabilité et les qualifications des entreprises agricoles rurales. Cela aura un impact aussi sur l’accroissement de la productivité agricole.

Qu’est-ce que vous produisez ?

Nous orientons les entreprises installées au sein des Dac à la production suivant les avantages physiques et agricoles des zones. La production horticole occupe la majeure partie de nos sociétaires durant toute l’année. Nous les accompagnons aux grandes productions en période d’hivernage, notamment de maïs, d’arachide, de niébé, etc. Nous avons une bonne production piscicole aussi, au sein des Dac de Séfa et d’Itato. Nous allons accroitre nos investissements et intensifier nos activités pour faire du Dac d’Itato le principal fournisseur de poisson dans la zone du Sud-Est, notamment pour les sociétés minières installées sur place.

Nos Dac produisent aussi du bétail et de la volaille. D’ailleurs, nous développons en ce moment un projet pilote de fermes intégrées d’élevage dans le Dac de Keur Momar Sarr qui, à terme, impactera sur les besoins en moutons du Sénégal. Ce projet absorbe de la main-d’œuvre locale, mais il nous sert aussi de tremplin pour la réinsertion de jeunes non diplômés tels que des lutteurs à l’arrêt formés au sein des Dac avec l’appui du 3FPT (Fonds de financement de la formation professionnelle et technique).

Quels sont les défis actuels de Prodac ?

Le principal défi du Prodac est de créer des emplois et de fixer les populations dans leur territoire. Les jeunes que nous accueillons et accompagnons dans les Dac seront des entrepreneurs accomplis, modernes et qui pourront vivre leur rêve à travers l’agriculture. À court terme, nous nous battons pour réaliser l’ensemble des infrastructures nécessaires au bon fonctionnement des Dac déjà créés. Le challenge sera au niveau national, à terme, de disposer d’un Dac par région, ensuite par département.

Dans le cadre de la lutte contre le chômage, quel a été votre apport ?

Comme pour la question de l’autosuffisance alimentaire, l’emploi est une question souveraine. L’État du Sénégal en a une approche intégrée, à travers plusieurs outils qui se complètent. Le Prodac compte développer des synergies avec toutes les structures dédiées à l’emploi pour atteindre ses objectifs de lutte contre le chômage. Le 3FPT pour financer la majorité de nos programmes de formation dans les Dac ainsi que l’ONFP. Le Fongip (Fonds de garantie des investissements prioritaires) et la Der (Délégation à l’entrepreneuriat féminin) pour nous faciliter le financement des sociétaires des Dac, ainsi que les banques de développement agricole contrôlées par l’État. Nous sommes aussi en relation avec d’autres structures et programmes de l’État tels que l’Anida (Agence nationale d’insertion et de développement agricole), le Fonstab (Fonds d’appui à la stabilisation), l’Agence de la Muraille verte, etc.

Notre rôle est de faciliter l’employabilité à travers l’incubation et la formation à l’entrepreneuriat agricole, la création d’entreprises rurales au sein et en dehors des Dac, l’accompagnement à la production, etc.

Nos Dac fonctionnant en ce moment peuvent créer ou favoriser la création d’au moins 90 000 emplois directs et indirects. Nous nous attelons à l’atteindre. En ce moment, nous accueillons des incubés qui sont formés puis insérés dans la production agricole dans les Dac.

En fin 2024, cette capacité s’étendra à 270 000 emplois directs et indirects. Nous adaptons notre stratégie pour mieux communiquer sur les bénéfices du Dac auprès des jeunes et à en intégrer le maximum. Cet apport sera profitable à l’emploi au Sénégal.

Aujourd’hui, la migration irrégulière fait des ravages. Pensez-vous que des programmes comme le Prodac pourraient contribuer à freiner le phénomène et comment ?

Absolument ! Comme je vous l’ai dit tantôt, c’est notre mission de créer des emplois et de fixer les populations dans leur territoire. Nous sommes sur le bon chemin. Le Prodac accompagne la création d’entreprises rurales modernes et viables. Notre rôle est de rendre ces entreprises rentables et attractives, afin de convaincre et d’attirer les jeunes à l’entrepreneuriat agricole. Pour accroitre la valeur ajoutée bénéficiant aux parties prenantes, les productions agricoles seront adossées à une politique bien pensée de semi-industrialisation dans les zones d’implantation des Dac.

Tout cet arsenal aura un impact dans la durée sur la migration de façon générale.

PAR CHEIKH THIAM

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