Publié le 6 May 2013 - 08:05
ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES

 Les mauvais chiffres du Doing Business pour le Sénégal persistent

Les faiblesses de l’environnement des affaires dans notre pays exigent une amélioration des indicateurs de performance liés à la gestion des contentieux économiques et financiers devant les juridictions nationales.

 

L’environnement des affaires au Sénégal manque encore d’attractivité pour les investisseurs privés nationaux et étrangers. La preuve par les chiffres. Le système judiciaire sénégalais passe une moyenne de 780 jours (contre environ 400 au Burkina et moins de 400 au Ghana) pour trancher un contentieux commercial d’environ 1 million de francs Cfa en recourant à un stock de 44 procédures. Ce qui occasionne un coût de près de 26% des créances alors que la norme est aux environs de 10% seulement.

 

Pour notre pays, les rapports du Doing Business, agrégat de différents indicateurs de la Banque mondiale qui postulent ''une corrélation entre la propension d’un pays à capter les investissements directs étrangers et l’efficacité de son système judiciaire'', se suivent mais ne se ressemblent pas. Premier réformateur africain et cinquième dans le monde pour l’année 2009, le Sénégal est retombé depuis dans la fosse aux lenteurs qui entravent le climat d’investissement. La ministre de la Justice garde des Sceaux l’a rappelé hier à Saly, à l’ouverture d’un Atelier national portant sur la réforme du contentieux économique et financier, en rapport avec les indicateurs du Doing Business. Selon Aminata Touré, ''même si l’édition 2013 du Doing Business s’est félicitée de la mise en place des chambres commerciales'', par contre, l’absence de ''juges spécialisés'' et ''les délais encore longs de traitement des contentieux économiques et commerciaux'' restent encore des facteurs de blocage importants.

 

Goulots d’étranglement

 

Les goulots d’étranglement identifiés par les acteurs dans la chaîne de règlement du contentieux sont nombreux et variés. Ils vont de la mise en état lente des dossiers liés au business, aux ''appels abusifs'' visant à retarder l’exécution d’une décision de justice, en passant par la formation généraliste des juges chargés des dits contentieux, la longueur des délais de traitement des affaires, le déficit de transparence…

 

Toute la difficulté dans le contentieux économique et financier consiste à trouver le juste milieu entre ''le temps du business'' et ''le temps de la justice'', a déclaré Mansour Cama, président de la Confédération nationale des employeurs du Sénégal (Cnes). Le fonctionnement de la justice doit être au diapason des ambitions de notre pays car ''la justice est un élément central'' dans la santé des ''affaires de contrats''. D’où l’objectif stratégique de promouvoir la spécialisation des magistrats, qui pourrait participer à l’accélération des procédures contentieuses. Effectivement, a ajouté Aminata Touré, il est impossible de demander à un juge d’être expert en tout…

 

''Chambres d’urgence''

 

Sur cette notion de rapidité, un intervenant dans les débats a préconisé, lui, ''le temps de juger vite et bien''. Mais le premier président de la Cour d’appel de Dakar s’est voulu catégorique en réaffirmant que le principe de sérénité doit rester consubstantiel à la pratique judiciaire en toutes circonstances. ''Nous prenons le temps de juger en veillant à une distribution équitable de la justice.'' Selon Demba Kandji, dans l’état actuel de l’environnement des affaires au Sénégal, il faut faire revivre le principe d’urgence avec la mise en place de…''chambres d’urgence'' au niveau des juridictions contentieuses car ''la décision de justice est un véritable produit de consommation'' que le législateur sénégalais ou communautaire a l’obligation de protéger. Pour le président Kandji, l’appel dans un procès contentieux doit intervenir dans les 15 jours suivant la décision du juge… En renfort, la garde des Sceaux a indiqué que ''cette question de l’urgence est au cœur du problème'', mais il est nécessaire de l’affronter avec réalisme. Et c’est pour être en phase avec le premier président de la Cour d’appel de Saint-Louis. ''Légiférer sur cette question en ne tenant pas compte des réalités dans les salles d’audiences serait une très grande erreur'', a averti le magistrat Barane Thiam.

 

Aminata Touré se veut optimiste malgré tout, face à l’objectif ''d’élever le Sénégal au rang des premiers pays subsahariens présentant la meilleure plate-forme d’éclosion des affaires.'' Les sept chambres spécialisées, déjà installées au niveau des juridictions de Dakar, et dédiées à ''la gestion des contentieux dits complexes et de la criminalité économique et financière'' sont un pas dans ce sens. De même que l’informatisation en vigueur des procédures contentieuses qui devrait faire place nette à une dématérialisation intégrale dans un avenir proche. Sans oublier l’existence de onze Maisons de justice à travers le territoire national mises au service des contentieux d’affaires de moindre importance.

L’atelier de restitution de l’étude sur la réforme du contentieux économique et financier, ouvert hier, se poursuit jusqu’à dimanche, avec l’appui de la Banque mondiale.

 

 

MOMAR DIENG

 

 

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