Publié le 21 Aug 2012 - 16:50
ETHIOPIE-APRÈS LA MORT DE MELES ZENAWI

L’avenir apparaît comme ''un énorme point d’interrogation''

REUTERS/Irada Humbatova

 

 

Après la mort cette nuit de son Premier ministre, Meles Zenawi, qui a dirigé l’Ethiopie d'une main de fer pendant plus de vingt ans, l’avenir apparaît comme « un énorme point d’interrogation », a estimé Gérard Prunier, historien, spécialiste de la Corne de l'Afrique. Il est interviewé par Isabelle Jammot.

 

Quel poids politique avait Meles Zenawi ?

Enorme. Enorme, parce que c’est un gouvernement à la fois très fort et très bien organisé, mais extrêmement personnalisé et dans lequel la personnalité du chef de l’Etat importe… parce qu’il y a bien sûr un président, M. Girma mais qui est à peu près l’équivalent de ce qu’était le président de la IVe République en France autrefois. Le Premier ministre était le véritable chef de l’Etat et en même temps le chef du parti. C’était quelqu’un d’extrêmement actif et son gouvernement était très personnalisé. Or rien n’est institutionnalisé très clairement dans le processus de succession.

 

Comment se profile cette succession ?

Il est beaucoup trop tôt pour faire un bilan. Le régime qu’il a créé en 1991 [a vu le jour, ndlr] à l’issue d’une guerre de guérillas de dix-sept années - une guerre civile extraordinairement violente qui a fait des centaines de milliers de morts. C’est un des grands moments de la Guerre froide, l’arrivée au pouvoir du Front révolutionnaire et démocratique des peuples éthiopiens au printemps 1991. Ce régime existe toujours et il ne va pas s’évanouir comme une fumée. Il est extrêmement solide. Maintenant, est-il suffisamment solide pour survivre à la mort de l’homme qui l’a fondé : cela est un énorme point d’interrogation.

 

Meles Zenawi était-il très populaire ?

Non, pas vraiment. Il était respecté et il impressionnait la population par son organisation, son énergie, son imagination et sa capacité d’organisation. Mais au niveau sentimental, au niveau de la chaleur humaine, non, pas vraiment.

 

A-t-il su faire face à différentes tensions notamment régionales ?

Oui. Il a fait mieux que d’y faire face : il les a toutes maîtrisées. C’est-à-dire qu’il a été capable à la fois de survivre à une guerre très importante avec l’Erythrée, entre 1998 et 2000 ; qu’il a été un des éléments essentiels dans, on peut dire, la « mélasse » soudanaise - le pays d’à côté ; qu’il est également intervenu en Somalie, là avec des résultats plus incertains, [mais, ndlr]il a réussi à éviter quand même l’expansion d’une « talibanisation » de la situation somalienne - mais il n’a pas vraiment réussi à solutionner le problème. Egalement, il y a eu un développement économique assez considérable, donc c’est un bilan extrêmement fort. Mais est-ce que ce bilan est durable et solide ? C’est ce que l’on pourra voir dans les mois qui viennent.

 

Sur la scène internationale, avait-il du poids ? Il était en tout cas allié des Etats-Unis ?

Oui, mais c’était un allié de plus en plus problématique : au départ, il s’agit d’un homme qui était un marxiste-léniniste convaincu, pro-albanais ! Evidemment, nous sommes loin de la Guerre froide et ces dissensions, ces divisions sont un peu difficiles à imaginer pour nos contemporains; Mais dans les familles politiques communistes, il était dans la plus radicale, celle qui était d’abord prochinoise, puis pro-albanaise en trouvant que les Chinois étaient trop modérés - à une époque où la Chine était encore solidement communiste. Et cet homme (…) avait fait basculer tout son régime dans une alliance étroite avec les Etats-Unis, notamment sur le plan régional. Surtout depuis 2001 avec la lutte contre l’extrémisme musulman. Mais cette alliance était quelque chose qui ne venait pas, là non plus, du cœur. C’était purement une chose de raison. Au fond de lui-même, Meles Zenawi était resté l’homme d’une économie dirigiste et centralisée qui évidemment ne va pas du tout avec l’hyper libéralisme américain de ces dernières années. Donc, un allié problématique… Mais pas sur le plan militaire et stratégique, où alors là, il n’y avait aucun doute. Par contre, le glissement, le retour à une alliance chinoise sur le plan économique était extrêmement visible ces dernières années.

 

RFI

 

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