‘’Comment Serigne Saliou a été le réformateur de la tarbiyah’’
Pour le communicant et chercheur en mouridisme Fallou Sène, Serigne Saliou Mbacké, fils de Serigne Touba et 5e khalife de Bamba sur terre (1990-2007), Serigne Saliou Mbacké (1915-2007) est l’un des réformateurs de la tarbiyah dans le mouridisme.
‘’Asaaliha’’, comme son nom l'indique, est un mot arabe qui symbolise la rencontre de la probité et des vertus. Tel était Serigne Saliou Mbacké (1915-2007), khalife général des mourides entre 1990 et 2007. Il synthétise l’effacement et le désintéressement, le détachement matériel, mais aussi le don, la générosité, la bonté, le dévouement et l’assistance significative à l'endroit de la jeunesse pour son accomplissement intégral et sa désaliénation de toute forme de servitude matérielle et immédiate à son élévation vers la Vérité suprême.
Selon le communicant et chercheur en mouridisme, ‘’Borom Khelcom’’, comme l’appelaient les intimes, fait partie des fils de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké qui ont vu le jour à Diourbel, lieu de résidence surveillée, de 1912 à 1927. Il naquit, d’après Fallou Sène, le 22 septembre 1915, coïncidant ainsi avec le 14e jour du mois lunaire Zoul-Hiqqdah (1er mois sacré du calendrier musulman). Sa mère, Sokhna Faty Diakhaté, est issue de la grande famille de Serigne Modou Asta Diakhaté, grand érudit de Mbaakol, une contrée du Cayor.
‘’Quand il a atteint l'âge d'initiation ou apprentissage du Saint Coran, il fut confié à son oncle maternel Serigne Hamzatou Diakhaté, disciple et membre du secrétariat de Cheikhoul Khadim. Ce dernier l’amena à Serigne Alassane Diakhaté, en compagnie de Serigne Abdoul Ahad, Serigne Chouhaïbou et de Serigne Abdoulahi Diakhaté, à Nianka (Touba). Ainsi, Serigne Salihou continua sa formation en sciences islamiques et en langue arabe auprès de Serigne Massamba Sassoum Diakhaté, du légendaire Serigne Modou Dème, surnommé le ‘Lettré de Diourbel’ et d'autres érudits. Il devint ainsi un fin lettré avec une vaste culture générale, maîtrisant la littérature et la langue arabe’’, renseigne le chercheur.
Tarbiyah ou l'élévation spirituelle, Serigne Saliou, poursuit-il, fonda en 1934, à l'âge de 19 ans, son premier Daara à Got, dans le Diobass, en région diourbelloise. L’apprentissage du Coran, l’éducation religieuse et la culture des terres furent ses occupations dans cette contrée lointaine de son Diourbel natal. De par son comportement exemplaire et humaniste, indique-t-il, il bénéficia d’une aura auprès de tous.
Plus tard, Serigne Saliou créa d'autres Daaras comme Khabaan pour garantir aux enfants une éducation islamique de qualité et à l’abri de tout besoin matériel.
‘’Ainsi, il devint l'instigateur de la Tarbiyah qui était le domaine qui lui était exclusivement réservé parmi les legs de Cheikhoul Khadim. Khalife général des mourides à la date du 13 mai 1990, à la suite du rappel à Dieu de son frère Serigne Abdou Khadre, Serigne Saliou accordait une place de choix au travail qu’il considérait comme acte d’adoration. C’est ce qui explique le projet de Khelcom, une forêt qui lui sera octroyée par l'État du Sénégal qui constituera un outil important de Serigne Salihou dans son service à Serigne Touba, basé sur le perfectionnement de la jeunesse.
Khelcom fut, pour Serigne Saliou, l’endroit propice pour éduquer les enfants, travailler la terre pour faire vivre et inculquer les valeurs musulmanes basées sur les enseignements de Borom Touba. Il fit de ce lieu un centre d’excellence, d’éducation et formation islamiques’’, raconte M. Sène.
Cet intérêt du 5e khalife de Serigne Touba pour les jeunes s’explique, poursuit-il, par sa volonté d’en faire des êtres accomplis, tant spirituellement que matériellement. Ainsi qu’il le dit lors de son sermon de la fête de Korité de 1992 : ‘’Confiez-moi les enfants que j’accomplisse en eux (en guise de ‘barkélou’) ce que Cheikh Ahmadou Bamba avait réalisé avec les anciens.’’
‘’Sous son ère, beaucoup d'enfants ont maîtrisé le Saint Coran dans ses Daaras ou ailleurs. Les jeunes ont commencé à nourrir un attrait sérieux pour les Dahiras qui sont devenus un espace de formation et d’érudition nécessaires pour œuvrer pour Serigne Touba. Avec Serigne Saliou, on assiste à l’émergence d’une méthodologie de déclamation des ‘Khassaïdes’ empreinte d’originalité et plus conforme aux rythmes, mélodies et pratiques des anciens chanteurs mourides du temps de Serigne Bamba. L’intérêt à la déclamation des ‘Khassaides’ s’explique par la dimension ésotérique des écrits du maître de la Mouridya qui, d’ailleurs, dit que ses écrits permettent une élévation spirituelle sans nul besoin pour l’aspirant de passer par une quelconque retraite spirituelle (Khalwatou) et sont tels qu’ils dépassent même les maîtres de l'âme (Cheikhou Tarbiyah)’’, souligne le chercheur.
Aussi, déclare-t-il, Serigne Salihou est considéré par cette génération comme leur tuteur, celui par qui leur accès à la conquête d'une âme purifiée est acquis.
‘’L’exemple des champs de Khelcom, forts de 45 000 ha, en est une parfaite illustration’’
Homme très intelligent et très cultivé, ajoute le chercheur, il a une claire conscience des enjeux qu’implique sa mission de khalife et, surtout, il mesure à sa juste valeur l’impact que la conjoncture internationale peut avoir sur le devenir de l’islam dont il est l’un des plus ardents défenseurs. ‘’Très ouvert à la modernité et au progrès, il est cependant d’une fermeté inébranlable et d’une vigilance absolue dans sa croisade pour la défense de la pureté de l’orthodoxie musulmane, à l’instar de son père. Il a eu l’acquisition, en janvier 2002, à grands frais, d’un imposant immeuble à Taverny, en France, qu’il a mis à la disposition de toute la Oumah’’.
Fallou Sène d’ajouter : ‘’Il fut un soufi. Une personne qui a tourné le dos à toutes les choses mondaines. Seuls l’expansion de l’islam et le maintien du legs de son père lui tenaient à cœur. Il fut un grand cultivateur. L’exemple des champs de Khelcom forts de 45 000 ha, en est une parfaite illustration. Ils étaient tellement immenses qu’il confiait les travaux champêtres à des familles de Touba. Il a eu à former des milliers de jeunes à la mémorisation du Saint Coran et de la sounna. Ce n’est pas ceux qui ont fait ceux de Ndiourel, Ngott, Ndiapndal, Ndiouroul, Ndooka… qui vont dire le contraire. De son vivant, rare fois qu’on pourrait le voir sans qu’il soit en train de lire le Coran ou les ‘Khassida’. Il a mis en œuvre un plan de viabilisation de terrains d’environ 100 000 parcelles et un réseau d’électrification de la ville. De même, des canalisations ont été construites pour une meilleure évacuation des eaux de pluie. Il était la réincarnation parfaite de Serigne Touba. Son désintéressement vis-à-vis du clinquant de cette vie laissait comprendre aux gens quelque peu avertis que tout ce qui a une fin, une finitude ne doit pas être considéré comme durable, réellement. Il avait la plus grande attention pour la famille de Serigne Touba’’.
CHEIKH THIAM