Publié le 12 Dec 2023 - 21:45
FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES AU SÉNÉGAL

Une nébuleuse opaque

 

Le financement des partis politiques est toujours problématique au Sénégal où la plupart des militants sont invités à cotiser et à contribuer pour financer les activités du parti. Ainsi, beaucoup d’observateurs s'inquiètent de cette opacité dans le financement des partis politiques qui, à terme, menace notre démocratie. 

 

Les relents de l’affaire Ousmane Sonko, accusé d’avoir reçu un présumé financement en provenance du Qatar, posent avec acuité la nécessité de réguler le financement de nos partis politiques, dont les finances sont l’objet de multiples supputations.

En effet, dans les textes qui régissent le fonctionnement des partis politiques, les cotisations et autres formes de donations sont obligatoires. Dans la réalité, leur recouvrement repose en grande partie sur du volontariat des militants appelés à s’investir dans la vie économique du parti. Ce système de financement, qui date depuis la formation des partis politiques au Sénégal, a toutefois montré ses limites à l’heure de nouvelles méthodes de marketing politique et de campagne électorale.

Pour beaucoup, seule la mise en place d’un système de financement public est le mieux à même de faciliter l’implication des partis politiques dans l’organisation de la vie citoyenne dans notre pays. Certaines formations, qui sont dans l’opposition et qui n’ont pas la chance de bénéficier des subsides de l’État, indiquent parfois devoir renoncer à certaines activités, faute de moyens.

Ainsi, la plupart des petits partis basent leur système de financement sur le volontariat et sur le bon vouloir des militants qui cotisent régulièrement pour leur bon fonctionnement. 

D’après Moussa Sarr, porte-parole de la Ligue démocratique (LD), son parti assure le fonctionnement de ses activités à travers les cotisations. Les contributions financières des militants sont fixées sous forme de cotisation statutaire fixée par le Congrès ordinaire du parti et inscrite dans les textes (statuts et règlement intérieur) qui régissent le fonctionnement de leurs instances, renseigne-t-il.

En ce qui concerne, ajoute-t-il, les élections, les congrès du parti ou autres activités d'envergure, les militants sont appelés à faire un effort supplémentaire sous forme de contribution ou souscription volontaire.

Toutefois, beaucoup de responsables politiques reconnaissent que ce système de financement presque informel ne repose sur aucune base contraignante, sauf quand il s’agit d’investitures pour les différentes campagnes électorales. Les cotisations sont obligatoires pour les militants selon les textes, mais dans la réalité, leur recouvrement est beaucoup moins strict. Il y a peu de risques de voir un militant exclu pour manque de cotisation.  

Nécessité du financement public pour contrer les fonds occultes

Le professeur Babacar Guèye, président du Collectif des organisations de la société civile pour les élections (Cosce), de son côté, fait un constat implacable sur l’état de financement de nos partis politiques. D’après le juriste, ‘’le financement des partis politiques basé sur les cotisations des militants est insuffisant pour couvrir toutes les activités d'un parti. D’ailleurs, peu de formations politiques sont financées par les cotisations. C'est en général le leader du parti qui met la main à la poche’’, déclare-t-il. Une situation qui met en péril l’existence dans nos partis qui, parfois, apparaissent plus comme des clubs de soutien plutôt que des formations politiques. Le leader tenant les cordons de la bourse s’entoure souvent de courtisans plutôt que de vrais militants.

Toujours selon le professeur Babacar Guèye, les activités financières de chaque parti sont encadrées par la loi et contrôlées par le ministère de l'Intérieur qui a un œil sur les finances des partis. Ainsi, rappelle-t-il, chaque parti doit faire un bilan financier, tous les ans. Faute de quoi, il peut être dissous (article 4 de la loi 89-36 du 12 octobre 1989) renseigne-t-il.

Face aux risques de possibles dérives liées à des mécènes ou des fonds à la provenance douteuse, tous les acteurs politiques et la société civile semblent unanimes sur la nécessité d’avoir recours à des finances publiques pour éviter des abus liés à de possibles financements occultes. Même si ce financement public doit être assorti de fortes mesures concernant la limitation du nombre de partis qui avoisinent les 300. 

‘’Pour nous, c'est devenu urgent de procéder au financement des partis. Les critères peuvent être la participation aux élections, le nombre d'élus obtenus, la tenue d'instances nationales (congrès, par exemple), entre autres. Dans tous les cas, il peut constituer un moyen, parmi d'autres, pour lutter contre le financement des partis politiques par des fonds étrangers qui mettent en péril notre démocratie. Surtout qu'avec le pétrole et le gaz, le Sénégal ne laisse pas indifférents certains lobbies qui s'appuient, hélas, sur des nationaux dont le patriotisme est plus que douteux, prêts à participer à une entreprise de déstabilisation du pays’’, révèle Moussa Sarr.

Le professeur Babacar Guèye de renchérir : ‘’Le financement public assorti d'une limitation des dépenses et d’un contrôle strict me paraît plus équitable que ce que nous avons actuellement.’’

Les enjeux d’une meilleure traçabilité et d'un contrôle des financements politiques

De son côté, Ibrahima Bakhoum, politologue, souligne la nécessité d’aller vers plus de transparence dans les financements du parti et surtout de mettre en place un montant plafond de dépenses pour chaque parti, lors de la campagne électorale. ‘’Il nous faut avoir un montant fixe de dépenses que chaque parti doit respecter, afin d’éviter certains abus dans le financement des partis politiques. Cette méthode nous permettra aussi de limiter les dérives financières. Car, dans la mouvance présidentielle, si on nomme des personnes à des postes électifs et que ces derniers sont chargés d’animer et de financer les activités de ce même parti, il ne faut pas s’étonner, à la fin, d’avoir des détournements d’objectifs de fonds alloués à tel ou tel directeur’’, affirme le journaliste.

Toutefois, cette mesure ne pourra se faire qu’avec un écosystème de partis qui respectent les critères normaux de formations politiques marquées par une activité politique régulière et une structure bien identifiée.  

Concernant le financement au sein d’un cadre plus large qui est la coalition, les méthodes de financement diffèrent. Dans certaines coalitions, les personnes détentrices de postes électifs ou qui occupent des postes stratégiques dans l’Administration publique participent au financement des grandes activités de la coalition. Alors que dans le cadre de la Confédération pour la démocratie et le socialisme (CDS), qui regroupe une bonne partie des forces de la gauche historique, il est institué une cotisation mensuelle de 20 000 F CFA par organisation membre. La Conférence des leaders de la CDS fait régulièrement la situation des cotisations de ses membres, conclut Moussa Sarr, responsable ‘’jallarbiste’’.

Que dit la loi

‘’Il ressort des dispositions des articles 2 à 5 de la loi n°81-17  du 6 mai 1981 (modifié par de la loi n°89- 36 du 12 octobre 1989) qu’outre les formalités relatives au fonctionnement des associations prévues par le Code des obligations civiles et commerciales, il est fait obligation à chaque parti politique de déposer chaque année, au plus tard le 31 janvier, le compte financier de l’exercice écoulé. Ce compte doit faire apparaitre que le parti politique ne bénéficie d’autres sources que celles provenant des cotisations, dons et legs des adhérents et sympathisants nationaux, et de bénéfices réalisés à l’occasion des manifestations.’’

Mamadou Makhfouse NGOM

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